Az-Zaytouna - الزيتونة
La Mosquée Az-Zaytoûna est la deuxième mosquée à avoir été édifiée en Ifrîqiyyah (Tunisie actuelle) après la Mosquée `Uqbah Ibn Nâfi` à Kairouan. L’ordre de sa construction en 116 de l’Hégire, soit en 735 de l’ère chrétienne, est attribué à `Ubayd Allâh Ibn Al-Habhâb, le gouverneur d’Ifrîqiyyah sous le règne du Calife omeyyade Hishâm Ibn `Abd Al-Malik. Mais on attribue également l’ordre de sa construction à Hassân Ibn An-Nu`mân, le conquérant de la Tunisie et de Carthage, qui aurait donné l’ordre d’édifier la Mosquée en 79 de l’Hégire, soit en 699 de l’ère chrétienne. Cette dernière opinion semble la plus probable chez les historiens dans la mesure où la ville de Tunis ne saurait avoir demeuré sans mosquée entre la date de sa conquête et l’année 116 de l’Hégire. Ainsi, `Ubayd Allâh Ibn Al-Habhâb n’aurait fait qu’achever la construction de la Mosquée et procéder à des travaux de réhabilitation et d’agrandissement. Plusieurs récits... mais une seule Mosquée Divers récits ont été rapportés concernant la personne qui donna l’ordre d’édifier cette Mosquée, devenue un symbole de la Tunisie, et qui permit à Ifrîqiyyah d’abriter la première Université islamique au monde. Al-Bakrî, dans son Al-Masâlik wa Al-Mamâlik, Ibn Khaldûn, dans son Al-`Ibar, As-Sarrâj, dans son Al-Hulal As-Sundusiyyah fî Târîkh Al-Bilâd At-Tûnisiyyah et Hasan Husnî `Abd Al-Wahhâb, dans son Khulâsah Târîkh Tûnis estiment que le bâtisseur de la Mosquée est `Ubayd Allâh Ibn Al-Habhâb qui aurait entamé l’ouvrage en 114 ou en 116 de l’Hégire. L’une des nombreuses portes de la Mosquée, à l’architecture bien caractéristique L’historien tunisien Ahmad Ibn Abû Ad-Dayyâf estime quant à lui, dans son livre Ithâf Ahl Az-Zamân Bi-Akhbâr Mulûk Tûnis wa `Ahd Al-Amân, que le bâtisseur de la Mosquée est Hassân Ibn An-Nu`mân qui aurait entamé l’ouvrage en 84 de l’Hégire, soit en 704 de l’ère chrétienne. Ibn Abû Dînar a vu juste dans son livre Al-Mu’nis fî Târîkh Ifrîqiyyah wa Tûnis car il a compris que la fondation de la Mosquée était imputable à Hassân Ibn An-Nu`mân et que des travaux d’agrandissement avaient été entrepris par `Ubayd Allâh Ibn Al-Habhâb. D’autres historiens pensent que Hassân Ibn An-Nu`mân avait en fait construit une petite mosquée à côté de l’emplacement actuel de la Mosquée Az-Zaytoûna et que de ce fait, l’idée de l’érection d’une mosquée lui revenait, mais que le début effectif de la construction a commencé plus tard sous le gouvernorat de `Ubayd Allâh. Les historiens ont également divergé quant au fait de connaître la date précise du début de la construction de la Mosquée. Les uns disent que celle-ci eut lieu en 114 de l’Hégire, soit en 734 de l’ère chrétienne. D’autres préfèrent plutôt parler de l’année 116 de l’Hégire, date à laquelle Ibn Al-Habhâb devint le gouverneur de la province d’Ifrîqiyyah. Ibn Abû Ad-Dayyâf est de cet avis dans son livre Al-Ithâf susmentionné. C’est également l’opinion qu’on retrouve dans les écrits des historiens du Machreq tels que Al-Kâmil d’Ibn Al-Athîr. Ce qui est certain, c’est que les princes de la dynastie aghlabide, au treizième siècle de l’Hégire, ont entrepris des travaux d’agrandissement, de réhabilitation, d’aménagement et de décoration. La Zaytûnah depuis l’indépendance de la Tunisie Depuis l’indépendance de la Tunisie et l’accession au pouvoir du Président Al-Habîb Bûruqaybah (Bourguiba), la Zaytûnah s’est vu progressivement retirer son rôle de formation de l’élite tunisienne, et ce, dans le cadre de la laïcisation et de la sécularisation de la société tunisienne. Malgré les efforts de résistance de la Zaytûnah, elle perdit son indépendance éducative et financière, en se voyant confisquer ses biens de mainmorte. Les biens de mainmorte, répandus dans tout le monde musulman, étaient des donations que les Tunisiens faisaient généreusement pour l’entretien et la pérennité de leur Mosquée, à laquelle ils étaient attachés par un lien affectif très fort. Cet attachement était tel que les fidèles payaient eux-mêmes le salaire de leur imam, qu’ils entretenaient de leurs propres deniers la Mosquée-Université, à commencer par la salle d’ablutions, jusqu’à la salle de prière. La Mosquée possédait également des terres, données elles aussi par les fidèles, lui permettant de nourrir et d’héberger les étudiants qui la fréquentaient. Toutes ces donations furent donc confisquées par l’État tunisien, suscitant une très vive émotion de la population. Cette politique se poursuivit jusqu’en 1958, date à laquelle le sort de l’Université islamique d’Az-Zaytûnah fut définitivement scellé. L’Université, qui s’occupait de l’éducation de plusieurs générations d’étudiants, depuis le primaire jusqu’à l’enseignement supérieur, fut fermée, et remplacée par une Faculté de Droit musulman et de Fondements de la religion, rattachée à l’Éducation nationale et à l’Université de Tunis. Toutes les autres disciplines furent retirées, afin de décourager les étudiants de s’inscrire à la Zaytûnah. Commença ainsi une ère de décrépitude de la Mosquée millénaire pendant près de trois décennies. En 1987, avec l’accession au pouvoir du Président Zayn Al-`Âbidîn Ibn `Alî, et dans un souci de redorer l’image islamique du gouvernement tunisien, ternie par trente ans de politique bourguibienne, la Mosquée Az-Zaytûnah rouvrit ses portes en tant qu’Université indépendante avec trois facultés distinctes : une Faculté de Fondements de la religion, une Faculté de Civilisation et une Faculté de Droit musulman. En 1992, et dans une initiative sans précédent dans le monde musulman contemporain, le Président tunisien a ordonné que le Coran soit récité 24 heures sur 24 dans la Mosquée millénaire, marquant ainsi une véritable rupture avec la lente agonie connue par la Mosquée à l’ère-Bûruqaybah. Bien que cette volonté politique de préservation du patrimoine de la Zaytûnah soit louable, des inquiétudes pèsent dans la société tunisienne quant à l’instrumentalisation ostentatoire de ce symbole islamique de la Tunisie. Car force est de constater que malgré les réformes prises ces dernières années pour améliorer le sort de la Zaytûnah dans la forme, le fond n’est pas toujours ce que l’on pourrait espèrer. La Zaytûnah n’est pas actuellement une institution indépendante du pouvoir, bien qu’encensée par ce dernier. L’absence de dynamisme et de stimulation de l’esprit critique, qui la caractérisaient dans le passé, font d’elle actuellement une institution en sclérose intellectuelle. Cela est d’autant plus dommageable que la société tunisienne est de plus en plus pénétrée par des idées et des conceptions étrangères à l’Islam devant lesquelles le bastion historique de la Tunisie ne parvient plus à se dresser comme dans les siècles passés. |
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