Les actes miraculeux en question...
par Mohammad Patel, mercredi 16 mars 2011, 21:53
Bismillâhir Rahmânil Rahîm
Cet univers au sein duquel nous nous trouvons est régit par le principe de causalité : chaque phénomène qui s'y produit à une cause bien définie, les mêmes causes produisant, en règle générale, les mêmes effets dans les mêmes circonstances. Néanmoins, le musulman ne doit jamais oublier que ce principe de causalité est totalement soumis à la Volonté Divine, le Créateur de l'Univers, des causes et des effets… A partir de là, pour le croyant, il est tout à fait concevable rationnellement que la présence d'une cause ne soit pas suivie de son effet habituel et naturel, ou qu'un effet se manifeste sans que sa cause habituelle et naturelle ne soit présente, si telle est la Volonté d'Allah : l'existence de ce genre de phénomènes miraculeux ne sont en fait que des manifestations éclatantes de la Toute Puissance Divine.
Il est à noter cependant que, les savants musulmans ont établi une distinction claire entre les phénomènes extraordinaires en fonction de celui par l'intermédiaire desquels ils sont réalisés :
"Mou'djizah": Il s'agit de l'acte extraordinaire et miraculeux qui est réalisé, avec la permission d'Allah, par un être qui proclame être un Prophète de Dieu (alayhis salâm) : le miracle accompli constitue non seulement une preuve claire et évidente de la véracité de son propos, mais représente également un moyen par lequel il défie ses opposants, ceux-ci étant dans l'incapacité de produire quelque chose de semblable… Le Qour'aane et la Sounnah regorgent de récits présentant les miracles réalisés par les Ambiyâ (prophètes) a leur époque respective.
"Karâmah" : Il s'agit de l'acte extraordinaire et surnaturel réalisé, avec la permission d'Allah, par une personne pieuse respectant scrupuleusement la législation divine (waliy-oul-lâh –ami de Dieu), qui est attachée à l'enseignement de son Prophète (alayhis salâm) et qui ne prétend pas être lui-même un prophète. La réalisation du miracle dans ce cas a pour but notamment d'honorer le waliy, de fortifier sa foi et de l'encourager à poursuivre ses efforts pour se rapprocher de Dieu. Un Hadith authentique relate en substance que, après avoir invoqué Allah par le biais de la meilleure action qu'elles avaient accomplies, trois personnes qui s'étaient retrouvés emprisonnés dans une grotte furent miraculeusement sauvés par Allah : cet évènement constitue justement un exemple de Karâmah.
Dans le cas où quelqu'un qui n'agit pas en conformité avec les enseignements de l'Islam qui est un kâfir (non croyant) réalise un acte surnaturel, son geste est qualifié d'"Istidrâdj" (ce terme signifie littéralement "trappe"). Il s'agit en réalité d'un piège de la part de Dieu (le phénomène lui même est souvent le fait de chaytân) qui a pour but de plonger celui qui réalise l'acte surnaturel dans un égarement encore plus profond que celui dans lequel il est déjà, et d'éprouver la foi de ceux qui en sont témoins. Il est à noter que les miracles que réalisera dadjjâl (le Grand Trompeur) à la fin des temps seront de cette nature : ceux qui le suivront seront justement trompés par les prodiges qu'il réalisera (faire revivre une personne assassinée par exemple), tandis que ceux qui seront protégés par Allah ne se laisseront pas prendre par son piège.
A titre de complément d'information, il convient de souligner quelques points importants concernant les phénomènes miraculeux :
Les Mou'djizât et les Karâmât ne se produisent que par la Volonté Divine et constituent avant tout des preuves de la Toute Puissance d'Allah : ils ne doivent donc en aucune façon justifier une quelconque forme de culte ou d'adoration de la personne par l'intermédiaire de laquelle ils se produisent dans ce monde. Le musulman doit toujours garder à l'esprit que l'un des impératifs fondamentaux du Tawhîd (conviction en l'Unicité de Dieu) consiste à diriger de façon exclusive ses invocations vers Allah.
Ibnou Taymiyah (rahimahoullâh) écrit en substance dans un de ses ouvrages que la kâramah du waliy est une bénédiction qui résulte de l'attachement de ce dernier à l'enseignement de son Prophète (alayhis salâm) : Voilà pourquoi cette Karâmah doit être considérée comme étant, en réalité, une Mou'djizah dudit Prophète (alayhis salâm).[1]
Avant de diffuser et de propager les récits des Karâmât des awliyâ oul lâh, il est nécessaire de vérifier avec rigueur leur véracité et leur authenticité.
Il arrive qu'une Karâmah se réalise pour un walioullâh sans que ce dernier n'ait eu l'intention qu'il se passe quelque chose de ce genre, ni même qu'il en soit conscient. C'est le cas par exemple de ce qui se produisit lorsque Abou Bakr (radhia Allâhou anhou) accueillit trois invités chez lui: il est rapporté qu'à chaque fois qu'ils prenaient une bouchée, la nourriture ne cessait d'augmenter d'en-dessous. A la fin du repas, alors que tous avaient bien mangé, Abou Bakr (radhia Allâhou anhou) et son épouse constatèrent avec étonnement que la quantité de nourriture avait triplé par rapport à ce qu'il y avait avant le repas. (Boukhâri et Mouslim) Leur réaction face à cette Karâmah indique bien que celle-ci se produisit sans même qu'il n'en soient conscients.[2]
Il peut aussi arriver que le walioullâh soit conscient du miracle, mais que celui-ci se soit produit sans qu'il n'en ait eu l'intention, à l'instar de ce qui se produisait pour Maryam (alayhis salâm): alors qu'elle se trouvait seule dans le mihrâb (sanctuaire) auquel seul Zakarya (alayhis salâm) avait accès, elle recevait miraculeusement de la nourriture. Quand elle fut questionnée au sujet de celle-ci, elle répondit : "Cela me vient d'Allah." (Sourate 3 / Verset 37)
Enfin, il arrive que le walioullâh réalise une karâmah sciemment et volontairement, avec la permission d'Allah bien entendu. On rapporte ainsi au sujet de Oumar (radhia Allâhou anhou) qu'il envoya une fois vers une lointaine contrée une armée à la tête de laquelle il désigna un homme du nom de sâriyah. Durant leur absence, alors qu'il (radhia Allâhou anhou) était en train de faire un sermon à Médine, il (radhia Allâhou anhou) se mit à crier: "Ô sâriyah ! (vers) la montagne ! ô sâriyah ! (vers) la montagne ! " Quelques temps plus tard, un émissaire de l'armée de sâriyah rentra à Médine. Oumar (radhia Allâhou anhou) lui demanda alors ce qui s'était passé… Il répondit: "Ô Chef des croyants ! Nous avons été confronté à un ennemi; alors que celui-ci avait le dessus sur nous, nous entendîmes tout à coup quelqu'un crier: "Ô sâriyah ! (vers) la montagne ! ô sâriyah ! (vers) la montagne ! " Nous nous sommes alors mis dos à la montagne (protégeant ainsi nos arrières). Allah a alors mis nos ennemis en déroute." [3]
Les gens ne connaissent en général que les Karâmât d'ordre physique; les pieux pour leur part accordent beaucoup plus d'intérêt aux Karâmât d'ordre spirituel, comme la capacité de faire preuve d'une constance hors du commun dans la pratique religieuse, l'aptitude à toujours faire de bonnes actions avec aisance et facilité etc… [4]
Wa Allâhou A'lam !
Notes :
[1] Réf: "al farq bayna awliyâ ir rahmân wa awliyâ ich chaytân"
[2] Réf: "Bawâdir oun Nawâdir" – Pages 78 à 80.
[3] Réf: "al farq bayna awliyâ ir rahmân wa awliyâ ich chaytân" - Ibnou Taymiyah (rahimahoullâh).
[4] Réf: "Bawâdir oun Nawâdir" – Pages 78 à 80.