6. Le recel des divergences est une grande trahison | Islamopédie

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6. Le recel des divergences est une grande trahison
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Introduction

J’ai beaucoup œuvré pour combler les brèches qui divisent la jeunesse musulmane. Il est en effet effrayant de voir les divergences éclater parmi les musulmans actuellement, tandis que leurs ennemis s’apprêtent à leur porter le coup de grâce, après leur avoir asséné une série de coups qui ont désuni leurs rangs et leurs aspirations.

Il est diverses sortes de divergences juridiques et linguistiques que je n’appréhende aucunement. J’estime même que cela fait partie des traits mentaux et psychologiques de la nature humaine !

Quant aux divergences nées sur les bancs de l’oisiveté et du verbiage, qui occupent les assemblées du badinage et de l’inaction, cela constitue une désobéissance envers Dieu et un facteur d’affaiblissement de la Communauté.

Ce genre de divergences n’existaient pas lorsque la Communauté était occupée par son message, et avait mobilisé toutes ses forces pour tailler les griffes des agresseurs de l’islam. Lorsqu’elle a déposé son fardeau — ce qu’elle n’aurait jamais dû faire —, elle s’est mise à parler des choses de sa religion, et à spéculer sur la compréhension du monde de l’Inconnu (Al-Ghayb) après s’être délestée du fardeau de l’action dans l’ici-bas.

Nous avons ainsi hérité de quantité de fléaux se rapportant à différentes questions. Loin d’arranger nos affaires, nos adversaires nous ont livré une guerre d’extermination tandis que nous poursuivions ce verbiage, au point que j’ai craint que la renaissance islamique contemporaine ne soit avortée par la bêtise de gens qui raffolent de raviver ces questions.

Quand j’étais au Caire, quelqu’un est venu m’informer qu’une discorde avait éclaté à Hulwân entre les fidèles d’une mosquée ! J’ai demandé pourquoi. On m’a répondu que le prédicateur de la mosquée s’était demandé tout haut : « Où est Allah ?! » Les fidèles se sont étonnés de la question qui leur était posée ! Puis l’Imam s’est chargé de donner la réponse disant : « Au ciel ! » Ensuite, il a cité un hadith connu s’y rapportant... Certains fidèles se sont mis en colère en entendant la réponse, ce qui n’a pas manqué de provoquer un brouhaha et des polémiques parmi les gens.

Je me suis hérissé à l’écoute de ce récit et une grande colère s’est emparée de moi.

L’histoire du prédicateur et des opposants a été reprise et diffusée par ci par là, et voilà que les débats et les discordes naissent de nouveau entre ceux qui se revendiquent du salaf et ceux qui se revendiquent du khalaf.

Je me suis dit alors qu’il y avait là de quoi réjouir les Juifs et les Chrétiens, et une nouvelle calamité pour les Musulmans hagards ! Dès lors, je me suis vu contraint de courir ça et là pour éteindre le feu et occuper la Oumma par ce dont elle doit s’occuper. J’étais également dans l’obligation de parler des divergences anciennes et contemporaines de façon à ressouder les rangs et à repousser la discorde.

L’univoque et l’équivoque

Je dis,

Il existe dans le saint Coran des versets univoques (muhkam) et d’autres équivoques (mutashâbih). Cependant, quelle est la proportion de l’équivoque par rapport à l’univoque ?

L’univoque constitue la partie-mère de la révélation et la base du livre, il est le fondement des obligations. Ceci signifie que c’est vers lui que s’orientent les volontés, à sa lumière elles agissent et sur lui se focalisent leurs actions. Quant à l’équivoque — qui est très limité —, se focaliser sur lui constitue une déviance de la pensée et une errance du cœur. Il nous suffit de le prendre tel quel sans nous étendre à son sujet ni chercher des complications. D’une part, s’éterniser sur lui ne sert à rien. D’autre part, cela sera aux dépens de l’univoque ; on le négligera après avoir gaspillé le temps sur autre chose.

On m’a dit :

Mais nos ancêtres ont divergé après avoir réfléchi, on ne peut nier cela. Dans le pays, il y a des gens qui s’attachent fanatiquement aux prédécesseurs (Salaf) qui ont pris les versets selon leur sens apparent et il y en a d’autres qui s’attachent aux successeurs (Khalaf) qui ont interprété ces versets et leur ont trouvé des significations raisonnables. Que faire ?

Je réponds :

Le fanatisme aveugle est inacceptable ! À bien y réfléchir, il est une vérité qu’il faut affirmer.

Aussi bien le Salaf que le Khalaf glorifient et louent leur Seigneur. Ils Le sanctifient, espèrent Sa miséricorde et craignent Son châtiment. Tous croient en Son existence, qu’Il est l’Omnipotent, que rien ne Lui ressemble et que ce que Lui attribuent les Juifs et les Chrétiens comme incarnation, multiplicité ou tout autre trait humain n’est que pure erreur !

Les expressions du Salaf et du Khalaf tendent toutes vers cet objectif, bien que leurs styles puissent différer. Si la divergence entre eux n’était pas purement terminologique, elle en serait très proche en tout cas.

Le Coran est un livre qui enracine la certitude dans les cœurs et propage le bien dans la société. Il parle aux serviteurs de Dieu pour leur faire connaître Sa puissance et Sa grandeur, et les éduquer dans Son observance. Or, le Coran a été révélé en langue arabe. Il a suivi ses règles et a eu recours à ses figures de style et à ses procédés oratoires. Quand nous le méditons correctement, nous suivons le droit chemin.

Néanmoins, la raison humaine connaît des errances qui lui suggèrent parfois de se poser des questions qui n’ont pas de réponse. Si je mémorise le Coran, où est la place de ce qui est mémorisé ? Est-ce dans mon cœur ou dans ma tête ? Je ne sais pas...

La mémoire est un dépôt étonnant, comment disparait dans ses abysses ce que l’on oublie, et flotte à sa surface ce dont on se souvient ? Je ne sais pas ! Et puis à quoi bon insister sur ces interrogations, si la réponse est au-dessus de ma capacité ?!

Est-ce que la fourmi sait comment le poète crée sa rime ou comment le professeur résout une équation algébrique ? Elle ne le sait pas et ne le saura jamais !!

Alors pourquoi l’un d’entre nous essayerait-il de connaître la quiddité de la divinité alors qu’il ne se connait pas lui-même ? La transformation de la nourriture en cellules vivantes, puis la transformation de ces dernières en matière morte qui disparaît puis se renouvelle, est une chose stupéfiante pour la raison. Or, ce phénomène se reproduit très fréquemment, à toute heure du jour et de la nuit, par l’œuvre de Celui Qui a dit de Lui-Même : « Chaque jour, Il accomplit une œuvre nouvelle. » [55/29] et « C’est Lui qui donne la vie et donne la mort. Puis quand Il décide une affaire, Il n’a qu’à dire : "Sois", et elle est. » (40/68)

Le Salaf et le Khalaf

Je suis revenu avec ma mémoire à la période de mes études à l’université d’Al-Azhar, il y a de cela quelque cinquante ans.

Nous assistions au cours de la science du Tawhîd (Le Monothéisme) et écoutions l’enseignant nous exposer des exemples de versets équivoques. Nos esprits étaient chargés de nombre de considérations à propos de la parole du très-Haut : « Le Tout Miséricordieux S’est établi (Istawâ) sur le Trône. » [20/5] et Sa parole : « la main d’Allâh est au-dessus de leurs mains. » [48/10]

Après un long exposé, le Sheikh — qu’Allâh lui fasse miséricorde — a dit : « Et la méthode du Salaf est plus saine, alors que la méthode du Khalaf est plus judicieuse ! »

— Pourquoi ?, ai-je demandé.

Il m’a répondu : « La méthode du Salaf est plus saine car moins sujette à l’erreur dans l’affirmation du sens et elle tend mieux à espérer la récompense divine. En effet, elle s’éloigne de l’interprétation (Ta’wîl) et accepte le Tafwîd comme il nous a été ordonné. Cependant, la méthode du Khalaf est plus judicieuse, car elle est plus apte à répondre aux accusations, et plus à même de dissiper les doutes et de confondre les adversaires. »

Nous avions, nous autres étudiants, accepté l’enseignement. Les années se sont écoulées tandis que la polémique perdurait entre les deux parties.

À bien réflechir au problème, j’ai constaté qu’aussi bien le Salaf que le Khalaf ont eu recours à l’interprétation de certains versets.

Par exemple, dans la parole d’Allâh : « Il est avec vous où que vous soyez. » [57/4], il ne s’agit pas d’une présence par Son Essence, mais par Sa Science !

Dans Sa parole : « et Nous sommes plus près de lui que sa veine jugulaire » [50/16], ou Sa parole : « Et Nous sommes plus proche de lui que vous » [56/86], il s’agit des anges et non de l’Essence divine, c’est ce que dit le Salaf...

Les interprétations du Khalaf, quant à elles, sont nombreuses à l’instar de Sa parole : « Le Tout Miséricordieux S’est établi (Istawâ) sur le Trône. » [20/5] L’établissement ne correspond pas à l’installation ni au contact, mais il s’agit d’emprise et de domination, etc.

J’avais pour ma part penché pour l’avis du Salaf et cela s’est vu dans mon livre intitulé La foi du Musulman. Cependant en creusant plus avant et après davantage de recherches, j’ai abouti à la conclusion que le Tafwîd était requis tant qu’il ne vire pas à quelque anthropomorphisme et que l’interprétation était requise tant qu’elle ne conduit pas à la négation (Ta`tîl) des Attributs divins.

Sur ce, j’ai refusé la méthode des Mu`tazilites car, influencés par la philosophie grecque, ils ont donné une image corrompue de la divinité ! J’ai refusé également le comportement de quelques extrémistes parmi les Hanbalites car ils ont failli professer l’anthropomorphisme...

J’ai alors passé en revue les paroles des savants à travers les siècles, et j’ai ainsi constaté que les paroles des uns confirmaient celles des autres, ou presque. J’ai remarqué que la différence était ténue entre les narrations rapportées de la part du Salaf et celles rapportées de la part du Khalaf et qu’il n’y avait là rien qui puisse justifier des affrontements sanglants entre les uns et les autres.

Abû Hâmid Al-Ghazâlî — un Imâm du Khalaf — déclare dans son livre Al-Iqtisâd fil-I`tiqâd (La modération dans la croyance) :

Si l’on demandait :

— Quel est le sens de Sa parole — Exalté soit-Il — : « Le Tout Miséricordieux S’est établi sur le Trône. »" [20/5] ? Ou quel est le sens de la parole du Prophète — paix et bénédictions sur lui — : « Allâh descend chaque nuit dans le ciel inférieur » ?

Nous répondrions : Le sens apparent des textes de ce genre se prête à de très longs développements. Toutefois, nous allons tracer une méthode à l’égard de ces deux textes pouvant servir de repère pour les énoncés similaires. Cela consiste à dire que : les gens se divisent en deux catégories à propos de ce genre de textes, les gens du commun, d’une part, et les savants, d’autre part.

À notre avis, il est plus approprié et plus convenable de ne pas entraîner les gens du commun dans de telles interprétations. Au contraire, il faut débarrasser leurs croyances de tout ce qui impliquerait une quelconque ressemblance entre le Créateur et Ses créatures, ou serait de nature accidentelle, et confirmer chez eux qu’Il est — Exalté soit-Il — Existant : « Il n’y a rien qui Lui ressemble ; et Il est l’Audient, le Clairvoyant » [42/12].

Et s’ils posent des questions sur le sens de ces versets, il faut éconduire leur curiosité et leur dire : « Ceci n’est pas de votre ressort, passez votre chemin... Chaque science a ses spécialistes. » Il leur sera également répondu de la même manière qu’a répondu Mâlik Ibn Anas : « L’établissement est connu, le comment est inconnu, y croire est obligatoire et le questionnement à ce sujet est une innovation. »

Cela est dû au fait que l’esprit des masses ne peut pas appréhender les choses rationnelles, ni maîtriser les finesses des langues, ni la richesse des métaphores dans la langue Arabe.

Quant aux savants, il leur sied davantage de connaître tout cela et de le comprendre ! Je ne suis pas en train de dire qu’il s’agit d’une obligation individuelle, car nous n’avons reçu aucun commandement en ce sens. En revanche, il nous a été ordonné de déclarer Sa Transcendance (Tanzîh) — Gloire à Lui — par rapport à toute ressemblance à autrui.

De son côté, l’Imâm An-Nawawî dit dans son commentaire de Sahîh Muslim au sujet du hadith de la servante — dont le prédicateur de l’une des mosquées a usé et abusé dans son discours — :

Ce hadith fait partie des hadiths relatifs aux Attributs, il existe à son sujet deux approches.

La première consiste à y croire sans discuter de son sens, en ayant la croyance que rien ne ressemble à Allâh — Exalté soit-Il — et en affirmant Sa transcendance (Tanzîh) par rapport aux caractéristiques des créatures.

La seconde consiste à l’interpréter de manière convenable. Ceux qui adoptent cette approche affirment que le but était de tester la servante pour savoir si elle était monothéiste et croyait qu’Allâh est le Créateur et le Régisseur, qu’Il est Celui que l’invocateur supplie en s’orientant vers le ciel, tel l’orant qui s’oriente vers la Ka`bah lorsqu’il accomplit sa prière, car le ciel est la direction (Qiblah) des invocateurs tout comme la Ka`bah est la direction des orants, ou bien si elle était idolâtre. En répondant « au ciel », il était acquis qu’elle était une croyante et non une idolâtre.

L’Imâm cite également le Juge `Iyâd qui dit :

Il n’y a point de divergence entre l’ensemble des Musulmans, tous juristes, traditionnistes, théologiens, leaders ou imitateurs confondus, concernant le sens apparent que l’on trouve dans certains versets, tels que : « Êtes-vous à l’abri que Celui qui est au ciel vous enfouisse en la terre ? Et voici qu’elle tremble ! » [67/16] ; ce genre de versets ne sont pas pris au pied de la lettre, mais sont plutôt interprétables à l’unanimité.

L’excès dans l’interprétation, comme c’est le cas chez les Mu`tazilites, a fait disparaître des cœurs la crainte d’Allâh, tout comme il a fait choir ceux qui le pratiquent dans des contradictions étonnantes, car comment peut-on dire d’Allâh qu’Il est « Savant sans science » ou « Puissant sans puissance » ?!

Cette façon de raisonner est une mauvaise imitation d’Aristote qui a dénué son dieu de tout attribut et de toute action si bien qu’il en a fait un dieu qui ne fait que se contempler !

Les Mu`tazilites avaient plus d’audace à interpréter les textes qu’à critiquer les philosophes, comportement blâmable au demeurant.

Les dangers de l’anthropomorphisme

On trouve par ailleurs un autre genre d’individus prétendant au Tafwîd et à la Salafiyyah, qui pourchassent des textes insignifiants dont les chaînes de narration sont ténébreuses et y puisent les articles du credo ! Ils pourchassent des textes ça et là, font des raccourcis entre eux, pour aboutir finalement à une forme d’anthropomorphisme que les Musulmans, Salaf et Khalaf confondus, ne connaissent pas.

Il ne faut pas se laisser impressionner par les titres et les appellations. Certains prétendirent en effet qu’Ibn Khuzaymah et le fils de l’Imam Ahmad, seraient des adeptes de ces positions et auraient formé un groupe de vauriens, ayant causé quelques troubles à Bagdad, avant de tomber dans l’oubli.

D’après Al-Kâmil fit-Târîkh d’Ibn Al-Athîr, le calife abbasside Ar-Râdî Billâh promulgua un édit à leur encontre, contenant entre autre : « Vous prétendez que vos visages hideux sont à l’image du Seigneur des mondes, et que votre apparence ignoble épouse Son apparence ! Vous citez les mains, les doigts et les pieds dorés, les cheveux crépus, l’ascension dans le ciel et la descente sur terre ! Qu’Allâh soit Exalté au-dessus de ce que disent les injustes et les Négateurs, etc. »

Cela se passa au IVème siècle, en l’an 323 A.H.

Ibn `Asâkir rapporta également dans son livre Tabyîn Kadhib Al-Muftarî `Alâ Al-Imâm Abî Al-Hasan Al-Ash`arî (Déconstruction des mensonges portés contre Abû Al-Hasan Al-Ash`arî) : « Ces Anthropomorphistes ne voulurent rien savoir et déclarèrent que l’Adoré possède un pied, des molaires, une luette et des phalanges et qu’Il descend sur terre en personne sous la forme d’un jeune homme ! Etc. »

Les savants Shaféites portèrent leur affaire à la connaissance du gouverneur, les décrivirent comme un groupe de racailles et de vauriens se revendiquant du hanbalisme et demandèrent au gouverneur de prendre des sanctions à leur encontre. L’Imam Ahmad Ibn Hanbal — qu’Allâh l’agrée — est bien entendu innocent de cette filiation. Il ne fut jamais un adepte de l’anthropomorphisme, ni un dévoyé.

Lisons ci-après le commentaire d’Ibn Al-Jawzî au sujet du comportement de ces idiots dans son livre intitulé Sayd Al-Khâtir :

« Je suis étonné du comportement de certaines personnes qui, tout en prétendant être des savants, glissent vers le l’assimilationnisme en comprenant les textes de manière littérale. S’ils avaient fait passer ces textes tels qu’ils nous sont parvenus, ils seraient saufs, car celui qui les fait passer tels quels sans s’impliquer, n’aura rien affirmé, ni pour lui ni contre lui !

Mais il est des gens au bagage scientifique réduit. Ils considèrent qu’une lecture non littérale des textes est une forme de négation. Or s’ils avaient saisi la richesse de la langue, ils n’auraient pas pensé cela. Ils ne sont pas sans rappeler l’épisode où Al-Khansâ’ fit l’éloge d’Al-Hajjâj dans un poème où elle dit :

Idhâ Habata Al-Hajjâju Ardan Saqîmatan *** Tatabba`a Aqsâ Dâ’ihâ fa-Shafâhâ

(Lorsqu’Al-Hajjâj arrive dans une terre malade *** Il guérrit ses plus dures maladies)

Celui-ci dit à son secrétaire après qu’elle eut terminé son poème : « Coupe lui la langue ! » Simplet, le secrétaire fit venir un couteau !

Al-Khansâ’ lui dit : « Malheur à toi, il voulait dire : "Donne lui une récompense généreuse !!" »

Puis, elle retourna voir Al-Hajjâj et lui dit : « Par Allâh, il a failli m’amputer de la langue ! »

Il en est de même pour les Littéralistes qui ne se sont pas contentés d’accepter les textes tels quels. Car celui qui lit les versets et les hadiths sans rien ajouter, nul reproche à lui faire, et ceci est la méthode du Salaf.

Mais celui qui affirme que le hadith implique ceci, ou se comprend de telle manière, comme par exemple le fait de dire : « Il S’est établi sur le Trône en personne (bi-Dhâtihi) », et « Il descend au ciel inférieur en personne (bi-Dhâtihi) » ; il s’agit là d’ajouts compris par l’auteur de ses paroles, issus de sa perception personnelle et non du texte !! Je reste étonné de cet homme andaloux du nom d’Ibn `Abd Al-Barr l’auteur du livre intitulé At-Tamhîd, dans lequel il mentionna le hadith de la descente d’Allâh au ciel inférieur, et commenta : « Ceci prouve qu’Il est sur le Trône, sinon la parole (du Prophète) "Il descend" n’aurait aucun sens ! »

Ces paroles ne peuvent émaner que d’un homme méconnaissant Allâh — Exalté soit-Il —, car celui-là jaugea l’attribut d’Allâh à l’aune de sa connaissance de la descente des corps acquise de manière sensorielle ! Où en sont ces gens de l’attachement aux Textes ? Ils prononcèrent les pires paroles que peuvent proférer les Allégoristes, puis ils critiquèrent les adeptes du Kalâm...

Sache, chercheur de la guidée, que nous tenons deux principes fondamentaux tirés de la raison et de la tradition, à l’aune desquels on jauge toutes les narrations.

Au plan de la tradition, nous avons Sa Parole — Exalté soit-Il — : « Rien ne Lui ressemble. » [42/11] Celui qui comprend cela, n’interprètera jamais un attribut divin selon le sens dicté par son expérience sensorielle.

Au plan de la raison, il est de notoriété que le Créateur est différent des créatures ; le caractère accidentel de ces dernières est prouvé par ce qu’elles sont sujettes aux changements, et aux émotions. De ce fait découle l’Éternité du Créateur. »

Puis Ibn Al-Jawzî — qu’Allâh lui fasse miséricorde — poursuivit l’explication de son point de vue, répondant aux Assimilationnistes et interprétant les textes dont la lettre pourrait faire accroire leurs thèses : « N’est-il pas rapporté dans le hadith authentique que la mort sera immolée entre le paradis et l’enfer ? » Puis il s’interrogea :

« Comment peut-on imaginer raisonnablement l’immolation de la mort ? Et comment interpréter ce hadith ?

La réponse est que ces paroles sont citées à titre de parabole, et l’image rapportée vise à rapprocher l’idée de la propre mort de la mort et de l’éternité des gens dans ce qu’ils auront obtenu comme rétribution.

Il en est de même de la narration authentique selon laquelle les sourates Al-Baqarah et Âl `Imrân viendront tels deux nuages. Les paroles ne sauraient être des nuages ! On entend par là la venue de la récompense de la récitation. Quelle preuve empêche l’interprétation de ces textes de manière littérale ? L’empêchement tient au fait avéré que les paroles ne ressemblent pas aux corps, et que la mort ne s’immole pas comme les bestiaux !!

Alors si nous écartons de la mort et des paroles ce qui ne leur sied pas, ne devrions nous pas, à plus forte raison, écarter d’Allâh ce qui Le rend semblable à Ses créatures alors que nous possédons à cet égard des preuves rationnelles et textuelles ?! »

De ce qui précède, on pourrait penser qu’Ibn Al-Jawzî est un partisan de l’interprétation allégorique (Ta’wîl), et que s’il n’appartenait pas au Khalaf, il aurait à tout le moins adopté leur méthode et marché sur leurs pas. Mais il n’en est rien ! Nous citerons ci-après une charge sévère qu’il porta à l’encontre des Allégoristes. L’homme rejetait l’assimilationnisme et tout ce qui peut y mener, et souhaitait appréhender les textes dans le cadre des deux fondements précités : la tradition et la raison. Il dit — qu’Allâh lui fasse miséricorde — :

Les propos des Allégoristes et des Négateurs des Attributs sont parmi les choses les plus nocives pour les gens du commun. Les Prophètes — paix et bénédictions sur eux — insistèrent en effet sur l’affirmation des Attributs (Al-Ithbât) afin que l’existence du Créateur soit établie dans l’esprit des gens du commun. Car les esprits apprécient les affirmations. Mais lorsque les gens du commun entendent ce qui implique la négation, ils rejetent les idées qu’ils se faisaient !

Clarifions un peu ; Allâh — Exalté soit-Il — déclara S’être établi sur le Trône, alors les esprits apprécient l’affirmation de Dieu et de Son existence.

Allâh dit : « Seule subsistera La Face de ton Seigneur » [55/27]

Et il dit : « Au contraire, Ses deux mains sont largement ouvertes : Il distribue Ses dons comme Il veut. » [5/64]

Il dit : « des gens contre qui Allâh S’est courroucé » [58/14]

Et aussi : « Allâh les a agréés » [5/119]

Le Messager nous informa par ailleurs qu’Allâh descend au ciel inférieur, et il dit : « Les cœurs des hommes sont entre deux doigts du Miséricordieux. » Il dit également : « De Sa Main, Il écrivit la Torah ; Il écrivit un Livre qu’Il conserva auprès de Lui au-dessus du Trône. » Et bien d’autres textes qu’il serait fastidieux de citer.

Lorsque le cœur de la personne du commun ou de l’enfant s’emplit de l’affirmation (des Attributs), il lui sera dit : « Rien ne Lui ressemble » [42/11] Alors s’effacera de son cœur ce que l’imagination lui suggérait.

La plupart des gens n’appréhendent l’affirmation des Attributs qu’à travers ce dont ils ont l’habitude de percevoir, alors le Créateur accepte et tolère cela, jusqu’à ce qu’ils comprennent la transcendance divine (Tanzîh).

Mais, si pour commencer, nous disions à l’homme du commun qu’Allâh n’est ni dans le ciel ni sur le Trône, qu’il ne peut lui être attribué une main, que la parole est un attribut inhérent à Son Essence qui n’a rien de commun avec notre faculté, et que l’on ne peut concevoir Sa descente etc., alors il cessera de révérer le Coran. Pis, l’affirmation de Dieu ne se réaliserait pas en lui, ce qui constitue un crime majeur à l’encontre des Messagers...

Cela signifie que cette attitude, purement rationnelle, détruit ce que les Prophètes se sont efforcés de bâtir et de prôner.

L’affaire ne nécessite pas d’interpréter la main par le bienfait ou la puissance, ni d’expliquer le hadith des cœurs entre deux doigts, en disant que les cœurs sont entre deux manifestations de la Seigneurie (Rubûbiyyah), à savoir le maintien sur la voie droite et l’égarement de cette voie, entre autres considérations des Allégoristes à propos des textes équivoques.

La meilleure chose à faire consiste à dire : « Faîtes passer ces choses telles quelles, et ne leur cherchez pas d’interprétation à tout prix. »

Après avoir exposé son point de vue, Ibn Al-Jawzî dit : « Celui qui a compris ce chapitre sera à l’abri de l’assimilationnisme des Anthropomorphistes et de la négation des Négateurs, et aura mis le pied sur la voie du Salaf... »

Les critiques d’Ibn Al-Jawzî l’accusèrent de se contredire ! Cela est injuste, car cet homme accordait beaucoup d’intérêt aux vérités de la religion et veillait à ce que la transcendance d’Allâh et Sa Gloire soient proclamées. Il était donc obligé de sauver l’Islam de deux sortes de gens dangereux :

1.Ceux qui ont une vision matérialiste naïve et comprennent la divinité d’une manière puérile.

2.Ceux qui recourent à l’abstraction intellectuelle, faisant de la divinité un concept qui ne cesse de s’élever jusqu’à ce qu’il échappe aux regards et aux idées...

Étant donné que l’interprétation est indispensable pour expliquer certains textes, et puisque le Salaf aussi bien que le Khalaf furent obligés d’y recourir, alors à l’instar du Salaf, nous usons de Tafwîd refusant l’anthropomorphisme et, à l’instar du Khalaf, nous recourons à l’interprétation refusant la négation des attributs (Ta`tîl) !

La meilleure conduite

La meilleure conduite consiste à s’intéresser à ce qui est univoque dans la révélation, lui consacrant notre attention, et à passer outre ce qui est équivoque, sans essayer d’y réfléchir, car la raison n’a aucune prise au-delà de la matière.

Il y a cependant une grande différence entre les choses que la raison peut juger impossibles et les choses qu’elle se trouve incapable d’explorer. Il est ainsi impossible que trois ne fassent qu’un, mais le fait que Dieu soit Éternel, sans début ni fin, est vrai même si la raison ne peut le saisir.

Ai-je bien fait en arrivant à cette conclusion ? Je n’ai ménagé aucun effort, j’ai soulagé ma conscience et servi la Oumma ! Mais certains diront : « Non ! Ce n’est pas la conclusion qu’on espérait ! » À ces frères, je soumets les remarques suivantes.

Les ennemis ont changé, et les armes ont changé, alors que changent les moyens de défense !

En classe, j’écoutais le Sheikh déclarer la position de l’Islam à propos des Philosophes, résumée en un poème dont le début disait : « Par trois (articles) ont mécru les philosophes transgresseurs !! » Ce faisant, l’enseignant regardait fixement un coin de la classe, comme si les philosophes étaient assis là-bas écoutant le chef d’accusation.

Les trois articles cités sont, leur thèse sur l’ancienneté du monde (Qidam), la négation de la rétribution physique et la négation de la science d’Allâh de tous les détails. Ces accusés-là sont morts, d’autres mécréants ont pris leur place et défendent d’autres causes...

Les fadaises des Jahmites, des Karâmites et consorts n’ont plus cours, leurs thèses peuvent être étudiées parmi quantité de thèses surannées, mais l’attention doit être focalisée sur d’autres formes de déviances apparues récemment dans le monde...

Si, de nos jours, la raison humaine croyait en Dieu tel que l’a décrit le Saint Coran, elle n’aurait alors cure des anciennes polémiques ; elle ne s’arrêterait pas longtemps devant les textes équivoques. Car cette raison a refusé de sonder l’essence de la lumière, mais a su se servir de la lumière dans tous les domaines de la vie. Certes, le jour où cette raison croira, elle dépassera les discussions de terrasse de café, fruit de l’oisiveté ! L’essentiel est qu’on fasse qu’elle croie !

La lutte des Musulmans contre leurs adversaires s’est déplacée vers des domaines qu’il nous incombe d’étudier, et où nous devons nous tenir prêts avec une raison qui comprend la révélation et le monde à la fois.

On trouve parmi la jeunesse musulmane des groupes étranges, combinant l’héritage intellectuel des Khârijites, la jurispridence des Littéralistes (Dhâhirites) et l’imagination des Anthropomorphistes ! Parmi eux, il en existe qui essayent d’élever leur basse condition par l’insulte des Imams, sous la bannière de la Sunnah, et d’autres qui ressuscitent les anciennes superstitions au nom de la religion de la prime nature, d’autres encore défendent l’archaïsme et combattent le progrès civilisationnel au nom de la piété et de la sauvegarde des principes de la religion...

Mais laissons de côté les divergences au nom de la doctrine et penchons-nous sur les divergences au nom du culte.




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