Point de sounna sans fiqh
L’équilibre mental est un capital indispensable dans tout milieu religieux. Il est la base de toute responsabilité religieuse et le minimum requis pour s’adresser aux gens au nom de l’islam. L’abondance du savoir est nécessaire à la compréhension des savants de l’ijtihâd et à l’arbitrage entre deux écoles de jurisprudence... Quant au rang de l’ijtihâd absolu, je suis convaincu qu’il s’agit là d’un degré plus élevé fondé - à l’origine - sur la faveur divine comme stipulé dans le hadîth : "[...] sauf une compréhension du Livre de Dieu accordée à un homme." et comme dans les versets : "Et David, et Salomon, quand ils eurent à juger au sujet d’un champ cultivé où des moutons appartenant à une peuplade étaient allés paître, la nuit. Et Nous étions témoin de leur jugement.§ Nous la fîmes comprendre à Salomon. Et à chacun Nous donnâmes la faculté de juger et le savoir. [...]" (Sourate 21, Al-Anbiyâ’, Les Prophètes, versets 78 et 79) Tel est l’exemple d’Ibn `Abbâs qui comprit de la sourate An-Nasr ce qui échappait aux compagnons réunis dans l’assemblée de `Omar. Il expliqua en effet qu’il y voyait l’annonce de l’imminence du décès du Prophète ! Cette intelligence alerte fait partie de la sagesse que Dieu octroie à ceux dont Il veut le bien : Il donne la sagesse à qui Il veut. Et celui à qui la sagesse est donnée, a vraiment reçu un bien immense.[...] (Sourate 2, Al-Baqarah, La Vache, verset 269) Le travail des juristes a complété celui des traditionnistes Le milieu du fiqh, de la fatwa, de l’éducation de la communauté et le conseil aux autorités ne saurait accepter en son sein des gens inexpérimentés à qui le dynamisme et la compréhension font gravement défaut. Il ne saurait accueillir des usurpateurs qui savent démolir mais sont incapables de construire. Nous disons cela afin d’attirer l’attention sur une caractéristique saillante de notre culture ancienne, à savoir que le travail des juristes a complété celui des traditionnistes, l’a mis au point, l’a ordonné et a facilité son exploitation. Par conséquent, le fiqh s’est trouvé à la tête de notre civilisation législative dans la majorité des époques... L’étude des traditions permet de comprendre combien le travail des juristes est incontournable et combien l’accès direct à la sunnah est difficile pour la masse et pour les gens dotés d’une vision restreinte. Il y a en effet des affaires où les traditions s’opposent et d’autres où l’on ne peut trancher sur la base d’une tradition singulière... Mâlik relate : "On me rapporta que `Abd Ar-Rahmân Ibn `Awf - qu’Allâh l’agrée - avait loué une terre dont il garda le bail jusqu’à son décès. Son fils dit : ’Cette terre est restée si longtemps entre ses mains que je pensais qu’elle nous appartenait. Cependant, il nous en a parlé avant sa mort nous demandant de payer un versement du loyer dont il était encore redevable, en or ou en argent...’". Ce récit autorise la location de la terre pour la cultiver. Les deux Sheikhs rapportent qu’Ibn `Abbâs dit : "Le Messager de Dieu se rendit sur une terre luxuriante. Il s’enquit : ’A qui appartient-elle ?’ On lui répondit : ’Untel la loue.’ Il dit alors : ’Il serait meilleur pour lui de la lui donner au lieu de la louer pour un loyer prédéterminé...’" Dans une variante, selon Râfi` Ibn Khudayj : "Le Messager de Dieu - paix et bénédictions sur lui - me demanda : ’Comment faites-vous avec vos champs ?’ - Nous les louons au quart et à la cargaison pour les dattes et pour l’orge, répondis-je. - Ne faites pas cela, dit-il. Cultivez-les vous-mêmes ou faites-les cultiver - c’est-à-dire donnez-les à autrui - ou gardez-les (sans culture). - A tes ordres !, répondis-je." Les juristes ont discuté de ces narrations, certains refusant la location dans les contextes appelant la solidarité et l’entraide, et l’acceptant dans les circonstances normales, d’autres l’interdisant en cas de duperie et d’abus, d’autres interdisant le bail à complant, d’autres l’autorisant, chacune des parties accordant la prééminence à certains textes par rapport à d’autres pour une raison donnée. Bref, les détails de cette question dépassent le cadre de notre propos. Avant de procéder à d’autres exemples, soulignons néanmoins que tout ce qui touche aux croyances, aux cultes principaux, et les sunan scientifiques, nous provient sur la base d’une large trasmission concordante et indiscutable. Soulignons également que les fondements de la religion, les piliers de la dévotion ainsi que les règles de conduite ne souffrent d’aucune ambiguïté ni désaccord. Les divergences ne concernent que des questions secondaires que seuls des gens mentalement déficients amplifieraient. Quelle valeur accorder au fait de boire debout ou assis ?! Diverses narrations traitent de cette question... ! Les cinq, à l’exception d’Abû Dâwûd - rapportent de manière authentique qu’Ibn `Abbâs - qu’Allâh l’agrée - dit : "Je tendis au Messager de Dieu de l’eau de Zamzam. Il la but debout." Ibn `Omar - qu’Allâh l’agrée - dit : "Du temps du Messager de Dieu, nous mangions en marchant et nous buvions debout.", hadith rapporté par At-Tirmidhî qui le jugea authentique. Selon Mâlik, on lui rapporta que `Omar, `Uthmân, et `Alî buvaient debout. Il apparait d’après ces traditions qu’il est permis de boire debout. Cependant, Muslim rapporte d’après Anas Ibn Mâlik : "Le Messager de Dieu a interdit de boire debout." . Il rapporte même d’après Abû Hurayrah que le Messager de Dieu dit : "Que nul ne boive debout ! En cas d’oubli, qu’il se fasse vomir..." !! Les juristes pensent qu’il est permis de boire debout mais qu’il est préférable d’être assis sans toutefois considérer qu’il soit illicite de le faire debout. Personnellement, je pense que ce sont les circonstances où l’on se trouve qui dictent notre façon de boire. Il n’y a aucun mérite à boire assis ni aucun crime à le faire debout, même si certaines personnes oisives essayent de faire une affaire de si peu de choses et de susciter de longs débats autour de la question !! Parmi les narrations discutées par une chaîne de radio récemment, il en est une qui traite des choses qui interrompent la prière. Or, dans notre enfance, nous avions appris que rien ne pouvait interrompre la prière et que le passage d’un humain ou d’un animal devant l’orant n’invalide pas sa prière. Les six, à l’exception d’At-Tirmidhî, rapportent à ce sujet que `Aïshah - qu’Allâh l’agrée - dit : "Le Messager de Dieu - paix et bénédictions sur lui - priait la nuit alors que j’étais allongée entre lui et la qibla à la façon d’un cercueil. Puis, quand il s’apprêtait à prier al-witr, il me réveillait pour l’accomplir..." Abû Dâwûd et An-Nasâ’î rapportent qu’Al-Fadl Ibn `Abbâs - qu’Allâh les agrée tous deux - dit : "Le Prophète - paix et bénédictions sur lui - nous rendit visite dans une vallée qui nous appartenait. Nous y avions une chienne et une ânesse. [Le Prophète] nous guida pour la prière d’Al-`Asr alors que ces dernières étaient devant lui sans qu’on ne les chasse ni ne les éloigne." Il apparait d’après ces narrations que la prière reste valide dans les circonstances indiquées. Néanmoins, Muslim rapporte que la prière sans écran est interrompue par le chien noir, la femme et l’âne, et que le chien noir était un démon ! `Aïshah s’indigna de ces paroles, s’en étonna et fournit les preuves du contraire. La majorité des Imâms affirment que rien n’interrompt la prière, passant outre cette narration. Certains en tinrent compte et fondèrent leur opinion sur elle. L’un d’eux me dit : "Aïshah n’était pas de passage devant l’orant pour que cela coupe sa prière." Riant, je répondis : "Le passage de la femme devant l’orant annulerait sa prière alors que si elle s’allongeait devant lui cela resterait sans conséquence !" Toujours est-il que cette affaire est beaucoup trop maigre à mon avis pour justifier un conflit... En revanche, je refuse que l’un des détracteurs des sciences naturelles s’en serve comme prétexte pour mettre en doute leurs conclusions, affirmant que le chien noir est un démon et non pas un chien comme tous les autres membres de son espèce ! Je demande : "Un hadîth, délaissé par la majorité des juristes, qu’Al-Bukharî n’a pas rapporté en traitant ce chapitre, nous pousserait-il à un conflit avec la science au nom de l’islam et des musulmans ?" Ce sectarisme étonnant vis-à-vis de questions secondaires n’atteint pas souvent de telles extravagances. Il caractérise néanmoins la voie que suivent certains de ceux qui se préoccupent des hadîths des âhâd. Un autre exemple de narrations contradictoires concerne la manière d’uriner. À ce sujet, certaines narrations rapportent qu’il est permis de le faire debout, d’autres l’interdisent. On rapporte ainsi d’après Ibn Mas`ûd : "Uriner debout fait partie des mauvaises manières." Je dis que cela dépend des conditions qui entourent chacun et qu’il y a de la marge dans cette question. En revanche, ce qui est inquiétant c’est de voir certains dont la connaissance se limite à quelques bribes de traditions à laquelle ils attachent la plus haute importance et ignorant les autres traditions attenantes. Puis, ceux-là se permettent de parler au nom de l’islam inconsidérément et sans science aucune. L’un de ces gens cita le hadîth "Tout ce qui descend en dessous de la cheville est en Enfer" puis statua que des milliers indénombrables de serviteurs de Dieu allaient croupir en Enfer ! Je lui dis : "Laisser traîner sa tunique par vanité est un mauvais comportement et cela était du temps de la jâhiliyyah une marque de richesse et de puissance. L’histoire du prince Al-Jibillah Ibn Al-Ayham à ce sujet est très connue. Quant à faire en sorte que les vêtements atteignent les chevilles ou les dépassent légèrement pour couvrir le corps et l’embellir sans vanité, cela n’envoie pas l’individu en Enfer !" Mon interlocuteur refusa d’écouter mon explication et me compta parmi les savants du mal qui bravent la Sunnah... ! Je le regardai dans sa tunique étriquée, imbu de lui-même et lui dis : "Si la vanité n’est autre que le refus de la vérité et le mépris des gens - selon la définition donnée par le noble Envoyé - , alors vous êtes bel et bien vaniteux quand bien même votre tunique ne vous arriverait qu’aux genoux !!" Je vis également un groupe de cette trempe envahir les assemblées et rappeler le hadith selon lequel le père du Messager - paix et bénédictions sur lui - était en Enfer. J’éprouvai du dégoût face à leur insolence et leurs mauvaises manières ! Ils m’interpelèrent : "On dirait que tu t’opposes à notre propos." Je dis, moqueur : "Il y a un hadîth qui dit : ’Nous ne châtirions point avant d’avoir envoyé un Messager’ (Sourate 16, Al-Isrâ’, Le Voyage Nocturne, verset 15) Faîtes votre choix !" Le plus intelligent parmi eux dit après un instant de reflexion : "Il s’agit d’un verset et non d’un hadîth." J’acquiessai : "Oui, j’en ai fait un hadîth afin que vous vous y intéressiez, car vous connaissez rarement le Livre !!" Il dit : "Il y avait des messages prophétiques avant l’avènement de l’islam et les Arabes faisaient partie du peuple d’Abraham et pratiquaient sa religion." Je répondis : "Les Arabes n’étaient ni du peuple de Noë ni du peuple d’Abraham. D’ailleurs, le Très Haut dit au sujet du peuple à qui le seigneur des prophètes a été envoyé : ’Nous ne leur avons pas donné de livres à étudier. Et Nous ne leur avons envoyé avant toi aucun avertisseur.’ (Sourate 34, Saba’, verset 44)" Et IL dit à son dernier Prophète : ’Et tu n’étais pas au flanc du Mont Toûr quand Nous avons appelé. Mais (tu es venu comme) une miséricorde de ton Seigneur, pour avertir un peuple à qui nul avertisseur avant toi n’est venu, afin qu’ils se souviennent.’ Tous les messages antérieurs étaient limités dans le temps ; Abraham, Moïse et Jésus étaient envoyés à des peuples en particulier ! Les juristes ont développé des arguments montrant que les parents du Prophètes n’étaient pas en Enfer, récusant ainsi vos propos... Vous embarassez la conscience islamique et ne lui accordez aucun répit. On relate par exemple que Dieu ressuscita les nobles parents du Prophète afin qu’ils croient en leur fils. La chaîne de transmission fait défaut à cette narration tout comme la science fait défaut à la vôtre et je ne comprends pas pourquoi vous vous attachez tant à supplicier les parents du meilleur homme qui soit ! Certaines narrations s’opposent en apparence et c’est là qu’intervient le rôle des savants de la jurisprudence et des traditions pour les concilier et favoriser les unes par rapport aux autres. Il arrive que la chaîne de transmission soit authentique mais que l’énoncé ne le soit pas. Il est également possible que la chaîne de transmission et le contenu soient tous deux authentiques mais une divergence apparait au niveau du sens voulu. Ceci est un vaste domaine d’étude dont sont issues l’école traditionniste et l’école interprétative. La première se rapproche de l’école dhâhirite malgré de nombreuses différences. La seconde a un champ d’action plus étendu et une vision plus large des sagesses sous-jacentes et des finalités. Les deux écoles sont vouées au bien par la volonté de Dieu. Lorsqu’un texte authentique contredit plus authentique que lui, il est qualifié de shadh et il est refusé. Lorsqu’une tradition faible contredit une tradition authentique, elle est dite délaissée (matrûk) ou récusée (munkar). Il m’a été donné de connaitre des gens qui fondent bon nombre de leurs comportements sur des traditions délaissées et récusées, au nom de la sunnah, alors que la sunnah est victime de ces ignorants... La nécessité de prendre soin du Noble Coran Je n’apporte rien de nouveau dans ce domaine. Je me vois cependant dans l’obligation d’attirer l’attention sur la nécessité d’accorder une attention extrême au Coran lui-même. Il est en effet des gens qui se penchent sur les recueils de hadîth comme sur une drogue tout en délaissant le Coran. Leurs idées se développent ainsi de travers, s’attardant là où elles devraient passer rapidement et passant rapidement là où elles devraient s’épanouir. Ils s’enthousiasment là où il n’y a pas lieu de le faire et restent de marbre là où l’insurrection est requise ! On compte parmi ces individus des gens pour qui les Afghans, disciples de Abû Hanîfah, sont pires que les communistes, disciples de Karl Marx. Pour quelle raison ? Pour la simple raison qu’ils ne récitent pas la fâtihah lorsqu’ils prient derrière un imâm ! La méconnaissance des enseignements principaux et secondaires apportés par la révélation hypothèque tout savoir et toute religiosité correcte. Abû Dâwûd rapporte un hadîth extrêmement faible d’après `Abd Allâh Ibn `Amr Ibn Al-`Âs selon qui le Messager de Dieu - paix et bénédictions sur lui - dit : "Ne prenez la mer que pour accomplir le grand ou le petit pèlerinage ou pour la lutte dans le Sentier de Dieu le Très-Haut. Car, sous la mer, il y a un feu et, sous ce feu, il y a une mer." Ce hadîth est faible voire controuvé. L’Imâm Al-Khattâbî se laissa tromper et expliqua l’interdiction de prendre la mer par le fait que la maladie gagne rapidement les voyageurs et que, la plupart du temps, ils y laissent la vie ! Cependant, tout le propos est non avenu. Les savants érudits disent en effet qu’il n’y a aucun mal dans le commerce maritime et que la vérité est clairement mentionnée par Allâh - Glorifié soit-Il - dans le Coran : "Et c’est Lui qui a assujetti la mer afin que vous en mangiez une chair fraîche, et que vous en retiriez des parures que vous portez. Et tu vois les bateaux fendre la mer avec bruit, pour que vous partiez en quête de Sa grâce et afin que vous soyez reconnaissants." [16/14] La méconnaissance du Coran et l’incapacité à saisir ses enseignements, évidents ou subtiles, est une tare psychologique et intellectuelle que ne saurait soigner la lecture maniaque des livres de la Sunnah. La Sunnah vient après le Coran et sa bonne compréhension passe par la bonne compréhension du Livre lui-même. Ibn Kathîr rapporte que l’Imâm Ash-Shâfi`î dit : "Tous les jugements émis par le Messager - paix et bénédictions sur lui - proviennent de sa compréhension du Coran. Comment serait-il possible de maîtriser la branche alors qu’on ignore le tronc ?!" La compréhension des enseignements du Coran et de ses finalités trace le cadre général du message islamique, établit une échelle des priorités dans les enseignements transmis et permet de replacer les traditions prophétiques à la place qui leur revient. L’individu attaché au Coran observe l’univers avec précision, connaît parfaitement les ressorts de la prospérité et du déclin des civilisations. Son esprit est éclairé par les Noms Sublimes et les Attributs Suprêmes ; il reste attentif aux scènes du Jour Dernier et de ce qui s’en suit. Il est aspiré vers les piliers de l’éthique et des bonnes manières ainsi que vers les fondements de la foi. Tout ceci est agencé dans des proportions harmonieuses. Lorsqu’on y ajoute les traditions prophétiques authentiques qui expliquent le Coran et parachèvent sa guidance, l’individu aura certes atteint la sagesse et la clairvoyance. Le musulman qui respecte sa religion et sa nation ne pense pas avoir le monopole de la justesse dans les opinions qu’il adopte ! Il peut par exemple penser que le silence derrière l’imâm est une oeuvre cultuelle, mais il ne méprise, ni ne rentre en conflit avec ceux qui considèrent la récitation derrière l’imâm comme une oeuvre cultuelle ! Cette tolérance fut largement cultivée par les masses musulmanes depuis toujours et diverses écoles juridiques purent ainsi se développer dans l’amour mutuel jusqu’au jour où certains se mirent à avoir un avis sur tel hadith, à tort ou à raison, puis à affirmer que c’est la religion et qu’il n’y a point de religion en dehors de leur lecture. Je fus pris de peur pour notre Communauté lorsque je vis des gens se consacrer au hadith alors qu’ils manquent de science juridique, puis ils se transforment en juristes, puis affichent des visées politiques pour remodeler la société et l’Etat conformément à leurs opinions... Le plus étonnant dans cette pensée religieuse de bas étage c’est qu’elle ne comprend pas grand chose aux modes de gouvernance, ni aux méthodes de consultation, ni aux finances, ni aux conflits des classes, ni aux problèmes de la jeunesse, ni aux difficultés de la famille, ni au développement de l’éthique... Ceux-là ne connaissent rien à la vie urbaine ni au développement des infrastructures pour servir les idéaux et les grands objectifs apportés par l’islam. Les cerveaux malades ne connaissent que les futilités. Ils s’insurgent pour elles, s’activent pour elles, se concilient et suscitent des conflits pour elles. Je hochai ma tête avec tristesse en voyant le chemin suivi par la prédication islamique. Le message que jadis l’humanité reçut, à l’instar du malade qui reçoit le remède ou de l’homme en proie au froid qui reçoit la chaleur, est aujourd’hui très dévalorisé aux yeux des gens, si bien qu’ils n’y attachent pas grand intérêt. Il est aussi dévalorisé auprès de ses propres adeptes si bien qu’ils n’y trouvent pas de quoi élever leur rang ni protéger leurs choses sacrées. Régression religieuse et linguistique Il semblerait que la régression touche à la fois la religion et la langue. La littérature s’est galvaudée au même titre que la foi ; le signifiant et le signifié ont touché des fonds très lointains... En lisant le journal Al-Jazîrah, je fus interpellé par un article traitant de la fièvre littéraire, de l’innovation et de l’homme de lettres contemporain. Quelle ne fut ma surprise de voir Al-Mutanabbî cité avec Nizâr Qabbânî dans un seul et même propos... Le sagissime Al-Mutanabbî décrivait la gloire et ses charges en ces vers : Ne connaît la gloire qu’un intelligent seigneur Et n’y trouve point sa place un malfaiteur Ni un héritier ne sachant guère ce que sa dextre a gagné Ni un ambitieux qui sans l’épée n’aura guerroyé Qabbânî quant à lui pleure sa femme disant : L’épée traverse la chair de mon flanc et le flanc du verbe Tu es la civilisation, Balqîs... Et le monde n’est que civilisation ! A vrai dire, je détestai la réunion de la sagesse et des immondices, la réunion de la littérature des sommets et la littérature des bas-fonds. Mais je retrouvai mes esprits, reconnaissant que ce qui était advenu dans le domaine de la poésie et de la prose correspondait tout à fait à la régression qui frappait le domaine de la prédication. N’est-ce pas comique de voir un prédicateur entrer dans une mosquée, puis s’exclamer "Bid`ah !" en voyant la chaire ? Et pour quelle raison s’offusque-t-il ? Eh bien, parce que la chaire compte sept marches, et le voici s’obstinant à ne pas franchir la troisième marche. Puis il regarde le mihrâb et s’offusque : "Bid`ah !" Pourquoi ? Parce qu’il est creusé dans le mur. Puis il regarde l’horloge et s’exclame : "Bid`ah !" parce qu’elle retentit comme une cloche. Enfin, il donne un prêche sur un sujet insignifiant qui n’aura guère averti les insouciants, ni instruit les ignorants, ni entravé un ennemi. Le plus important pour lui serait l’attachement à la Sunnah... selon sa propre compréhension ! De quelle Sunnah parle-t-il ?! Le Prophète arabe Muhammad - paix et bénédictions sur lui - réussit par sa tradition à préparer des générations qui transformèrent le monde et qui brisèrent des empires gigantesques ! Il sortit des populations de leur torpeur et les lança après qu’elles se sont illuminées de l’intérieur ; elles connaissaient alors la voie et le but visé ! Nous avons besoin d’un rayon de lumière sur le chemin de la prédication et sur la vérité de la Sunnah. Car la Sunnah a véritablement souffert de ces hâbleurs ! |
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