La salafiya telle que nous la connaissons et telle que nous l’aimons
Le dernier message Les Guides Messagers de Dieu furent très nombreux depuis le début de la création jusqu’à la conclusion des missions prophétiques par le porteur du Message Suprême, le Message destiné à accompagner le monde entier jusqu’au jour dernier... Ces guides connurent diverses fortunes en termes de réussite, en termes de dons personnels, aussi diverses que sont les étoiles dans le ciel en termes d’éclat et de luminosité ! Il y eut en effet des prophètes que personne ne suivit. D’autres eurent des adeptes peu nombreux. D’autres furent suivis par une cité de taille moyenne. D’autres encore réussirent à éduquer une génération qui poursuivit quelque peu sur la voie tracée puis qui se fatigua et s’arrêta... Il en est également qui transmirent la vérité qui fut conservée par leurs compagnons, puis quelques années plus tard, cette vérité leur échappa et se dissipa avec le temps et fut substituée par le mensonge et la tromperie... Mais, depuis quinze siècles apparut un homme exceptionnel qui pénétra du regard les siècles passés et à venir. Dieu l’appuya par un Esprit de Sa part et le voilà parcourant le désert de la péninsule arabique pour transmettre le message explicite. Les ténèbres étaient épaisses et l’opposition acerbe. Les voiles de l’égarement s’accumulaient en Orient et en Occident à croire que Satan avait réussi à dévoyer l’ensemble de l’humanité si bien qu’il ne restait plus un soupçon d’espoir... Le Messager arabe inspiré s’engagea dans sa mission avec une volonté capable de fêler le fer. Il commença à former des hommes croyant en lui et luttant à ses côtés. Toutes les tentatives de le détourner de sa mission déclarèrent forfait. Il déchira les voiles qui masquaient la fitra, et tira les cerveaux de la torpeur qui leur faisait accepter l’idolâtrie insensée. Il s’écria dans le coeur de l’homme : "N’as-tu pas honte de t’éloigner de Celui Qui créa et agença (la création) harmonieusement, Celui Qui décréta (la destinée) et guida" ? Les hommes qui l’entouraient virent clairement le Chemin. Ils se joignirent alors à lui et puisèrent dans sa force pour soutenir la vérité et renier le mensonge : "Ainsi Nous t’envoyons dans une communauté — que d’autres communautés ont précédée — pour que tu leur récites ce que Nous te révélons, cependant qu’ils ne croient pas au Tout Miséricordieux. Dis : ‹C’est Lui mon Seigneur. Il n’y a nulle autre divinité en dehors de Lui. En Lui je place ma confiance Et à Lui je me repens›." (sourate 13, Ar-Ra`d, Le Tonnerre, verset 30) La récitation du Prophète n’est pas une simple lecture comme celle dont nous avons l’habitude. Sa récitation est un mode d’emploi ; elle trace une méthodologie et clarifie un programme à l’image de ce qu’annoncerait de nos jours un parti politique, toutes proportions gardées. L’objectif du dernier Message divin est de changer le monde entier. Les moyens dont il dispose sont ces adeptes en qui Mohammad a insuflé son esprit, qu’il instruisit avec son Livre et fit d’eux des maîtres dans l’art de la sagesse, de la gouvernance, de la protection des droits, de la purification spirituelle, de la formation des bonnes manières et du soutien des belles traditions. Tout ceci dans le sillon du Monothéisme pur et de la pratique religieuse saine. Personne ne peut dire comment Mohammad — paix et bénédictions sur lui — façonna une génération aussi forte, loyale et vertueuse. Personne ne sait ce qu’il déversa dans leur coeur comme piété, comme abnégation, comme observation de la Magnificence de Dieu et comme aspiration vers la Demeure Dernière. Personne ne mesure la force propulsive animant cette génération qui triompha des tentations de la vie, de la ruse des tyrans et parvint magnifiquement à transmettre le Noble Coran aux générations suivantes en tant que guide spirituel et doctrine étatique. Cette génération réussit également à le préserver des altérations et erreurs qui se glissèrent dans les livres précédents. Tels sont nos pieux prédécesseurs, les dignes guides de la vie et les dignes héritiers de l’au-delà. J’avoue mon admiration pour Mohammad — paix et bénédictions sur lui — et pour ses compagnons. Je suis sous le charme de l’éducation qu’il leur a prodiguée et de leur lutte à ses côtés et après son décès pour préserver la vérité sur terre et en faire profiter le monde entier... Ô combien nobles sont les compagnons de Mohammad — paix et bénédictions sur lui — et quelle énorme dette avons-nous envers eux ! Les disciples de Mohammad - paix et bénédictions sur lui - hier et aujourd’hui Après un long cheminement de l’humanité, je me regarde et je regarde ceux qui m’entourent. Je trouve une forte ressemblance entre les ennemis passés de Mohammad - paix et bénédictions de Dieu sur lui - et ses ennemis actuels, tandis que la ressemblance est très vague entre les disciples devanciers de Mohammad - paix et bénédictions sur lui - et ses disciples actuels... Les compagnons de Mohammad - paix et bénédictions sur lui - présentèrent aux gens la parole du Monothéisme comme une libération du joug de toutes sortes d’idolâtries religieuses, sociales et politiques. Il n’y a en effet aucune place sous les auspices de l’islam pour un despotisme pharaonique en politique, ni de ruée vers la fortune à la façon de Qârûn, ni de prêtrise orientée, ni de populations soumises pour tout opportuniste. Grâce aux enseignements du Coran et de la Sunnah, les gens comprirent sans afféterie que les libertés étaient consolidées, les droits garantis, que la raison devait s’exercer sans contraintes et que les penchants de la fitra devaient être suivis sans réserve. Ils comprirent également qu’en Islam, l’état était du côté de l’opprimé jusqu’à ce que l’injustice soit levée et contre l’oppresseur jusqu’à ce qu’il se réforme. L’unique appel par lequel on se réveillait pour prier, ce même appel que l’individu épuisé par une longue journée écoutait avant de se coucher, est : "Dieu est le plus Grand. Dieu est le plus Grand." tôt le matin et dans la nuit. Ainsi est le monde comme nous l’avons compris à travers le spectre de notre religion, mais le monde musulman ne connait pas ces repères dans son quotidien alors qu’il en aperçoit certains dans un monde totalement étranger à l’Islam... Ce qui m’étonne c’est que des gens qui parlent de l’Islam connaissent à peine ces repères et, lorsqu’ils traitent de la prédication islamique, ils ne les abordent ni de près ni de loin... Je ne leur demande pas de s’opposer à des situations pourries car ils n’en ont pas les moyens ! Je leur demande simplement d’indiquer les vérités scientifiques et d’expliciter les enseignements islamiques ! Il y a quelques jours une enquête a été menée au sein de la Knesset israélienne à propos de l’assassinat d’un jeune homme arabe lors d’une manifestation. Il semblerait que l’auteur de cette enquête étaient un arabe communiste de "l’état d’Israël"... Menahem Beguin répondit furieux : "Vous voulez retourner ciel et terre pour l’assassinat d’un jeune homme arabe alors que le silence complet avait régné après l’assassinat de dix mille personnes dans une "ville arabe voisine" et qu’un tiers de sa superficie avait été rasé ?" J’éprouvai de la honte en écoutant la réponse et je dis à un homme qui écoutait avec moi : le célèbte hadîth "il t’a dit vrai le menteur (i.e. Satan)" s’applique à Beguin parfaitement. Si la boucherie de cette ville nous donne froid dans le dos et fait couler des rivières de larmes de nos yeux, le silence qui la suivit et qui est évoqué par ce criminel israélien Menahem Beguin est encore pire et bien plus cruel. Par ailleurs, j’ai lu dans les journaux une information au sujet d’un catholique qui avait adopté trente mille enfants musulmans en Somalie pour les élever dans le Christianisme bien évidemment. Je me suis dit : Une partie de l’argent arabe perdu dans les casinos aurait pu préserver l’avenir de ces enfants... Combien nombreux sont nos orphelins récupérés par des organisations d’évangélisation suite à ce genre de négligence ! Ce ne sont pas ces forfaits, quand bien même ils seraient horribles, qui étonnent. Ce qui étonne c’est l’inconscience de ceux qui parlent de l’Islam vis-à-vis d’eux et à l’égard des prémices psychologiques et idéologiques qui les ont induits. J’ai de gros doutes quant à la raison et à la religion de ces gens. Méditons un peu sur nous autres musulmans ! Nous dépassons le milliard d’êtres humains. Nous habitons une terre qui s’étend entre l’océan atlantique et l’océan pacifique et renfermant les principales routes commerciales du monde. Nous possédons le tiers des ressources liquides et solides du monde ce qui devrait faire de nous une nation de tête et non une nation à la traine... Nos prédécesseurs étaient nettement moins nombreux et moins bien lottis. Ils vivaient sur une terre aride et isolée des civilisations humaines majeures. Comment ont-ils réussi et obtenu la suprématie tandis que nous échouons et sommes décadents ?! Je suis convaincu que les cultures empoisonnées que nous entretenons et les situations inacceptables auxquelles nous nous sommes habitués sont à l’origine de notre malheur ! L’Islam est étudié d’une manière folle et les diables parmi les humains et les djinns y veillent afin d’obtenir leurs profits illicites et de conserver l’ornement de la vie ici-bas... Malgré le sentiment général de la nécessité du changement pour survivre, et bien que nous ayons indiqué la source du mal à ceux qui manquent de clairvoyance, l’avenir semble obscur à moins que Dieu ne décide autrement... Polémiques surannées Pendant que je réfléchissais à ce genre de questions, un jeune homme frappa à ma porte. Il y avait une lumière dans ses yeux réflétant intelligence et enthousiasme. Il me dit : "J’ai lu certains de vos ouvrages et j’ai pensé faire meilleure connaissance avec vous à travers des questions que je vous poserais directement !" Je dis : "Contentez-vous d’une seule question car j’ai à faire..." Il dit : "Que pensez-vous de la fawqiyyah vis-à-vis d’Allâh - Exalté soit-Il ?!" Bien que je sois habitué à rencontrer des jeunes gens de ce genre, la question me surprit... Je pris mon temps puis répondis : "Je ne sais comment vous répondre. Comme tout musulman, je glorifie mon Seigneur le Très Haut et, de temps en temps, un sentiment de révérence envers Dieu me traverse l’esprit si bien que je pense faire partie des gens qualifiés ainsi : "Ils craignent leur Seigneur, au-dessus d’eux, et font ce qui leur est commandé." (sourate 16, An-Nahl, Les Abeilles, verset 50) Vous m’interrogez sur cette supériorité ? Je ne sais pas. Je partage le sentiment des gens doués de raison qui disent que le ciel est au-dessus de nous et que la terre est au-dessous. Puis, lorsque ma connaissance scientifique s’élargit, je sus que la terre que j’habite était ronde et qu’elle évoluait dans l’espace. Je sus de plus qu’elle était avec d’autres planètes en rotation autour du soleil qui, à son tour, se meut avec d’autres soleils dans une galaxie dont les dimensions et les lois sont connues." Les astronomes recensèrent de nombreux soleils dans notre galaxie et, après diverses études et observations, évaluèrent les limites de l’univers... Puis, les observatoires astronomiques découvrirent à des millions de millions d’années lumières l’existence d’autres galaxies encore plus lumineuses et plus éclatantes. Ils surent alors que l’univers est plus spacieux qu’ils ne pensaient... Je ne suis pas choqué par ces découvertes. Au contraire, elles augmentent ma révérence envers mon Seigneur Qui créa un univers vaste et façonna ses créatures merveilleusement ; Il est la source de l’existence même de cette création à chaque instant ! Je me souviens avoir vu une fois des nuées de fourmis entourant un morceau de sucrerie et relayant ses miettes à d’autres nuées de fourmis. Je vis des milliers de fourmis relayant des milliers d’autres fourmis. Je regardai alors le ciel en me disant qu’il y a des milliers d’étoiles fixes et mobiles. La précision qui gouverne la vie des fourmis dans leurs galeries est la même qui gouverne les soleils dans leurs mouvements. Il s’agit là de la même perfection. "Dis : ‹[...]A Lui appartient l’Inconnaissable des cieux et de la terre. Comme Il est Voyant et Audient ! Ils n’ont aucun allié en dehors de Lui et Il n’associe personne à Son commandement." (sourate 18, Al-Kahf, La Caverne, verset 26) Etant donné que le ciel nous entoure de toute part, il est à la fois au-dessus de nous et en dessous. Sur notre terre, nous sommes au-dessus de gens vivant dans l’autre hémisphère. Bref, le Créateur le Très-Haut a une Supériorité qui soumet toutes les créatures et s’élève au-dessus des djinns, des humains, des anges et de tout ce qui existe. C’est ce que je sais et je déteste dénaturer l’expression coranique par des définitions sans aucune légitimité. La Foi du Musulman Le jeune homme reprit : "N’avez-vous pas lu Al-`Aqîdah At-Tahâwiyyah ? - Je recommande aux musulmans de lire le Coran et de ne pas se perdre en spéculations sur les sujets touchant au monde l’Inconnu ; telle était l’attitude de nos pieux prédécesseurs et la raison de leur succès..., répondis-je. - Et votre livre `Aqîdat Al-Muslim (La Foi du Musulman) ?, s’enquit le jeune homme. - J’y ai établi ce que vous venez d’entendre !, affirmai-je. - Il suit la voie du Salaf mais vous y avez adopté la méthodologie de Abû Al-Hasan Al-Ash`arî dans le classement des articles de la foi, dit-il. Or, celui-ci est un métaphoriste dévoyé... - Qu’Allâh fasse miséricorde aussi bien à Abû Al-Hasan qu’à Ibn Taymiyah, répondis-je. Tous deux se sont pleinement engagés au service de l’Islam. Qu’Allâh leur pardonne leurs éventuelles erreurs. Ecoutez, mon fils, pourquoi ressuscitez-vous de vieilles polémiques scientifiques ? Ces polémiques - à une époque où le pouvoir de l’État musulman était étendu - étaient sans conséquences. Vous les remettez à l’ordre du jour alors que l’islam est en position de faiblesse et que son pouvoir est inexistant. Dans quel but ravivez-vous ces divergences et les attisez-vous de plus belle ? Orientez plus la Communauté vers le Livre de son Seigneur et les enseignements de son Prophète et occupez-la par les affaires qui occupaient jadis nos premiers prédécesseurs, c’est-à-dire la lutte dans le Sentier de Dieu. Ceux-ci obtinrent ainsi l’hégémonie et la puissance sachant que, ce faisant, ils libéraient les autres peuples. Aujourd’hui nous avons pour unique objectif de nous libérer nous-mêmes." Excédé, le jeune répliqua : "Je croyais que vous faisiez partie du Salaf !" - Faire partie du Salaf est un honneur bien trop grand pour moi, répondis-je, et, en même temps, je m’emploie à cette fin. Vous êtes venu m’interroger sur une question sur laquelle tout Compagnon se serait abstenu... Vous désiriez vraisemblablement me prendre à partie, vous et ceux qui vous ont envoyé, si jamais je me trompais. Sachez néanmoins que la pureté de l’âme vaut mieux auprès d’Allâh que la justesse d’une opinion ! N’est pas un salafî celui qui ignore les piliers de la réforme morale, sociale et politique enseignés par l’islam et élevés par nos pieux prédécesseurs, puis qui court ça ou là, attisant des polémiques dépassées et y perdant son temps..." La méthodologie coranique d’enseignement de la foi ne nous suffit-elle pas ? - Pour mieux nous faire connaître Dieu, on lit dans le Coran : "Allah ! Point de divinité à part Lui ! Il possède les noms les plus beaux." [20/8] La réponse naturelle à l’écoute de ce verset est : "Nous connaissons désormais notre Seigneur et les attributs de perfection dont Il est digne !" - On lit également : "Sache donc qu’en vérité, il n’y a point de divinité en dehors d’Allâh, et implore le pardon pour ton péché, ainsi que pour les croyants et les croyantes." [47/19] La réponse naturelle à cette injonction est : "Nous avons entendu et obéi. Nous savons qu’Allâh est Un et nous implorons Son Pardon pour nos manquements à Ses droits sur nous..." Ensuite, les éducateurs et les conseillers doivent consacrer leurs efforts au développement d’une foi implantée correctement afin qu’elle se transforme d’une connaissance théorique en une crainte révérencielle, une piété, une pudeur et un recueillement vis-à-vis d’Allâh. Nous n’aurons de cesse de développer cette foi jusqu’à ce qu’elle emplisse le croyant de la reconnaissance de la Gloire de Dieu et qu’il répète la parole enseignée par le noble Messager : "Seigneur, gloire à Toi comme il se doit pour la Majesté de Ta Face et la Toute-Puissance de Ton Pouvoir". Ainsi, lorsqu’il aura à faire face à la mort, par temps de paix ou par temps de guerre, il ne sera point désespéré et dira à l’instar de Bilâl - qu’Allâh l’agrée : "Demain, je rejoindrai mes bien-aimés, Muhammad et les siens". Quant à réduire la foi à des questions polémiques, telle est la mort morale et matérielle. Si nos prédécesseurs avaient suivi le courant de la polémique, l’islam n’aurait pas conquis le moindre pays, ni la foi pénétré le moindre cœur... La méthodologie du Noble Coran dans le développement de la foi et dans sa maturation est plus légère que l’air et plus douce que l’eau, contrairement à nombre d’ouvrages sur la foi, toutes époques confondues. J’ai rédigé mon livre `Aqîdat Al-Muslim (La Foi du Musulman) dans cet état d’esprit et je crois savoir qu’Allâh en a fait profiter beaucoup de gens... Mêler le Salaf à la jurisprudence des règlements dérivés Il est des affaires où l’on mêle le Salaf de force alors qu’il n’a rien à y faire. Que viendrait faire le Salaf dans la jurisprudence des règlements dérivés et dans les différends qui y opposent les Imâms ? Qui pourrait prétendre qu’Ibn Hambal serait le représentant de la salafiyyah dans ce domaine tandis que Abû Hanîfah, Mâlik et Ash-Shâfi`î auraient dévié du droit chemin et ne feraient partie que du Khalaf ? Il s’agit là d’un raisonnement puéril... Certains individus, soi-disant hambalites, dont le Târîkh Baghdâd relate qu’ils pourchassaient les shâfi`ites qui accomplissaient le qunût dans la prière de l’aube, ne sont que des vauriens sans aucun poids. Je suis persuadé que si l’Imâm Ahmad lui-même les avait vus, il les aurait dénoncés et aurait réprouvé leur comportement ! La responsabilité du déchirement de l’unité de la Communauté n’incombe pas tant aux gueux sectaires. La responsabilité retombe plutôt sur les savants qui savent parfaitement que le Messager de Dieu a décrété que le mujtahid reçoit une récompense double lorsqu’il voit juste, et une récompense simple en cas d’erreur. Admettons par exemple que les hambalites et les hanafites aient raison et qu’il ne faille pas accomplir le qunût dans la prière de l’aube. Qui priverait Mâlik et Ash-Shâfi`î de la rétribution accordée au mujtahid qui se trompe ? Si, de toute façon, celui qui a un avis différent du nôtre reçoit une rétribution, pourquoi l’insulterions-nous ou lui ferions-nous des difficultés ? Le problème que nous soumettons aux gens doués d’intelligence concerne certains individus qui pensent avoir le monopole de la vérité et qui considèrent autrui avec mépris ! En réalité, les maladies mentales dont sont atteints ces gens sectaires gouvernent l’ensemble de leurs comportements et, au nom de la religion, ils laissent suinter des bassesses inavouées ! Lorsqu’un boucher se met à délivrer des avis juridiques, on le verra toujours à la recherche d’une victime à sacrifier ! Dans la même veine, je mentionne, non sans ennui, le fait que certains individus nient le recours à la métaphore, condamnent ceux qui en parlent et mettent en doute la foi de ceux qui souscrivent à une telle interprétation. Un individu me demanda : "Vous rappelez-vous le hadîth demandant d’attendre que la chaleur diminue lors de la prière de midi, parce que la chaleur provient du souffle de la géhenne ?" Je répondis par l’affirmative. Il poursuivit : "On rapporte au sujet du souffle de la géhenne que l’enfer se plaignit à Dieu en ces termes : "Je me consume moi-même". Dieu lui accorda alors deux souffles, l’un en été et l’autre en hiver... Aussi les pics de chaleur que vous éprouvez en été correspondent-ils à l’un des souffles de la géhenne, et les pics de froid que vous ressentez en hiver font-ils partie du froid de l’enfer !" Je dis : "C’est approximativement le sens du hadîth." Il demanda : "Y ajoutez-vous foi ?" Je répondis : "J’ignore où vous voulez en venir. Attendre que la chaleur s’atténue pour prier à midi est une chose souhaitable et ne pose aucun problème. Dieu veut l’aisance pour vous et ne veut point vous imposer de difficulté." Il reprit : "Ma question porte sur la signification du hadîth. Croyez-vous que la géhenne se soit plainte effectivement et que Dieu l’ait effectivement entendue et soulagée ?" Je répondis avec froideur : "Que le Feu puisse parler de manière intelligible et faire une requête correspond effectivement à la compréhension de certaines personnes. Libre à eux de s’arrêter à cette lecture littéraliste, incapables qu’ils sont d’imaginer une autre interprétation. Néanmoins, il existe une autre interprétation vers laquelle je penche selon laquelle il s’agit d’une figure de style basée sur la métonymie et la métaphore." L’homme montra alors ses crocs et commença à trembler : "Serait-ce au delà du pouvoir de Dieu de faire parler le Feu ? Notre Seigneur ne peut-Il pas faire parler les pierres ?" Je répondis avec encore plus de froideur : "Que vient faire ici le pouvoir divin ? Les savants comprennent les textes à la lumière de la langue arabe et conformément aux structures que nous lui connaissons. Naturellement, le pouvoir divin est au-dessus de tout doute et de toute suspiscion ! Les anciens Arabes ont prêté aux objets inanimés et aux animaux des paroles que personne ne prendrait au premier degré. J’ai même mentionné en quelque occasion le proverbe arabe où le mur demande à la cheville : "Pourquoi me perfores-tu ?" Et celle-ci de répondre : "Demande à celui qui m’enfonce !" Une autre maxime a été mise dans la bouche d’un taureau désabusé : "On me dévora le jour où le taureau blanc fut dévoré." Or, ni le mur n’a parlé ni le taureau ne s’est prononcé !" Je rajoutai désespéré : "Cependant, si vous pensez que le mur et le taureau ont effectivement parlé, alors libre à vous ! Mais ne mêlez ni le Salaf ni le Khalaf à cette affaire !" Le jeune homme revint à la charge : "Le Coran comporte-t-il des métaphores ?" Je contrôlai la colère qui faisait rage en moi et je répondis : "Cherchez-vous à raviver des considérations rabâchées par certains savants du Moyen-Âge, aujourd’hui dépassées, et à y occuper les gens ? Tantôt c’est le hadîth de la Supériorité spatiale de Dieu et tantôt c’est le hadîth de la métaphore ?! Que dites-vous des versets suivants : "Nous mettrons des carcans à leurs cous, qui leur arriveront aux mentons : et voilà qu’ils iront têtes dressées ; et Nous mettrons un barrage devant eux et un barrage derrière eux ; Nous les recouvrirons d’un voile : et voilà qu’ils ne pourront rien voir." [36/8-9] Ces barrages désigneraient-ils le grand barrage d’Assouan ou le barrage de l’Euphrate ? Les carcans désigneraient-ils les chaînes et seraient-ils identiques à ceux que l’on voit parfois aux mains des combattants faits prisonniers ? Ou bien y aurait-il des métaphores dans le Coran ?" Je poursuivis, mi-rieur : "Lorsqu’Al-Mutanabbî se plut dans la vallée de Bawân, savourant son air, ses ombrages et la lumière qui perçait à travers les feuillages et qui traçait des cercles sur ses vêtements, il dit : Wa-alqash-sharqu minhâ fî thiyâbî *** Danânîru tafirru min al-banâni Et l’aurore jeta sur mes vêtements des dinârs insaisissables ! Puis il dit dans une grivoiserie inconvenante : Yaqûlu bi-shi`bi bawâni hisânî *** A-`an hâdhâ yasârin ilat-ti`âni Abûkum âdamu sannal-ma`âsî *** Wa-`allamakum mufâraqatal-jinâni Mon cheval dit dans la vallée de Bawân : quitterai-je cet endroit pour retourner aux souffrances ? Votre père Adam instaura les péchés et vous apprit à quitter le paradis ! Le cheval d’Al-Mutanabbî se serait-il arrêté dans ce jardin merveilleux pour y faire ce discours infaillible ? Ou bien est-ce Al-Mutanabbî qui prêta ces paroles à son cheval ? Je présume que selon vous, ce serait bien le cheval qui proféra ce blasphème contre les Prophètes et qui devrait, par conséquent, être abattu !" Ce jeune homme et ses semblables sont excusables. Le tort est imputable à ceux qui les orientent, incapables qu’ils sont de comprendre les crises de la vie contemporaine, de s’élever à la hauteur des événements, de ressentir les douleurs de leur nation ni de se rendre compte des complots qui s’ourdissent contre leur Communauté islamique et contre leur grande religion. Nous souhaitons une culture qui unit et qui ne divise point, qui se montre tolérante à l’égard de celui qui se trompe et qui ne guette point ses faux-pas, qui va à l’essentiel et qui ne s’attarde point sur la forme... J’ignore pourquoi nous ne préférons pas le travail productif et silencieux à ces polémiques stériles. Le besoin d’une méthode reliant notre présent à notre passé Je ne souhaite pas m’apesantir dans la critique de nos déviances intellectuelles et mentales. J’aimerais aboutir à une méthodologie reliant notre présent à notre passé glorieux, préparant des successeurs à l’image des prédécesseurs et nous permettant de pérenniser notre message et de défaire notre ennemi... En tant qu’individus isolés, nous ne pouvons pas réaliser grand chose. La communauté (al-jamâ`ah) est l’une des valeurs emblématiques de l’islam ; elle est une miséricorde tandis que la division est une tourmente... Au plan international, nos ennemis ont réussi à baisser l’étendard du caliphat et à découper la nation du Monothéisme en nations éparses. Ces dernières sont devenues les subalternes des grands blocs internationaux qu’elles ont raliés et ont revêtu des colorations culturelles et politiques autres que celle que Dieu a indiquée. Il incombe aux prédicateurs éclairés de secourir la oummah de l’intérieur et d’arrêter le déchirement intellectuel et spirituel qui nous vient de l’étranger. Ceci implique que nous ravivions la fraternité religieuse, que nous stimulions l’amour en Dieu, que nous abrégions les distances et que nous comblions les écarts séparant ceux qui se réclament de l’islam. Pour ne pas se contenter de rêves et de prêches magistraux, nous sommes d’avis de canaliser la oummah entière vers des regroupements visant des objectifs réels, des regroupements à l’image des cercles des frères sur lesquels s’est fondé le mouvement islamique dans le Najd, au Soudan ou en Egypte, et qui s’accordent à secourir l’islam, interagissent selon l’esprit divin et s’étendent aux villes et aux villages. Je conçois ces regroupements sous deux formes : La première se base sur un métier commun à l’image des corporations de métiers, les corps d’ingénieurs, les unions d’avocats, les cercles scientifiques, les chambres de commerce, les unions d’étudiants et les clubs universitaires etc. La seconde comprend des groupes hétérogènes réunis pour des raisons permanentes ou provisoires. L’action des premiers consistera à servir l’islam dans leurs spécialités respectives, de résorber notre retard civilisationnel, de rivaliser dans l’excellence et de s’attacher à soutenir l’islam allant des tâches techniques les plus élémentaires aux tâches les plus évoluées. L’action des seconds visera à renforcer les liens entre leurs membres qui oeuvrent dans des domaines distants. Le médecin rencontrera ainsi le clerc, l’ouvrier du textile échangera avec l’ouvrier en pharmaceutique, le comptable fera la connaissance de l’instituteur et le carreleur rencontrera le journaliste etc. L’essentiel est que tous ces gens prennent en considération l’effet de leurs actions sur le dynamisme islamique et qu’ils s’entraident pour le bien de leur religion et de leur nation. Il n’y a aucun mal à ce qu’ils se rendent visite, qu’ils échangent des présents, qu’ils renforcent les sentiments cordiaux entre leurs familles respectives et leurs enfants dans le cadre de la bienséance islamique bien connue... Ce qui m’incite à formuler cette proposition ce sont l’isolement que vivent les adeptes de cette religion ainsi que la défection que connait la religion elle-même dans les domaines les plus sensibles de la vie, et les paroles, belles ou ennuyeuses, où se cantonnent les prédicateurs. La prédication est l’action la plus légère à notre époque. Nous devons, en premier lieu, remettre en marche le convoi de l’islam à une époque où même les adorateurs de bovins ont pris de l’avance... Il se peut qu’une parole utile dite dans un institut, une usine ou une administration pèse davantage dans la balance du croyant que de nombreux prêches. Je voudrais également insister sur la proscription de toute polémique religieuse au sein de ces regroupements et sur l’acceptation de toutes les écoles de jurisprudence connues. Les efforts et le temps doivent être consacrés à la défense de la religion contre ses assailants et à la reconstruction de notre oummah sur ses bases premières... Si une étude scientifique s’avérait nécessaire, que cela soit confié aux spécialistes qui, par leur savoir, sont les plus aptes à se prononcer. Il m’a été donné de voir des divergences juridiques se transformer en obstination, puis en inimité inter-personnelle qui démolit la religion et la vie ici-bas. Qu’arriverait-il alors si le différend ne portait non plus sur les règlements dérivés mais sur les fondements ? La catastrophe serait bien plus grande et amère ! |
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