4 - Des conceptions erronées
Accueil > Bibliothèque > Mouhammad Al-Ghazâli > Problèmes de la femme entre traditions stagnantes et traditions étrangères )Le visage n’est pas une `awra Un jour, je rencontrai un quadragénaire au ton vif. Il s’adressa à moi tout excité : "Est-ce toi qui donne la fatwa stipulant que le visage de la femme et sa voix ne sont pas une `awrah ?" - Je répondis calmement : "Oui". - Il dit : "Ne crains-tu pas Allâh ?" - Je dis : "Je te recommande ainsi qu’à moi-même de craindre Allâh..." - Il dit : "L’opinion que tu donnes aux gens est erronnée et tu devrais te repentir !" - Je dis : "Je ne suis pas le seul fautif car les grands exégètes m’ont précédé à cette erreur comme m’y ont précédé les narrateurs de dix hadîths authentiques et ont partagé mon tort les imâms des quatre écoles de jurisprudence ainsi que nombre d’autres écoles du fiqh. Je tiens ma fatwa de tous ces gens et je les ai suivi dans leur erreur. Et je n’éprouve aucune honte si nous faisons tous l’objet d’une même accusation..." - Il s’étonna : "Mais que dis-tu ? Tous ces gens sont d’avis que le visage de la femme et sa voix ne sont pas une `awrah ? - Oui, dis-je, mais vous préférez les traditions qui règnent et vous vous agrippez aux opinions récusées. Puis, supposons qu’il y ait deux opinions sur cette question et que je choisisse l’une des deux opinions, à quoi bon la colère et l’insolence ? As-tu entendu le hadîth de Salmân et Abû Ad-Dardâ’ ? - Non !, dit-il. - Ecoute, dis-je : Al-Bukhârî rapporte d’après Abû Juhayfah : "Le Prophète - que la paix et les salutations de Dieu soient sur lui - a scellé une fraternité entre Salmân Al-Fârisî et Abû Ad-Dardâ’... Salmân rendit visite à Abû Ad-Dardâ’ un jour et trouva Umm Ad-Dardâ’ négligée - portant des habits dépourvues de beauté. Il lui dit : "Que t’arrive-t-il ?" - "Pourquoi cette apparence [repoussante] ?" - Elle répondit : "Ton frère Abû Ad-Dardâ’ ne manifeste pas d’intérêt pour les femmes ( !)". Abû ad-Dardâ’ rentra et fit à manger puis il dit à Salmân : "Mange car, moi, je jeûne." Salmân dit : "Je ne mangerai pas sans toi" Alors il mangea - il rompit son jeûne pour honorer l’invité. Quand la nuit tomba, Abû Ad-Dardâ’ se leva pour prier mais Salmân lui dit de se coucher alors il se coucha. Puis, il se leva à nouveau mais une fois de plus Salmân lui dit de se coucher et Abû Ad-Dardâ’ d’obéir. A la fin de la nuit, Salmân le réveilla et ils prièrent tous ensemble. Puis salmân dit : "Ton Seigneur a des droits sur toi, et tu as des droits sur toi-même et ta femme a des droits sur toi, alors donne à chacun ce qui lui revient de droit. Abû Ad-Dardâ’ alla voir le Prophète et lui raconta cette histoire. Alors, le Prophète lui dit : "Salmân a raison". Et ce qui m’intéresse dans ce récit c’est le dialogue qui eut lieu en son début. Car si un tel échange avait lieu de nos jours, on aurait passé l’invité à tabac et assassiné la femme ! On dirait à l’homme : "Pourquoi regardes-tu les vêtements de l’épouse ? Et à quoi rime ta remarque non sollicitée ? Et on dirait à l’épouse : "Comment se fait-il que tu te plaignes de ton mari et que tu dévoiles de la sorte son désintéressement envers toi ?" Mais les mentalités (al-fitrah) étaient saines à l’époque des compagnons et excluait toute idée déplacée. Seulement, quand les esprits se sont pollués, le poète dit : idhâ sâ’a fi`l ul-mar’i sâ’at dhunûnuhû wa saddaqa mâ ya`tâduhû min tawahhumi Traduction Quand les oeuvres de l’individu deviennent mauvaises, ses pensées le deviennent aussi, et il croit les illusions auxquelles il est accoutumé. Sur ce, nous constatons que les esprits malsains décrivent le dévoilement du visage comme une turpitude et jugent qu’il est illicite car il est, selon leur jugement invalide, une porte vers les grands péchés - que Dieu nous en préserve. Occulter la voix de la femme : une fausse rumeur Voici un récit intéressant dont nous retenons ce qui est en relation avec une rumeur scientifique mensongère selon laquelle la voix de la femme serait une `awrah (i.e. une chose qu’il convient de cacher). Ibn Ishâq relate que : "Abû ; Al-`âs Ibn Ar-Rabî`, un gendre du Messager de Dieu, resté jusqu’alors polythéiste, vivait à la Mecque après avoir été emprisonné à la bataille de Badr et relâché sans rançon en guise de faveur du Prophète. La fille du Prophète, Zaynab, était restée à Médine. Quelques temps avant la conquête de la Mecque, Abû ; Al-`âs partit à la tête d’une caravane de commerce de quraysh en direction de Syrie. Sur le chemin du retour, il rencontra un détachement militaire qui s’empara de sa caravane. Abû ; Al-`âs réussit à s’enfuir dans la pénombre de la nuit jusqu’à la maison de son ex-épouse Zaynab prenant refuge chez elle et lui demandant l’asile, un asile qu’elle lui accorda ! Quand le Prophète - que la paix de Dieu et Ses bénédictions soient sur lui - sortit pour la prière de l’aube, et entama sa prière et les fidèles entamèrent leur prière après lui, Zaynab qui était dans les rangs des femmes proclama : "Ô gens ! J’ai donné l’asile à Abû ; Al-`âs Ibn Ar-Rabî` !" Quand les fidèles eurent achevé leur prière, le Messager d’Allâh - que la paix d’Allâh et Ses bénédictions soient sur lui - se retourna disant : "Ô gens, avez-vous entendu ce que j’ai entendu ?" Ils répondirent que oui. Le Messager de Dieu dit : "Par Celui qui détient l’âme de Muhammad en Sa main, je n’eus connaissance de rien avant d’entendre ce que vous avez entendu ! Et sachez que les musulmans respectent l’asile du moindre parmi eux !" Ensuite, le Messager de Dieu s’en alla chez sa fille Zaynab et lui dit : "Ma fille, réserve lui un accueil généreux, mais qu’il ne t’approche pas car tu ne lui es pas licite." La fin de l’histoire est connue dans la sîrah du Prophète : l’homme embrassa l’islam et retourna à Quraysh pour leur restituer leurs biens puis rebroussa chemin pour combattre dans les rangs des mujâhidîns. Le plus intéressant dans ce récit c’est la parole que Zaynab a adressée aux gens. Y a-t-il un musulman qui dit que c’est une `awrah ?! Et avant cette histoire, quand la fille du Prophète Fâtimah rembourra les têtes de Quraysh pour leur rire à la vue d’un crétin mettre des tripes d’animaux sur le dos du Prophète pendant sa prosternation. Quand elle dénigra leurs rêvasseries et enleva la saleté du dos de son père tout en les insultant, y a-t-il un musulman qui dit : "sa voix est une `awrah" ? Par ailleurs, Moïse s’est adressé aux filles de l’homme pieux à Madiane disant : "Que vous arrive-t-il ?" Elle répondirent : "Nous abreuverons nos bêtes quand les berges se seront retirés et notre père est un vieil homme." Ensuite, l’une d’elle revint dire à Moïse : "Mon père t’invite afin qu’il te paye pour avoir abreuvé les bêtes pour nous." Y a-t-il un musulman qui dit : "la voix de la femme est une `awrah" ? Nous avions mentionné auparavant le commandement divin de tester la foi des Emigrées et c’était `Umar qui se chargeait de cet entretien. Y a-t-il quelqu’un qui dirait alors que la voix de la femme est une `awrah alors qu’elle répond aux questions qu’on lui pose ? A moins peut-être qu’un imbécile ne prétende que l’examen était écrit et non oral !! Les femmes du temps du Messager - que la paix de Dieu et Ses bénédictions soient sur lui - narraient les hadiths et ordonnaient le bien et réprouvaient le mal (al-amr bil-ma`rû ;f wan-nahy `an al-munkar), et personne n’a alors prétendu que la voix de la femme est une `awrah (i.e. doit être cachée). La `awrah en ce qui concerne la voix des femmes - mais aussi la voix des hommes - est quand les paroles sont douteuses excitantes et avec une mauvaise résonnance ! Nul parmi les juristes n’a dit que la voix de la femme est une `awrah : il s’agit d’une rumeur mensongère. L’Imâm chante Je ne connais aucun juriste rejetant le chant religieux. En effet, qui détesterait l’incitation à l’amour d’Allâh et la glorification de Ses Noms et les louanges de Ses bienfaits ? Qui détesterait de fuir vers Lui et de pleurer par regret des manquements commis envers Lui et le non-acquittement de Son dû ? Ce que les juristes ont refusé, c’est plutôt ce que l’on appelle les halaqât (cercles) de dhikr où prédominent le brouhaha et les éclats de voix, le sifflement et les battements de mains, les déhanchements et les roulades par terre. Il s’agit en fait des cérémonies d’oubli et non pas de remémoration (dhikr), des cercles de danse laide, pleine d’innovation et de fables qu’aucune raison n’admet... Dans notre héritage respectable, il y a des choses qui méritent d’être louées et revivifiées. Abû Al-Hasan Al-Qarâfî As-Sûfî relate d’après Al-Hasan que des gens vinrent voir `Umar Ibn Al-Khattâb - qu’Allâh l’agrée - et lui dirent : Ô Commandeur des Croyants, nous avons un imam qui se met à chanter à l’issue de la prière - ce récit est mentionné par l’Imâm Ash-Shâtibî dans le premier volume de son livre Al-I`tisâm. `Umar leur demanda : Qui est-ce ? Ils lui indiquèrent son identité. Alors, il dit : Allons le voir car si nous le faisons venir, il va croire que nous l’espionnions. Notons le respect des droits de l’homme et le respect de la dignité des gens. `Umar se leva avec un groupe de compagnons du Prophète - que les salutations et les bénédictions de Dieu soient sur lui - et alla voir l’homme à la mosquée ! Quand il vit `Umar, il se leva pour l’accueillir disant : Commandeur des Croyants, de quoi as-tu besoin ? Pourquoi es-tu ici ? Si le besoin est nôtre, ce serait à nous de nous rendre auprès de toi. Mais si le besoin est tien, la personne qui mérite notre respect est bien le successeur (caliphe) du Messager d’Allâh - que les salutations et les bénédictions de Dieu soient sur lui. `Umar lui dit : Que t’arrive-t-il ? J’ai entendu à ton sujet un propos qui m’a déplu. Il dit : De quoi s’agit-il, ô Commandeur des Croyants ? Il répondit : Manquerais-tu de sérieux dans ton adoration ? Il dit : Non, Commandeur des Croyants, il s’agit seulement d’une morale que je me rappelle. `Umar lui dit : Répète la, s’il s’avère que c’est une bonne parole, je la dirai avec toi ! Et s’il s’agit d’une parole mauvaise, je te dirai de t’en abstenir. Il dit : Un coeur, chaque fois que je lui fais des reproches pour la longueur de la séparation, cherche ma peine ! Je ne le vois jamais sauf étourdi dans ses extrêmes et il me donne de la peine ! Ô mauvais compagnon, nous ne sommes plus jeunes, la vie s’est écoulée dans les futilités ! Ma jeunesse s’est éloignée de moi, elle s’en est allée avant que je n’en étanche ma soif... Je ne souhaite que la mort après lui ; la vieillesse a compromis ma quête... Honte à mon ego (nafs), je ne le vois jamais faire le bien, non, ni être respectueux... Puisses-tu périr, mon ego (nafs), et que périsse la passion. Observe le Seigneur, et crains Le ! Alors, `Umar - qu’Allâh l’agrée - dit : Puisses-tu périr, mon âme(nafs), et que périsse la passion. Observe le Seigneur, et crains-Le ! Ainsi soit la chanson... J’adore les sentiments sincères, et la mélodie qui inspire le bien qui sert la vérité ! Que celui qui refuse cela, le refuse comme il voudra mais qu’il ne s’oppose pas à autrui au nom de la religion. Battre sa femme ?! La colère et la tristesse s’emparent de moi quand je constate que les hommes du hadîth méconnaissent le Saint Coran ! Ils lisent aux gens des hadîths sans se rendre compte de leur proximité ou de leur éloignement des versets coraniques. Dans le volume 3 de Taysîr Al-Wusûl Ilâ Jâmi` Al-Usûl, on relate d’après `Omar Ibn Al-Khattâb - que Dieu l’agrée - que le Prophète - que la paix et les salutations de Dieu soient sur lui - a dit : "On ne demande pas à un homme pourquoi il a frappé sa femme", narré par Abû Dâwûd. Sheikh Mohammad Hâmid Al-Fiqî a commenté ce hadîth disant : "il a été narré par An-Nasâ’î" voulant ainsi renforcer la chaîne de transmission de ce hadîth, mais en ignorant le matn (i.e. l’énoncé) du hadîth comme s’il était irréprochable ! Mais il n’en est rien car l’énoncé en question contredit les textes du Livre (i.e. le Coran) et contredit également une multitude d’autres hadîths. De surcroît, l’agression de l’homme sur la femme, tout comme l’agression de la femme sur l’homme sont toutes deux inacceptables selon la raison, selon les textes et aussi selon les principes de l’équité. Et j’ignore comment de tels propos ont pu être tenus ni comment ils ont pu être attribués au Prophète - que la paix et les salutations de Dieu soient sur lui. Parmi les règles du Jugement Dernier figure "Quiconque fait le bien, fût-ce le poids d’une fourmi, le verra. Et quiconque fait le mal, fût-ce le poids d’une fourmi, le verra" [99/7-8]. L’épouse ferait-elle l’unique exception à cette règle pour qu’on ne demande pas à son mari "pourquoi il l’a frappée" ? Il la frapperait donc pour une raison non déclarée ou pour une envie passagère d’agression ? Que faire alors du verset : "Et il leur revient autant de droits qu’elles ont comme obligations conformément à la bienséance" [2/228] et du verset : "Alors, c’est soit la reprise conformément à la bienséance, ou la libération avec bienfaisance" [2/231] ? Et que faire du hadîth : "Je vous recommande la bonté envers les femmes [...]" ? Ce qui arrive des fois c’est le nushûz, ce mot signifiant dédain et hauteur, c’est-à-dire que la femme méprise son mari et répugne à lui obéir et que ce fait engendre en elle la haine de se lier à lui dans l’une des fonctions les plus sensibles de la vie conjugale au point qu’il dorme en colère après elle. Il se peut aussi qu’un tel comportement le pousse à la frapper ! Une autre conduite encore plus détestable serait qu’elle autorise un étranger que son époux n’aime pas à entrer chez eux avec ce que ceci entraîne comme suspicion ébranlant le couple et les exposant aux mauvaises langues. Hormis ces deux raisons, je n’ai trouvé aucun argument juridique justifiant la violence. Toutefois, les exégètes sont unanimes pour dire que la correction se fait à l’aide d’un siwâk (l’équivalent d’une brosse à dents), par exemple ! En d’autres termes, les frappes ne doivent en aucun cas meurtrir ni porter sur le visage ! En effet, dans le hadîth, on lit : "... Et ne frappe pas le visage et ne maudis pas*". Puis, le Très Haut dit au sujet des épouses sereines qui s’acquittent du droit de Dieu et de leur famille : "Si elles vous obéissent, alors ne cherchez plus de voie contre elles, car Dieu est certes Très Haut et Très Grand" [4/34]. La fin du verset mérite d’être méditée car elle comporte deux attributs divins qui sont l’Altesse et la Grandeur. Ce sont là deux attributs de Dieu qui dissuadent de tout abus de comportement et de toute oppression des faibles ou encore de toute conduite peu honorable. Dans tout ce qui précède, Il attire l’attention des hommes pour que leur historique avec leurs épouses soit honorable et empreint de tendresse et de dignité. On ne peut concevoir malgré tout que l’homme puisse agresser son épouse quand bon lui semble et qu’il n’en rendrait pas compte devant Dieu. Par conséquent, le hadîth narré par Abû Dâwûd et An-Nasâ’î au sujet de la violence avec les épouses n’a aucun fondement quelles que soient les interprétations qu’on s’efforce à lui trouver... Un minimum de réalisme voudrait que l’on ne prenne pas toutes les femmes pour des anges ni tous les hommes pour des diables. Ce serait stupide. De même, un jugement qui favorise a priori l’un ou l’autre parti est tout sauf équitable. Nous avons plus intérêt à étudier les relations conjugales avec neutralité et à prendre en compte l’incidence des caractères de chacun et l’impact des crises et des accidents soudains sans laisser une bêtise démolir la vie conjugale... L’écroulement d’un foyer est un évènement gravissime ! Et, l’islam a jugé bon - après l’annonce du talâq - de faire en sorte que les deux époux se côtoient dans l’espoir que les doux souvenirs puissent vaincre les souvenirs amers et afin que l’affection chasse la rupture. Ainsi Abû At-Tayyeb [Al-Moutanabbi] dit : Affectueux je fus créé au point que si je retrouvais ma jeunesse, je quitterais ma vieillesse les yeux en larmes et le coeur chagrin. De ce fait, il faut que la société intervienne pour résoudre calmement les conflits et rétablir la sérénité. Les meilleurs acteurs pouvant intervenir sont les proches parents des époux car ils sont les plus désireux de les concilier et les meilleurs juges de leur intérêt commun et les plus à même de mettre en oeuvre la décision prise. D’où la parole divine : "Si vous craignez le désaccord entre les deux [époux], envoyez un arbitre de sa famille à lui, et un arbitre de sa famille à elle. Si les deux veulent la réconciliation, Dieu rétablira l’entente entre eux. Dieu est certes Omniscient et Parfaitement Connaisseur" [4/35]. Ash-Shâfi`î narre - citant la chaîne de garants - d’après `Alî Ibn Abî Tâlib - que Dieu l’agrée - qu’un homme et une femme sont venus le voir, chacun accompagné d’une foule de gens. Il dit : "Qu’ont ces deux là ?" Les gens répondirent : "Un conflit les sépare." `Alî dit : "Déléguez un arbitre de leurs familles respectives". Puis, il demanda aux deux arbitres : "Savez-vous ce que vous avez à faire ? Si vous jugez bon de les réconcilier, faites-le, et si vous jugez bon de les divorcer, faites-le." La femme dit : "J’accepte le [verdict du] Livre d’Allâh, ce qu’il m’impose comme devoirs et ce qu’il m’accorde comme droits !" L’homme dit : "Quant au divorce, c’est non !" `Alî lui répondit : "Mensonge ! Tant que tu n’auras pas accepté ce qu’elle a accepté". L’objection de l’homme signifie qu’il ne donnait pas le droit aux arbitres de prononcer le divorce en son nom c’est-à-dire "non au divorce". Mais `Alî l’a remis à sa place montrant que les arbitres ont bel et bien la prérogative de réconcilier, de divorcer ou d’opérer le khol` et ce, conformément au Livre de Dieu... Les juristes divergent quant au pouvoir des arbitres et son étendue - et ce n’est pas notre propos, mais nous nous étonnons de l’homme qui s’est gravement disputé avec son épouse et comment malgré tout il reste attaché à son mariage et à la survie de son couple ! Une autre chose nous interpèle : la société est intervenue au nom de Dieu pour résoudre le conflit et préserver la cellule familiale. Alors qu’aujourd’hui une femme peut-être répudiée pour une livre de viande qu’elle n’a pas achetée et que l’homme a exigée ! À vrai dire, les affaires des femmes sont entourées de crises intellectuelles, ethiques, sociales et économiques. De même, les textes narrés ont besoin d’être revus intelligemment de même que certaines opinions juridiques (fatwas) héritées et des coutumes mauvaises qui laissent leur empreinte sur la conduite des gens. Il nous faut étudier soigneusement nos maux, une étude qui fait la différence entre la révélation et ce qui est venu s’y immiscer et entre ce qui doit être combattu ou au contraire conservé parmi les coutumes de notre communauté. Le Talâq est un arrêt provisoire du mariage Parfois, le juriste juge bon de formuler son jugement à partir du sens apparent du texte et, d’autres fois, il dépasse le sens apparent pour des raisons provenant d’autres preuves plus probantes ! Seulement, nous nous étonnons quand un juriste délaisse le sens premier et apparent du texte sans pour autant prendre en compte un intérêt (maslahah) plus prioritaire ni une preuve plus forte !! J’ai constaté ce fait dans de nombreuses affaires concernant la femme. Prenons un exemple clarifiant ce que je veux dire ! La fin de la vie conjugale ne s’opère pas par knock-out, comme cela se dit dans le domaine de la boxe. Le terme talâq désigne du point de vue de l’islam l’arrêt provisoire d’une relation qui demande à être reconsidérée. Il ne s’agit pas d’une rupture définitive de cette relation. Par conséquent, l’islam ne reconnaît pas l’usage de ce terme à tout moment. Non, il lui a fixé des moments bien définis. Quand cette volonté est formulée selon le schéma prévu, l’islam conserve la vie conjugale à l’intérieur du foyer pendant une longue période dans l’espoir que les choses retrouvent leur cours normal et afin que les profondes dissensions s’estompent et que la tendresse l’emporte. Par ailleurs, l’islam a mobilisé les proches parents des deux époux pour empêcher l’envenimement de la situation et la mort de la vie conjugale ! Les versets coraniques sont nombreux à ce sujet. Je citerais ici le premier verset de sourate At-Talâq : "Ô Prophète, si vous divorcez d’avec les femmes, faîtes-le à l’issue de leur `iddah (période d’attente), et décomptez soigneusement le délai - il ne s’agit donc pas de le faire n’importe quand - et craignez Dieu votre Seigneur. Ne les chassez pas de leur maison et qu’elles ne les quittent pas - le départ de l’épouse de son domicile ou le fait de l’en chasser dès la formulation du talâq est donc illicite - à moins d’avoir commis une turpitude manifeste. Telles sont les limites fixées par Dieu. Celui qui trangresse les limites de Dieu se fait tort à lui-même. Tu ne le sais pas mais il se peut que d’ici là Dieu suscite quelque chose de nouveau." La dernière phrase indique la sagesse sous-jacente au fait que la femme demeure dans le domicile, lequel reste son domicile après le talâq. Par ailleurs, le verset indique une raison qui limite le talâq à une période bien définie car il n’est pas licite pendant les menstruations et il n’est pas licite non plus pendant une période de pureté où les époux ont eu des relations intimes. Le talâq a une période bien définie où il est licite de le prononcer. L’observation de ces limites a été exprimée dans le verset par "Telles sont les limites fixées par Dieu"... Cette phrase indiquant la manière de mettre fin à la vie conjugale ressemble à la phrase qui clôt les versets de l’héritage "Telles sont les limites fixées par Dieu. Celui qui obéit à Dieu et à Son Messager, Il le fera entrer éternellement dans des Jardins sous lesquels coulent les fleuves, et telle est la grande victoire. Et celui qui désobéit à Dieu et à Son Messager et transgresse les limites qu’Il a fixées, il le fera entrer éternellement dans un Feu." Les musulmans sont unanimes sur le fait qu’il n’appartient à aucun homme de modifier les parts d’héritage et que celui qui le ferait, son acte serait nul et non avenu et les parts fixées divinement seraient attribuées conformément au texte et selon ce qui a été qualifié de limites fixées par Dieu !! Quant aux limites de Dieu concernant le talâq, elles ont connu un autre traitement. En effet, les savants se sont accordés à dire que le talâq se divise en deux catégories : at-talâq as-sunnî (le talâq conforme à la sunnah) et at-talâq al-bid`î (le talâq innové) ! Le talâq légitime apporté par la sunnah et indiqué par le Coran consiste à divorcer de la femme pendant une période de pureté durant laquelle l’homme ne l’a pas approchée, la femme demeurant dans son domicile pendant toute sa période d’attente. Le talâq innové consiste à prononcer le divorce pendant les règles ou pendant une période pureté où ont eu lieu des rapports intimes ou à prononcer plusieurs fois le talâq pendant un seul cycle ! Les savants se sont accordés pour dire qu’un tel comportement est illicite et qu’il s’agit d’une innovation étrangère à la religion ! Il aurait mieux valu que ce genre de talâq soit jeté dans la benne à ordures et qu’il soit considéré au même titre qu’un individu modifiant les lois de l’héritage et inventant de nouvelles parts. En effet, dans les deux cas, il s’agit de limites fixées par Dieu et dont la transgression est inacceptable. Malheureusement, ce n’est pas cela qui est arrivé ! Un certain nombre de juristes ont accepté le talâq innové et l’ont fait valoir et lui ont donné toutes les suites du talâq. Il s’agit même d’un grand nombre de juristes. Ceux qui ont observé la vérité dans cette affaire parmi les gens de la sunnah sont Ibn Taymiyah, Ibn Al-Qayyim et Ibn Hazm, approximativement, et quelques-uns parmi les générations récentes qui se sont rebellés contre le courant erronné et ont résisté à la dérive. L’assise de la famille s’est craquelée suite à la reconnaissance du talâq innové. Des situations tragicomiques suscitant la nausée et la tristesse ont eu lieu. Tel homme dépense lors de son mariage plusieurs dizaines de milliers pour épouser sa femme. Puis, tu l’entends au marché jurer de divorcer honorant ou non son serment pour une livre de viande valant des broutilles et voici que la famille s’écroule. D’un autre côté, un juriste écrit dans un ouvrage scolaire pour les étudiants religieux : "celui qui dit à son épouse tu es tâliq une demie fois, cela compte pour une fois entière !" Quelle est cette futilité ? Il s’agit là d’une fumisterie ! Ibn Hazm narre dans Al-Muhallâ qu’un homme ayant rendu son épouse illicite pour lui-même interrogea Humayd Ibn `Abd Ar-Rahmân Al-Himyarî. Ce dernier lui dit : Dieu dit à Son Prophète : "Lorsque tu es libéré de tes occupations, lève-toi pour prier et recherche ton Seigneur avec ferveur" alors que toi, tu es un homme qui joue ! Alors va jouer... Juger qu’une chose est licite ou illicite ne dépend pas des passions des gens et de leurs fatwas "Et ne dites pas, conformément aux mensonges proférés par vos langues : ‹Ceci est licite, et cela est illicite›, pour forger le mensonge contre Allah" Je vise le bien et la droiture pour la famille musulmane et il m’appartient comme il appartient à autrui d’examiner attentivement les lois du talâq sans inventer quoi que ce soit. Nous choisissons seulement parmi les opinions des juristes celles qui se rapprochent le plus du Livre et de la sunnah et celles qui servent le mieux les intérêts des deux parents et des enfants et leur avenir... Je sais qu’il y a des gens qui rougissent de colère pour conserver dans la pratique le talâq innové ! Mais l’agrément de ces gens ou leur courroux me laissent indifférent. Ce qui me concerne avant tout et ultimement ce sont les préceptes de l’islam et l’intérêt des muslmans. Un raisonnement non avenu Depuis l’inauguration de la mosquée prophétique, après l’Hégire, et jusqu’à ce que le Prophète - paix et bénédictions sur lui - rejoigne le Compagnon Suprême [Dieu], les femmes n’eurent de cesse de prier dans cette mosquée et la porte qui leur avait été réservée ne leur fut guère fermée ! Autrement dit, elles y accomplirent entre dix-sept mille et dix-huit mille prières. Il s’agit là d’un fait indubitable, rapporté par de multiples sources concordantes, et qui a raison de toutes les traditions isolées, ces dernières n’ayant ainsi plus aucun poids et ne devant point être prises en considération. Certains répliqueront : On rapporte que `Â’ishah, la Mère des Croyants, dit : "Si le Messager d’Allâh - paix et bénédictions sur lui - voyait ce que sont devenues les femmes depuis son décès, il leur interdirait les mosquées comme les femmes des Enfants d’Israël (se sont vues interdire le temple)". Il faudrait donc les empêcher de se rendre à la mosquée à cause de ce récit et d’autres récits semblables ! Nous répondons : Ce qui avait lieu du temps du Messager d’Allâh se poursuivit pendant le Califat Bien-Guidé. La mosquée prophétique accueillait les femmes sans que personne n’y trouve une objection. Mieux, `Umar Ibn Al-Khattâb ordonna à Sulaymân Ibn Abî Hathmah de diriger la prière des femmes à l’arrière de la mosquée pendant le mois de Ramadân. Ibn Hazm rapporte que `Alî Ibn Abî Tâlib ordonnait aux gens d’accomplir la prière nocturne pendant le Ramadân et désignait à cet effet un imam pour les hommes et un autre pour les femmes. `Ajrafah, le narrateur de ce récit, ajoute : "Il m’ordonna alors d’être l’imam des femmes, ce que je fis !" Az-Zuhrî rapporte que `Âtikah Bint Zayd, l’épouse de `Umar Ibn Al-Khattâb accomplissait la prière à la mosquée. `Umar lui disait : "Par Allâh, tu sais parfaitement que je n’aime pas cela." Et elle de lui répondre : "Par Allâh, je cesserai d’y aller lorsque tu me l’interdiras !" Et `Umar de lui dire : "Moi, je ne te l’interdis pas." Si bien que le jour où `Umar fut poignardé, elle était présente à la mosquée ! Pour ce qui est du récit rapporté de la part de `Â’ishah refusant la prière de la femme à la mosquée, cela ouvre la voie à l’annulation des rites de l’islam au profit des fantasmes. Ainsi un individu pourrait très bien dire : Si le Messager d’Allâh savait ce que l’application des peines corporelles allait entraîner comme accusations envers l’islam, il annulerait ces peines corporelles ! On annulerait ainsi les peines corporelles à l’instar de ce qui s’est dit concernant la prière des femmes à la mosquée : Si le Messager d’Allâh voyait ce que sont devenues les femmes après son décès, il leur interdirait les mosquées... Une telle position signifie que les prescriptions de l’islam sont temporelles et ne durent que sous certaines conditions, et qu’elles cessent d’être observées lorsque cessent leurs conditions. Cela revient à dire également que les circonstances nouvelles qui surviennent n’étaient pas connues du vivant du Porteur du Message et c’est pourquoi il ne légiféra pas à leur sujet... Un tel raisonnement est nul et non avenu car Allâh connaît ce qui fut et ce qui adviendra. Il autorisa les femmes à prier en congrégation et leur ordonna de se rendre à la mosquée décemment vêtues, avec piété et recueillement. Elles ne se rendent pas, en effet, à un concours de beauté, ni à un défilé de mode. La femme qui dépasse les limites de la bienséance et les exigences de la pudeur doit être interdite de mosquée et cela lui suffit comme punition. Mais condamner toutes les femmes à ne pas accomplir la prière à la mosquée car l’une d’elles se dévergonde, cela procède d’une généralisation inacceptable... Le plus étrange est que les femmes ne sont interdites que des mosquées uniquement ! En revanche, elles ont tout le loisir d’investir les marchés et les rues, sans que cela ne gêne personne ! L’interdiction des mosquées aux femmes, comme cela est commis par de nombreux peuples musulmans, est à l’origine de la décadence morale et du galvaudage de l’éducation qui conduisent notre Communauté à son trépas... |
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