L'esprit (Du doute a la foi de Moustafa Mahmoud)
J’eus l’idée un soir de sonder le tréfonds de ma mémoire et de noter sur une feuille tous les numéros que je savais : numéros de mon passeport, de mon appartement et de ma carte d’identité… plaque d’immatriculation de ma voiture… numéros de téléphone des amis, des collègues, des agences, des journaux… tables de multiplication… additions, soustractions et divisions que je savais faire mentalement…ma date de naissance et celles de mes enfants… constantes en mathématiques et en sciences naturelles : constante pi, vitesse de la lumière, vitesse du son, somme des angles du triangle, degré d’ébullition de l’eau… taux de glucose dans le sang, nombre des globules rouges et blancs dans le corps, volume sanguin, rapidité du pouls et de la respiration, doses des remèdes et autres connaissances apprises en faculté de médecine… En quelques instants, j’avais sous la main un bon nombre de feuilles avec des centaines de numéros. Il m’étaient venus à l’esprit les uns à la suite des autres, en un éclair, comme si j’étais un ordinateur. Une merveille ! Comment puis-je emmagasiner une quantité aussi impressionnante de numéros, chacun étant composé de six ou sept chiffres ? Où se cachent-ils dans les circonvolutions cérébrales ? Et comment en vient-on à se les rappeler ainsi, à la vitesse d’un éclair ? De quelle façon ces chiffres s’alignent-ils dans des nombres différents, chacun d’entre eux comportant une notice explicative pour en donner le sens et la clé ? Comment ces nombres s’amoncellent-ils par centaines dans la mémoire, sans se confondre ni s’effacer mutuellement ? Outre les numéros, il y a les noms, les termes techniques, les mots, les formes, les visages qui meublent à foison notre tête. Il y a les sites naturels où nous sommes passés, les lieux que nous avons visités. Il y a les parfums, chacun d’eux étant lié à l’image d’une femme que nous avons connue ou à une scène dont nous nous souvenons, roman d’amour passionné nous relatant un scénario aux milliers de prises de vue… Il y a les saveurs et les aromes. L’eau vous en vient à la bouche ou, au contraire, le dégoût vous en donne des haut-le-cœur. Chaque saveur déclenche un enregistrement qui vous narre l’histoire d’un banquet somptueux auquel vous étiez invité, ou bien elle vous remémore ce remède amer ingurgité au cours d’une longue et pénible maladie qui vous fit atrocement souffrir. Même la douce caresse de la brise et l’odeur des coquillages au bord de la mer, la mémoire les retient. Par le souvenir, nous sentons encore les rafales du vent humide, comme si c’était maintenant. Les voix, les murmures, les chuchotements, les cris, les clameurs, le tumulte, les lamentations, les sanglots… Un morceau de musique… Une chanson… Une gifle reçue… Le claquement d’un coup de bâton sur le dos… Un râle de souffrance… Tout cela, la mémoire le conserve et l’enregistre fidèlement, avec une extrême précision, sans oublier la notice explicative mentionnant la date, l’occasion, les noms des personnes présentes, les circonstances et le compte rendu de ce qui fut dit. Un miracle, qui a pour nom la mémoire ! Nous sommes accompagnés d’un véritable témoin qui inscrit en nous le moindre pas de fourmi. Parfois, nous pensons avoir des trous de mémoire, mais nous découvrons qu’en fait, il n’en est rien. Ce que nous croyions avoir oublié nous réapparaît soudain, en un moment de relaxation, en rêve, après un verre ou dans le cabinet d’un psychiatre. Ou encore lors d’un lapsus ou d’une faute de prononciation. Rien ne s’oublie. Rien ne se perd. Le passé est réellement consigné par écrit. Chaque instant, chaque battement du cœur… D’où la grande question, ou plutôt l’énigme embarrassante : où se situent ces souvenirs ? Où sont ces archives secrètes ? Savants et philosophes ont tenté de répondre à cette question. Les philosophes matérialistes prétendent que la mémoire se situe dans le cerveau et qu’elle n’est rien de plus qu’un ensemble d’altérations électrochimiques survenant dans la matière cérébrale suite à une réaction nerveuse aux stimuli externes, comme une bande de magnétophone en cours d’enregistrement. Les bandes enregistrées sont stockées dans le cerveau ; elles se dévident automatiquement dès que l’on essaie de se souvenir et elles reproduisent ce qui s’est passé, avec fidélité et précision. La mémoire devient alors une simple inscription, une gravure sur la matière cellulaire. Elle est condamnée à se détériorer et à s’effriter, comme une sculpture. Elle prend fin dès que l’homme meurt et que sont usées ses cellules corporelles. Opinion confortable et facile, certes, mais qui fit tomber ses adeptes dans une ornière dont ils ne purent se libérer. Si la mémoire était purement et simplement un accident survenant dans la matière cellulaire, il serait inévitable qu’elle subisse les contrecoups de la moindre détérioration physiologique survenant dans les cellules du cerveau. Le lien de cause à effet serait inéluctable. Toute déficience dans un champ précis de la mémoire devrait s’accompagner d’une détérioration des cellules correspondantes. Or il n’en est rien d’après les observations que l’on peut faire des lésions et maladies cérébrales. Au contraire ! Le centre de la parole peut être atteint et la mémoire des mots, nullement endommagée. Il se produit alors uniquement une déficience dans l’élocution, dans le fonctionnement des nerfs moteurs chargés de la parole. C’est le moteur qui subit des dommages par suite de la détérioration des cellules. Mais la mémoire et la représentation des mots dans l’esprit restent intactes C’est une preuve que la fonction du cerveau n’est nullement la mémorisation. Le cerveau est uniquement un central qui crée la communication. Il est un simple instrument, in intermédiaire physique grâce auquel le mot s’exprime de manière à devenir un son audible. C’est ce qu’opère le poste lorsqu’il transforme l’onde radio en vibration sonore. Lorsque la radio est en panne, cela ne signifie pas que l’onde cesse de se propager dans les airs. Seul le récepteur est paralysé, mais l’onde reste telle quelle et elle peut être captée par une autre radio en bon état de marche. Tel est le cas de la mémoire. Elle est faite de représentations, de pensées et d’images autonomes qui sont abrités par l’esprit, et non pas dans le cerveau ou une autre partie du corps. Le cerveau n’est qu’une courroie de transmission de ces représentations pour qu’elles deviennent des mots prononcés et entendus sous forme sensible. En cas de lésion du cerveau, l’élocution en porte les conséquences, mais nullement la mémoire. Cette dernière a le même sort que l’esprit. Elle n’est pas liée aux aléas auxquels est soumis le corps. La correspondance entre les deux n’existe absolument pas, ce qui prouve que nous sommes sur deux plans distincts (le corps et l’esprit), et non au seul plan de la matière. Il est certains cas d’amnésie où le malade oublie une période déterminée (c’est le thème favori des cinéastes égyptiens). Ladite période s’efface complètement de la conscience et disparaît de la mémoire. Si l’on admettait la théorie matérialiste, on devrait alors découvrir dans le cerveau une lésion partielle correspondant au laps de temps oublié. Or l’on remarque qu’il s’agit, dans la majorité des cas, d’une lésion généralisée et non limitée à une seule partie du cerveau. Une fois encore, nous constatons qu’il n’y a pas de corrélation entre la gravité de l’accident et l’ampleur du mal subi par l’organisme. Dans les cas de grave lésion cérébrale faisant suite à une fracture, une inflammation ou une tumeur cancéreuse et lorsque commence l’amnésie totale, on constate que la perte de mémoire suit un ordre précis : tout d’abord les noms propres et, en dernier lieu, les mots référant aux actions. Cet enchaînement ordonné de l’oubli, face à un mal qui agit de manière désordonnée et confuse sur le cerveau, est à nouveau révélateur d’un manque de corrélation. Voici en effet un trouble qui atteint la mémoire et qui n’a aucun lien avec la durée, l’étendue ou la progression de la maladie cérébrale. La conception matérialiste de la mémoire se heurte à une impasse, car nous nous trouvons face à un phénomène qui ne se limite pas au corps et aux cellules du cerveau. Celles-ci mourront et se décomposeront. La mémoire, quant à elle, demeurera, claire et vive. Au cours de notre seconde vie spirituelle, dans l’Au-delà, elle nous rappellera, en détail et avec précision, tout ce que nous aurons fait. Notre corps n’aura été qu’un intermédiaire matériel pour exécuter nos actions et manifester nos intentions ici-bas… un simple instrument, une monture à la disposition de l’esprit. Le cerveau n’aura été qu’un central, un réseau de câbles. Sa fonction aura été de relier le monde de l’esprit à celui de la matière ou, selon l’expression de Bergson, de « donner la communication ». Les nerfs sont les câbles qui transmettent le contenu secret de l’esprit et le transforment en courant pour que – en bout de ligne – les muscles de la langue le prononcent, sur le modèle de l’appareil qui capte l’onde radio. La parole est ainsi échangée comme le sont les choses matérielles. Lorsque nos corps meurent, nous redevenons esprit, pour nous rappeler ce que nous avons fait, moment par moment, dans le monde d’ici-bas où chaque parole et chaque acte auront été enregistrés. Certaines théories vont même encore plus loin. Elles pensent que l’acquisition du savoir est une opération de mémorisation de connaissances anciennes amassées et consignées dans l’esprit. On n’apprendrait donc pas à partir du tableau de la classe. On ne découvrirait pas ex nihilo que 2 x 2 = 4. On naîtrait en possession de cette vérité et l’on ne ferait que s’en souvenir… Et ainsi des évidences premières en mathématiques, géométrie, logique, etc. Ce sont toutes des premiers principes avec lesquels nous naissons et qui sont enfouis en nous. Nous nous en souvenons, c’est tout ! À tout instant, au gré de notre existence terrestre, ils nous reviennent en mémoire. C’est ce qui se produit également pour notre personnalité. Nous la possédons dès notre naissance. Elle est inscrite dans notre esprit, puis elle se voit offrir ici-bas les occasions, les circonstances et le moule matériel pour expliciter ce qu’elle contient en elle de bien ou de mal. Ce qu’elle fait est enregistré sur son compte. Cet enregistrement est l’élément nouveau qui intervient ici-bas… le passage de l’intention à la mise en pratique. C’est ce qu’expriment les religions lorsqu’elles affirment que le coupable aura à rendre compte de ses faits et gestes au terme de sa vie en ce bas monde. Sa conduite erronée lui incombe et lui fixe sa rétribution. Dans son Omniscience, Dieu connaissait déjà le sort de ce pécheur. Mais sa Science n’a rien de contraignant. Il ne pousse personne au péché. Il ne force personne à faire le mal. Chacun d’entre nous se comporte en conformité avec sa nature intérieure, de sorte que ses actes soient l’expression de ce qu’il est. Il n’y a aucune prédétermination en cela, car cette nature intérieure est ce que nous appelons tantôt la conscience, tantôt le tréfonds de l’âme ou le cœur. Pour Dieu, c’est notre "secret". « Lui, certes, connaît parfaitement Ce qui est secret et qui est le mieux caché. » (Coran : 20,7) Dans nos expressions populaires, nous disons à ce sujet, au moment de la mort : « Le secret est monté vers Dieu », c’est-à-dire : l’esprit est remonté vers son Créateur. Ce fabuleux secret est le point de départ où s’exprime notre liberté et que Dieu a délié de toute contrainte pour que notre volonté libre, dans son objet et son intention, soit l’exacte traduction de ce qu’elle est réellement. Affirmer le déterminisme, que ce soit celui de la lutte des classes ou le prédéterminisme historique, est donc une erreur car l’homme est libre et non un rouage pris dans l’engrenage d’une machine. On ne peut ainsi prédire, dans la vie d’un individu, de quoi demain sera fait. Déterminisme et prédéterminisme ne peuvent être appliqués dans la vie d’une société comme dans le déroulement de l’histoire. On peut uniquement avancer des probabilités, des suppositions, en se basant sur des statistiques. Les probabilités peuvent s’avérer exactes ou fausses, en étant au-delà ou en deçà de la réalité. La moyenne d’âge en Angleterre est de soixante ans. C’est une moyenne établie à partir de statistiques. Mais elle ne s’applique pas à tous les individus. Untel, Bernard Shaw par exemple, peut vivre plus de quatre-vingt-dix ans et dépasser la moyenne établie pour l’Angleterre. Il peut aussi mourir à vingt ans dans un accident, ou être emporté dans sa prime jeunesse par une épidémie… La moyenne peut elle-même être susceptible d’oscillations, en plus ou en moins, selon les années. Il n’est donc pas exact de parler de déterminisme ou de prédéterminisme. Il n’est pas permis d’assujettir tout ce qui a trait à l’être humain, qu’il s’agisse de la personne, de la société ou de l’histoire, à un moule théorique, à une moyenne approximative, à un calcul statistique ou à une hypothèse philosophique. L’erreur du déterminisme est due à une représentation erronée de l’homme en qui l’on ne voit qu’un corps sans âme, sans esprit, sans raison, l’âme et la raison étant considérées uniquement comme des fonctions supérieures du système nerveux. Sous prétexte d’une soumission du corps aux lois physiologiques, le penseur matérialiste déduit que l’homme et l’humanité entière sont enchaînés par les lois de la matière. Il réduit l’être humain à un amoncellement de matière semblable à la lune condamnée, par les lois de l’astronomie, à tourner autour de la terre et du soleil. Ce faisant, il oublie que l’homme vit à deux niveaux : celui, tout d’abord, du temps extérieur, objectif, physique : c’est le temps horaire qui le lie à des rendez-vous et à des obligations sociales, qui le rend prisonnier des lois et des contraintes ; celui ensuite du temps personnel, intérieur : c’est le temps de la conscience et du rêve. À ce niveau, il vit réellement libre ; il pense, il imagine, il invente, il crée, il se révolte contre la société entière et contre l’histoire. Bien plus, il peut traduire dans ses actes cette révolte intérieure en mettant sens dessus dessous la société et en refaisant l’histoire de fond en comble, comme cela s’est produit dans toutes les révolutions progressistes. Ce dualisme est le propre de l’homme. Une vie intérieure libre est la caractéristique de l’homme en comparaison avec les corps inorganiques. L’âme qu’il possède a des qualités différentes de l’essence des minéraux, car elle est une entité sans dimension spatiale. Elle est le Moi qui se caractérise par la présence, la durée, l’évidence, l’existence propre et la conscience. Elle s’impose à la réalité extérieure et la transforme. Elle domine le corps. Elle le commande et le guide, n’étant pas asservie à ses exigences. Elle lui prescrit le jeûne et la privation, de plein gré. Elle peut même le conduire à la mort par esprit d’abnégation et de sacrifice. L’âme ne peut être considérée comme un produit dérivé, un appendice ou une excroissance du corps. Les théories matérialistes ne nous expliquent donc rien du tout. Il nous faut par contre admettre que l’âme transcende le corps, qu’elle le régit et qu’elle est d’une nature distincte nonobstant le fait qu’elle utilise ce corps comme instrument et comme "monture" pour atteindre ses buts, à la manière de la raison qui utilise le cerveau comme simple central ou moyen de transmission. Il nous faut aussi faire appel à cette intuition que nous avons, selon laquelle l’âme ne peut connaître le même sort que le corps en le suivant dans la mort et la corruption. De par sa nature même, elle se caractérise en effet par la présence, la durée, la conscience permanente. Elle ne se corrompt pas comme le corps ; elle ne tombe pas comme les cheveux ; elle ne disparaît pas quand l’homme meurt. C’est de cette manière pleinement intuitive que nous croyons à la survie de l’âme après la mort. Réfléchissons à l’hésitation qui est la nôtre avant de prendre une décision, au sentiment de responsabilité qui va de pair avec notre action, au regret ou à la satisfaction que nous éprouvons une fois l’action accomplie. Nous en concluons qu’une conscience innée nous surveille, que sans cesse revient en nous cette conviction qu’il y aura une reddition des comptes, certaines de nos actions étant bonnes et d’autres, mauvaises. Nous savons spontanément, de façon innée, que la justice et l’ordre sont la loi de l’existence et que la responsabilité individuelle en est le fondement. Ce sentiment spontané et contraignant nous amène à penser que l’oppresseur qui a évité le châtiment ici-bas et le criminel qui a échappé au jugement de la loi humaine doivent immanquablement être jugés et châtiés, car le monde que nous habitons est une preuve manifeste d’ordre et de précision, du moindre atome au plus grand corps céleste. L’absurde n’existe que dans nos esprits et les aberrations de notre jugement. L’idée et la nécessité de la justice et de l’ordre nous conduisent à la nécessité d’un Autre Monde où s’accompliront cette justice et cet ordre dans un ultime jugement. Cette connaissance est pour nous innée, comme une vérité qui jaillit spontanément en nous. Il n’est alors pas étonnant que le penseur allemand Emmanuel Kant ait reconnu cette même vérité dans sa Critique de la Raison pratique. Pas étonnant non plus qu’il soit parvenu à cette conclusion exacte sans avoir eu recours au Coran. C’est sur cette connaissance innée et spontanée que reposent toutes les sciences. L’homme doté d’une saine raison n’a pas besoin du Livre saint pour découvrir qu’il a un esprit, qu’une vie l’attend après la mort et qu’il y aura une reddition des comptes. La nature droite et saine éclaire, pour qui la possède, le chemin vers ces vérités. Nous naissons en possession de cette science, de cette connaissance spontanée. Face à toutes les sciences acquises, elle se pose en témoin et a sur elles le dernier mot. Toute science acquise est en effet susceptible de se tromper. La science innée fait partie, quant à elle, de l’ordre qui régit l’univers ; elle est la vérité première à la lumière de laquelle nous percevons toutes les vérités subsidiaires. Elle est la norme et la mesure. Si la norme est erronée, tout est faussé et il n’y a plus alors qu’absurdité sur absurdité. Or ce n’est pas vrai ! Si nous suspectons le savoir inné, l’accusation s’applique également à toutes les sciences et connaissances, et celles-ci s’effondrent, car elles reposent sur des intuitions premières. Nous voici donc devant l’un des fondements de la connaissance et l’une de ses sources, sur laquelle aucun doute n’est permis. Il en va d’elle comme de la vie elle-même. Nous sommes en présence du substrat sur lequel repose toute forme de connaissance. De même que nous venons à la vie munis de muscles pour nous mouvoir et nous défendre, ainsi nous naissons pourvus d’intuitions premières pour avoir recours à elles dans notre appréciation du vrai et du faux, du bien et du mal. Le plus haut degré de connaissance te vient de l’intérieur de toi-même. Tu peux, par exemple, savoir dans quelle position tu es (debout, assis, allongé) sans te regarder toi-même. Tu la connais lors même que tu as les yeux fermés, car c’est de l’intérieur que te parvient cette perception. Cette connaissance est une preuve bien supérieure à toute perception directe. Lorsque tu affirmes : « Je suis heureux, malheureux… je souffre », ta parole est un argument majeur qu’aucune démonstration logique ne peut réfuter. Faire intervenir ici la logique serait faire preuve d’obstination et d’une indicible opiniâtreté, car personne ne connaît mieux ton état que toi-même. C’est ainsi que le témoignage de la droite nature et les affirmations de la connaissance spontanée constituent le suprême argument. Lorsqu’elles nous affirment, confirmées en cela par la science, la réflexion et la méditation, l’existence de l’esprit, de l’âme, de la liberté, de la responsabilité individuelle et du jugement final, lorsqu’elles s’inspirent de se comporter en prenant appui sur l’ordre régnant dans l’univers, nous sommes en présence d’un argument offrant le plus haut degré de certitude. C’est une certitude égale à la certitude oculaire, et même plus ! La droite nature est un organe, au même titre que l’œil, avec lequel nous naissons. C’est une certitude supérieure à la certitude scientifique. La science ne fournit en effet qu’une exactitude statistique et les théories scientifiques sont déduites de moyennes numériques. Quant au jugement que porte l’intuition dans sa spontanéité, il est péremptoire et absolu. 2 x 2 = 4 est une vérité absolue et rigoureusement exacte, une vérité non susceptible d’abrogation, d’évolution ou de changement comme c’est le cas pour les théories scientifiques, car c’est une évidence première. 1 + 1 = 2… Aucun doute n’est permis sur cette affirmation. C’est une vérité dont nous gratifie la droite nature au fond de nous-mêmes, une vérité que nous inspire spontanément notre intuition. C’est une vérité première qui nous est donnée en même temps que notre certificat de naissance. Si l’homme percevait cette vérité, il y trouverait le repos. Il s’épargnerait moult querelles, bavardages, discours philosophiques ou contestations sur les questions ayant trait aux relations entre corps et esprit, raison et cerveau, liberté et prédestination, responsabilité personnelle et Jugement Dernier. Il se contenterait d’écouter ce que lui murmurent la droite nature, les décrets de son cœur et les indications de sa "clair-voyance". Un atome de sincérité avec soi-même vaut mieux que des tonnes de livres. Écoutons la voix de notre âme et le chuchotement de notre "clair-voyance", avec une profonde sincérité, sans chercher à déformer la pureté de cette voix en l’entraînant dans les filets de la logique ou les chausse-trapes de quelque raisonnement. Celui qui doute de ma parole, ceux qui sont avides de disputes, d’argumentations ou de combat à coups de logique, je les invite à reprendre ce chapitre depuis le début ! |
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