La conquête de la Mecque
LE CONTEXTE L’islam s’était profondément ancré dans le cœur des musulmans et ils en avaient fait un mode de vie de tous les instants. Allah leur avait fait subir de nombreuses épreuves, qui avaient purifié leur cœur et leurs motivations. De leur côté, les Qouraishites de la Mecque les avaient persécutés, combattus et forcés à s’exiler. En fait, ils s’étaient rendus coupables de tous les péchés d’omission et d’action envers le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) et ses fidèles. Mais Allah avait maintenant décidé que Son Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) et ses compagnons allaient conquérir la ville sainte et la purifier de la souillure de l’idolâtrie, de la tromperie, du mensonge et de la cruauté. Il avait décidé que sa sainteté serait rendue à la ville sacrée, lui redonnant son statut de centre religieux et de bénédiction pour l’humanité tout entière. LA DÉRÉLICTION DE BANI BAKR ET DE QOURAISH Le traité de Houdaybiya avait permis à plusieurs tribus, dont Banou Khouza’a, de conclure une alliance avec le Messager d’Allah (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), tandis que d’autres, comme Banou Bakr, avaient préféré conclure une alliance similaire avec Qouraish.[1] Banou Bakr et Banou Khouza’a entretenaient, depuis la période pré-islamique, une haine mutuelle. Comme l’une venait de s’aligner sur les musulmans et l’autre, sur les païens, leur inimitié s’en trouva intensifiée. En fait, elles avaient, chacune de son côté, décidé de s’allier avec les deux parties respectives dans l’unique but de se venger l’une de l’autre. Après l’armistice, Banou Bakr, en compagnie de certains de ses défenseurs, attaqua en pleine nuit Khouza’a, qui avait établi ses quartiers près d’une source. Une bataille générale s’ensuivit, à l’issue de laquelle Banou Khouza’a perdit plusieurs de ses hommes. Durant cette bataille, Qouraish avait renforcé Banou Bakr de ses armes tandis que ses chefs, profitant de l’obscurité de la nuit, s’étaient battus contre Khouza’a aux côtés de Banou Bakr. Leurs charges combinées poussa les membres de Khouza’a en territoire sacré, où ils entendirent certains Qouraishites se dire, entre eux: «Nous sommes maintenant en territoire sacré. Surveillez vos divinités! Surveillez vos divinités!» Mais les membres de Khouza’a répondirent, imprudemment: «Nous n’avons pas de dieu, aujourd’hui. Prenez votre revanche, ô fils de Bakr, car vous n’aurez peut-être pas l’occasion de tenter le coup une autre fois!».[2] PLAINTE AU MESSAGER ‘Amr bin Salim al-Khouza’a alla voir le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) à Médine et l’informa de la façon dont les membres de Qouraish avaient violé leurs engagements; il lui demanda également son aide, étant donné l’alliance qui l’unissait à Khouza’a. Il jura que Qouraish avait bel et bien violé le traité de paix en attaquant les alliés des musulmans au moment où ces derniers étaient près de leur puits, et qu’ils étaient allés jusqu’à les tuer pendant qu’ils accomplissaient leur prière. Après l’avoir attentivement écouté, le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) répondit: «Vous recevrez le secours demandé, ô ‘Amr bin Salim.». DERNIÈRE TENTATIVE D’OBTENIR JUSTICE Le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) envoya un émissaire à la Mecque afin que lui soit confirmée la situation qu’on lui avait rapportée et dans le but, également, de donner à Qouraish une dernière chance de réparer le tort qu’ils avaient causé. Il leur offrit deux alternatives: qu’ils paient le prix du sang pour chaque victime de Khouza’a ou qu’ils mettent un terme à leur alliance avec les agresseurs appartenant à Bani Nifasa, de Banou Bakr. S’ils refusaient de se plier à l’une ou l’autre de ces exigences, ils devaient s’attendre à en subir les conséquences. Ces conditions furent transmises à Qouraish qui, dans un accès d’arrogance, répliqua: «Oui, nous préférons œil pour œil.» Les musulmans furent donc déliés de leur engagement avec Qouraish et il leur incombait donc, maintenant, d’exiger justice pour le tort causé à leurs alliés.[3] DES EFFORTS POUR RENOUVELER LE TRAITÉ Lorsque l’on fit parvenir au Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) la réponse de Qouraish, il dit: «Je vois Abou Soufyan venir vous voir pour consolider le traité et pour me demander un délai.» La suite des événements prit forme exactement comme l’avait prédit le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui): Qouraish, réalisant la gravité de la situation, regretta amèrement la réponse imprudente donnée par un étourdi de ses membres. Ses chefs demandèrent à Abou Soufyan d’aller faire ratifier et prolonger le traité.[4] PRÉSÉANCE DU PROPHÈTE SUR LA FAMILLE Lorsque Abou Soufyan vint voir le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) à Médine, il voulut d’abord consulter sa fille, Oumm Habibah, une des épouses du Prophète. Une fois chez elle, il voulut s’asseoir sur le lit du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), mais elle le lui interdit. Abou Soufyan en resta perplexe. Il dit à Oumm Habibah: «Ma fille, je ne sais si c’est le lit qui est trop bon pour moi ou si c’est moi qui suis trop bon pour le lit!» Oumm Habibah répondit: «Le fait est qu’il s’agit du lit du Messager d’Allah et que toi, tu es un polythéiste impur. Alors je ne veux pas que tu t’assoies sur le lit du Messager.» «Mon Dieu!», dit Abou Soufyan, «tu as été bien gâtée depuis que tu m’as quitté.». ABOU SOUFYAN EST DÉCONCERTÉ Abou Soufyan se rendit ensuite chez le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), mais ce dernier refusa de le recevoir. Alors il s’adressa à Abou Bakr et lui demanda de parler au Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) en son nom, mais Abou Bakr refusa. Il tenta alors sa chance avec ‘Omar, ‘Ali et Fatimah, afin qu’ils interviennent en sa faveur, mais chacun s’excusa de ne pouvoir l’aider, affirmant que l’affaire était trop grave pour être réglée par eux. Chez Fatimah, Abou Soufyan perdit patience; pointant du doigt Hassan bin ‘Ali, qui se traînait devant elle, il dit: «Ô fille de Mohammed! Ne laisseras-tu pas cet enfant agir comme conciliateur entre nous afin qu’il soit reconnu pour toujours comme le seigneur de l’Arabie?» «Mon fils est bien trop jeune pour faire la paix entre les hommes», répondit Fatimah. «De plus», ajouta-t-elle, «personne ne peut forcer le Messager à faire la paix contre son gré.» ‘Ali vit à quel point Abou Soufyan était déconcerté et déprimé. Il lui dit, enfin: «Je ne crois pas que rien ni personne ne puisse t’aider en ce moment. Tu es le chef de Banou Kinana; alors lève-toi et essaies d’améliorer la situation en rétablissant l’harmonie. Ensuite, retourne chez toi.» Abou Soufyan sembla convaincu. Il demanda: «Crois-tu vraiment que cela changera les choses?» «Par Allah, je ne crois pas», répondit ‘Ali, «mais il n’y a rien d’autre que tu puisses faire pour l’instant.» Alors Abou Soufyan se rendit à la mosquée du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) et déclara, tout haut: «Ô hommes! J’ai décidé de faire la paix avec vous!» Puis il enfourcha son dromadaire et repartit en direction de la Mecque.[5] Lorsqu’il rapporta toute l’affaire aux membres de Qouraish, ils lui dirent: «Tu nous rapportes des nouvelles qui ne sont favorables ni à nous ni à toi.» L’AFFAIRE HATIB BIN BALTA’A Le Messager d’Allah (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) demanda aux musulmans de commencer à faire des préparatifs en vue d’une expédition prochaine, mais leur ordonna de garder cette affaire secrète. Un peu plus tard, il leur dit de se tenir prêts à partir. Puis il pria Allah en disant: «Ô Allah! Confonds les espions et les informateurs de Qouraish afin que nous les prenions par surprise sur leur propre territoire.»[6] La société islamique de Médine était composée de gens qui avaient, comme tous les êtres humains, des défauts et des qualités, qui éprouvaient des passions et des émotions et qui nourrissaient des espoirs et des craintes. Ses membres se comportaient de façon vertueuse, mais il leur arrivait également de commettre des erreurs. À l’occasion, ils considéraient qu’ils avaient raison lorsqu’ils faisaient certaines choses nouvelles ou peu conventionnelles. Certaines de leurs opinions personnelles étaient parfois raisonnables et parfois moins raisonnables, mais tel est le cas dans toute société libre et ouverte reposant non sur la contrainte mais sur la confiance mutuelle entre ses membres. Le Messager d’Allah (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) ne tolérait jamais quelque injustice ou quelque action illégale de la part de ses compagnons, mais si cela se produisait, soit il trouvait des excuses pour justifier leurs actions, soit il décidait de leur pardonner leurs erreurs. Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) avait un grand cœur et pardonnait facilement leurs erreurs aux autres. Il n’oubliait jamais la triste situation dans laquelle se trouvaient ses compagnons ni tous les sacrifices qu’ils avaient faits ni tous leurs services rendus pour la cause de l’islam. Le fait que certaines de ces erreurs ou manquements aient été préservés par les compilateurs de hadiths, les biographes du Prophète et les historiens de l’islam démontre leur intégrité et leur sincérité. L’un de ces exemples est celui de Hatib bin Abi Balta’a, un Mouhajirine qui avait émigré de la Mecque à Médine et qui avait pris part à la bataille de Badr. On rapporte que lorsque le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) informa ses compagnons de son intention d’attaquer la Mecque, ils se mirent tranquillement à faire leurs préparatifs. Hatib bin Abi Balta’a, lui, écrivit une lettre à Qouraish les mettant en garde contre une attaque imminente et demanda à une femme de la leur remettre, en lui promettant de la payer pour ce service. La femme quitta Médine après avoir mis la lettre sur sa tête et l’avoir recouverte de ses cheveux. Une voix céleste informa le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) de l’action de Hatib. Il envoya immédiatement ‘Ali et Zoubayr à la poursuite de la femme, en leur disant: «Allez jusqu’à la prairie de Khaki,[7] où vous trouverez une femme voyageant à dos de chameau; elle possède une lettre que devez absolument récupérer.» Ils enfourchèrent tous deux leur cheval et partirent à bride abattue en direction de la prairie dont leur avait parlé le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), et où ils trouvèrent la femme, qui avançait à dos de chameau. Ils lui ordonnèrent de descendre et fouillèrent à fond ses bagages, mais ne trouvèrent rien. Alors ‘Ali lui dit: «Par Allah, le Messager d’Allah n’est pas dans l’erreur, pas plus que nous ne le sommes. Soit tu nous donnes cette lettre, soit nous irons la chercher nous-mêmes.» Sentant qu’ils disaient vrai, elle leur demanda de se retourner. Elle retira la lettre de ses nattes et la leur donna. La lettre fut apportée au Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), qui convoqua Hatib bin Balta’a. Ce dernier lui dit: «Ô Messager d’Allah, ne t’emporte pas contre moi. Je jure par Allah que j’ai foi en Lui et en Son Messager, et que je n’ai ni abandonné ni changé ma religion. J’étais un allié de Qouraish mais je n’étais pas des leurs.[8] D’autres émigrants, parmi nous, ont des relations avec des gens de Qouraish, qui prennent soin des membres de leur famille restés à la Mecque. J’ai pensé que comme je n’ai pas cette chance, je pourrais leur apporter mon aide afin qu’ils protègent les membres de ma famille.» ‘Omar demanda la permission au Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) de couper la tête de Hatib, le traitant d’hypocrite et de traître envers Allah et Son Messager. Mais le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) répondit: «Il était avec nous à la bataille de Badr. Sais-tu, ‘Omar, peut-être Allah considère-t-Il d’un œil favorable ceux qui étaient présents à Badr.» Et à Hatib, il dit: «Fais ce que tu veux; moi, je t’ai pardonné.» ‘Omar se mit à pleurer et dit: «Allah et Son Messager savent mieux.».[9] L’AMNISTIE Abou Soufyan bin al-Harith[10], un des cousins du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), rencontra ce dernier alors qu’il était en route, avec son armée, pour la Mecque. Il tenta de l’aborder, mais le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) se montra très froid à son égard. Par le passé, Abou Soufyan l’avait souvent insulté et persécuté à la Mecque. Chagriné et inconsolable devant l’indifférence du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), il alla voir ‘Ali pour épancher sa peine. Ce dernier lui dit de retourner voir le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) et de lui dire ce que les frères de Youssef (le prophète Joseph) lui avaient dit: «Par Allah! Vraiment Allah t’a préféré à nous et nous avons été fautifs.»[11] «Car», continua ‘Ali, «le Prophète n’aime guère que les gens le surpassent en belles et réconfortantes paroles.» Abou Soufyan suivit le conseil de ‘Ali et le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) lui répondit: «Pas de récrimination contre vous aujourd’hui! Qu’Allah vous pardonne. C’est Lui le plus Miséricordieux des miséricordieux.»[12] Sur ce, Abou Soufyan embrassa l’islam et fut connu, par la suite, pour sa grande piété et pour la force de sa foi. Il conserva toujours, au fond de son cœur, une grande honte pour les mauvaises actions qu’il avait commises dans le passé. Il parlait toujours au Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) avec les yeux baissés et n’osait jamais le regarder en face. ABOU SOUFYAN, CHEF DE QOURAISH, DEVANT LE PROPHÈTE Alors qu’ils faisaient halte, le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) ordonna qu’on allume des feux de camp. Abou Soufyan, chef de Qouraish, fut frappé d’horreur en les apercevant. Il dit: «Je n’ai jamais vu de tels feux et une telle armée avant aujourd’hui.» Il s’avança furtivement pour explorer en secret le campement et les gens qui s’y trouvaient. ‘Abbas bin Abdoul Mouttalib avait déjà quitté la Mecque avec sa famille pour aller rejoindre le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui). Il reconnut la voix d’Abou Soufyan et l’appela: «Tu vois, le Messager est ici avec son armée. Quel matin terrible attend Qouraish!» Abbas pensa alors que si n’importe quel musulman apprenait la présence d’Abou Soufyan, il le tuerait certainement. Alors il dit à ce dernier de monter derrière son mulet et le conduisit au Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui). Dès que ce dernier aperçut Abou Soufyan, il lui demanda: «Le temps n’est-il pas venu, ô Abou Soufyan, de reconnaître qu’il n’existe qu’un seul dieu?» «Que ma mère et mon père soient ta rançon!», répondit Abou Soufyan, «Comme tu es gentil, délicat et noble! Je crois que s’il y avait eu un autre dieu qu’Allah, il m’aurait été d’un grand secours aujourd’hui.» Le Messager continua: «Malheur à toi, Abou Soufyan. Le temps n’est pas venu de reconnaître que je suis le Messager d’Allah?» Il répondit: «Que ma mère et mon père soient ta rançon! Comme tu es gentil et clément…; mais j’entretiens toujours des doutes à ce sujet.» Abbas intervint: «Malheur à toi, Abou Soufyan! Soumets-toi et atteste qu’il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah et que Mohammed est Son Messager avant de perdre la tête!» Abou Soufyan prononça l’attestation de foi et devint musulman.[13] AMNISTIE GÉNÉRALE Le Messager d’Allah (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), dans sa grande clémence, avait maintenant pardonné à tous leurs fautes. Il s’agissait de l’amnistie la plus importante jamais accordée par un conquérant. Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) déclara: «Celui qui entre dans la maison d’Abou Soufyan sera en sécurité, celui qui décide de s’enfermer sera en sécurité et celui qui entre dans la mosquée sacrée sera en sécurité.»[14] Avant que ses troupes n’entrent à la Mecque, le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) ordonna à ses hommes de ne lever la main que sur ceux qui tenteraient de leur barrer la route ou qui tenteraient de les attaquer. Il leur ordonna également de ne toucher à aucune propriété appartenant aux Mecquois, qu’elles fussent vivantes ou non, et de ne rien détruire sur leur passage.[15] ABOU SOUFYAN OBSERVE L’ARMÉE Avant qu’Abou Soufyan ne retourne à la Mecque, le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) voulut lui donner une idée de la force de l’islam. Il demanda à ‘Abbas de le conduire à un endroit d’où il pourrait avoir une vue générale des bataillons. L’armée en mouvement surgit comme une vague d’océan. Différentes tribus passèrent devant Abou Soufyan, affichant leurs couleurs tribales; au fur et à mesure de leur progression, il demandait à ‘Abbas leurs noms respectifs. Puis il marmonna, d’un air sombre: «Qu’est-ce que j’ai à voir avec eux?» Enfin, le détachement du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) apparut, les hommes revêtus de leur armure de la tête aux pieds, dans les couleurs de vert et de noir. C’était le régiment des Ansars et des Mouhajirines, dont on n’apercevait que les yeux à cause de leur armure. Abou Soufyan soupira et demanda: «Mon Dieu, ‘Abbas, qui sont ces gens?». Lorsque ‘Abbas lui dit que c’étaient les Ansars et les Mouhajirines accompagnant le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), il dit: «Aucun d’entre eux n’a jamais joui de cette magnificence auparavant. Par Allah, ô Abdoul Fadl, l’empire de ton neveu a pris de fantastiques proportions ce matin!» ‘Abbas répondit: «Abou Soufyan: c’est le miracle de la prophétie.» «Oui», dit Abou Soufyan, «c’est exact.».[16] Abou Soufyan se dépêcha de rentrer à la Mecque, où il rassembla les nobles de Qouraish et leur annonça: «Ô gens de Qouraish! Voici Mohammed qui arrive avec une armée à laquelle vous ne pourrez résister. Quiconque entrera chez Abou Soufyan sera en sécurité.» «Que Dieu te détruise!» crièrent certains d’entre eux, «comment pourras-tu nous faire entrer tous dans ta maison?» Abou Soufyan continua: «Et ceux qui s’enfermeront chez eux seront en sécurité. Et ceux qui iront à la mosquée sacrée seront en sécurité.» Sur ce, les gens se dispersèrent afin de trouver refuge qui dans leur maison, qui dans la mosquée sacrée. ENTRÉE TRIOMPHANTE À LA MECQUE Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) entra à la Mecque la tête baissée, sa barbe touchant presque la selle de son chameau, en signe de soumission et de remerciement à Allah; il récitait la sourah al-Fatiha[17], pour annoncer l’honneur et la victoire qui lui étaient accordés.[18] Ce jour-là, où il entra victorieusement à la Mecque en tant que leader religieux et politique et perçu, par les gens, comme le «cœur» de l’Arabie, il instilla au peuple les principes de justice et d’égalité, de même que l’humilité et la soumission à Allah, sans oublier toutes les autres vertus défendues par l’islam. Il fit asseoir avec lui, sur son chameau, Oussama bin Zayd, le fils de son ex-esclave, devant tous les nobles de Qouraish et de sa propre famille, Bani Hashim, qui étaient présents pour l’occasion. Le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) entra à la Mecque un vendredi, 21e jour de Ramadan. Le jour où la Mecque tomba aux mains du Messager d’Allah (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), un homme, qui tremblait d’étonnement, vint lui parler. Le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) le rassura en lui disant: «Calme-toi et ne crains rien. Je ne suis pas un roi, mais seulement le fils d’une Qouraishite qui se nourrissait de viande séchée au soleil.»[19] LE JOUR DE LA CLÉMENCE ET DU PARDON Sa’ad bin ‘Oubada passa près d’Abou Soufyan avec un détachement de Ansars. Avançant d’un pas décidé, il se mit à crier: «Aujourd’hui est un jour de guerre! Il n’y a pas de sanctuaire, Allah a humilié Qouraish!» Peu après, ce fut au tour du régiment du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) de passer près d’Abou Soufyan. Il en profita pour se plaindre au Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) de ce que Sa’ad venait de dire. Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), mécontent des paroles Sa’ad, dit: «Non! Aujourd’hui est un jour de clémence et de pardon. Aujourd’hui, Allah honorera Qouraish et élèvera la gloire du Sanctuaire.»[20] Il envoya quelqu’un retirer à Sa’ad l’étendard des Ansars et le donna à son fils, Qays.[21] Tout ce que le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) faisait ou disait lui était divinement inspiré. Le transfert de l’étendard était purement symbolique, mais pas insignifiant. Car ce faisant, il apaisa la colère d’Abou Soufyan, dont les sentiments venaient d’être heurtés et évita de trop blesser Sa’ad bin ‘Oubada, dont les services rendus pour la cause de l’islam étaient considérables. QUELQUES ÉCHAUFFOURÉES Safwan bin Oumayya, Ikrima bin Abi Jahj et Souhaly bin ‘Amr affrontèrent Khalid bin Walid et tentèrent de freiner la progression de l’armée musulmane. L’échauffourée fit une douzaine de victimes avant qu’ils ne décident d’abandonner. Le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) avait déjà interdit à ses troupes d’utiliser leurs épées sauf contre ceux qui les attaqueraient.[22] LA KA’BAH EST DÉBARRASSÉE DE SES IDOLES Finalement, lorsque le retour à la normale se fit, à la Mecque, et que les gens se furent installés, le Messager d’Allah (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) se rendit à la Ka’bah. Il commença par faire sept fois le tour du sanctuaire. À cette époque, la Ka’bah contenait trois cent soixante idoles. Il frappa chacune avec la pointe de son arc, en disant: «La vérité est venue et l’erreur a disparu. Car l’erreur est toujours destinée à disparaître.» (Coran, 17:81) Et les idoles s’effondrèrent, les unes après les autres, tombant face contre terre.[23] Il y avait également quelques images et gravures dans la Ka’bah. Elles furent détruites sous les ordres du Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui).[24] GÉNÉROSITÉ PRINCIÈRE Après avoir terminé de faire le tour du sanctuaire, le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) envoya chercher ‘Outhman bin Talha, qui détenait les clefs de la Ka’bah. Il prit les clefs des mains de ‘Outhman et ouvrit les portes de la Ka’bah. Une fois, avant sa migration à Médine, le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) avait demandé à ‘Outhman de lui donner les clefs de la Ka’bah; non seulement ce dernier avait-il refusé, mais il s’était montré fort impertinent avec lui. Avec une patience exemplaire, le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) lui avait alors dit: «‘Outhman, le jour viendra où tu verras ces clefs dans ma main. Et à ce moment, je les donnerai à qui je voudrai.» ‘Outhman lui avait rétorqué: «Si ce jour vient jamais, la tribu de Qouraish sera humiliée et détruite.» «Non», avait calmement répliqué le Prophète, «ce jour-là elle sera honorée et en sécurité.» On rapporte que cette prédiction hanta tant ‘Outhman qu’il avait fini par croire qu’elle se produirait exactement comme l’avait décrite le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui).[25] Lorsque le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) sortit du sanctuaire, il tenait dans ses mains les clefs de la Ka’bah. ‘Ali se leva et dit: «Qu’Allah t’apporte paix et miséricorde. Accorde-nous le droit de devenir gardiens de la Ka’bah, ainsi que du point d’eau des pèlerins.» Mais le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) ignora sa requête et demanda: «Mais où est ‘Outhman bin Talha?». On fit à nouveau venir ‘Outhman et le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) lui dit: «‘Outhman, prends ces clefs car elles t’appartiennent. C’est le jour de bonne foi et de bienveillance. Ces clefs resteront toujours avec toi et nul ne te les prendra, à moins qu’il ne soit un tyran.».[26] L’ISLAM, LA RELIGION DU MONOTHÉISME Le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) se tenait à la porte de la Ka’bah, appuyé sur l’embrasure, tandis que le peuple de Qouraish se rassemblait devant lui, dans la cour. Il s’adressa à eux, en disant: «Il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah. Il n’a pas d’associés. Il a respecté Sa promesse et aidé Son serviteur. Il a renversé tous les confédérés. Sachez que toutes les demandes de privilèges, qu’elles se rapportent aux liens du sang ou aux propriétés, sont sous mon joug, sauf la garde de la Ka’bah et du point d’eau des pèlerins. Ô gens de Qouraish, Allah a aboli l’arrogance du paganisme et la fierté ancestrale. Tous les hommes descendent d’Adam et Adam a été créé à partir d’argile.» Puis, il récita le verset coranique suivant: «Ô hommes, Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entreconnaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allah, est le plus pieux. Allah est certes Omniscient et Connaisseur.» (Coran, 49:13)[27] LE PROPHÈTE DE MISÉRICORDE Puis, le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) demanda à Qouraish: «Ô Qouraish, que croyez-vous que je m’apprête à faire de vous?» «Nous n’espérons que le meilleur», répondirent-ils, «tu es un frère noble, fils d’un frère noble.» Le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) dit: «Je vous dis ce que Youssouf [28] a dit à ses frères: «Pas de récrimination contre vous aujourd’hui.» Et il ajouta: «Allez… vous êtes tous libres.»[29] Ensuite, il demanda à Bilal de grimper sur le toit de la Ka’bah et d’y prononcer le adhan (appel à la prière). Pour la toute première fois, les chefs et nobles de Qouraish entendaient l’appel à la prière résonner dans la vallée de la Mecque. Par la suite, le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) se rendit chez Oumm Hani bint Abi Talib, y prit un bain et pria huit unités de prière (rakates) afin de remercier Allah pour la victoire qu’Il venait de leur accorder.[30] L’ÉGALITÉ DEVANT LA LOI Une femme de Bani Makhzoum, nommée Fatimah, fut un jour appréhendée pour vol. Les hommes de sa tribu vinrent voir Oussama bin Zayd dans l’espoir de le voir intercéder auprès du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) en faveur de cette femme, étant donné les bonnes relations qu’il entretenait avec ce dernier. Lorsque Oussama parla de l’affaire au Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), il vit l’expression faciale de ce dernier changer soudainement. Il lui dit: «Oussama, es-tu entrain de me parler des limites établies par Allah?» Oussama se sentit si honteux qu’il supplia le Prophète: «Ô Messager d’Allah, prie Allah de me pardonner!» Plus tard, dans la soirée, lorsque les gens se rassemblèrent, le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) dit, après avoir glorifié Allah: «Des peuples avant vous ont été détruits parce qu’ils avaient l’habitude de fermer les yeux lorsqu’un noble parmi eux commettait un vol; mais lorsqu’un pauvre ou un indigent faisait la même chose, ils le châtiaient suivant la loi. Je jure par Celui qui tient mon âme entre Ses mains que si Fatimah bint Mohammed [sa fille] avait volé, je lui aurais coupé la main!» Il ordonna ensuite qu’on ampute la main droite de l’accusée. On rapporte qu’elle se repentit sincèrement par la suite et qu’elle mena une vie normale après s’être mariée.[31] GENTILLESSE ENVERS LES ENNEMIS Maintenant que la victoire était entière, tous les citoyens de la Mecque eurent droit à l’amnistie. Seules neuf personnes furent condamnées à mort. Parmi elles, il y avait un homme qui s’était rendu coupable d’apostasie après avoir embrassé l’islam, un autre qui avait hypocritement tué un musulman, tandis que quelques autres avaient tout fait pour tenter de détruire l’islam et calomnier le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui). ‘Abdallah bin Sa’ad bin Abi Sarah avait, quant à lui, abandonné l’islam. Parmi les condamnés, il y avait également Wahshi, l’esclave de Joubayr bin Mou’tim, qui avait tué l’oncle du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), Hamza. Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) l’avait condamné à mort, mais ce dernier décida d’embrasser l’islam et sa profession de foi fut acceptée. [32] Il y avait également Habbar bin al-Aswad, qui avait attaqué Zaynab, la fille du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui). Durant l’attaque, elle était tombée de son palanquin et avait avorté l’enfant qu’elle portait. Suite à l’incident, Habbar s’était sauvé de la Mecque, mais lorsqu’il revint, il accepta l’islam et le Prophète, dans sa clémence, lui pardonna. Enfin, deux jeunes chanteuses, qui avaient l’habitude de chanter des vers satiriques dénigrant le Messager d’Allah (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) se virent accorder l’impunité, suite à quoi elles acceptèrent l’islam. Ikrima bin Abi Jahl, quant à lui, détestait tellement l’islam qu’il s’était enfui au Yémen. Sa femme devint musulmane et demanda au Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) de lui accorder l’immunité. Ikrima était le fils d’Abou Jahl, le plus grand ennemi du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui); pourtant, ce dernier non seulement pardonna à Ikrima, mais le reçut chaleureusement lorsqu’il revint à la Mecque. Il se leva avec tant de hâte, pour le recevoir, que sa cape tomba de ses épaules. Il était très heureux d’accueillir Ikrima au sein de l’islam. Il lui accorda une position très honorable parmi les musulmans et il se distingua par de nombreux actes d’héroïsme au cours des batailles qu’il mena contre les apostats et les forces byzantines. HIND EMBRASSE L’ISLAM Peu de temps après, une foule importante, composée de citoyens de la Mecque, se rassembla à l’extérieur. Le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) grimpa sur le mont Safa où, l’un après l’autre, les Mecquois vinrent lui prêter serment d’allégeance. Après que les hommes eurent terminé de défiler pour prononcer leur profession de foi, les femmes leur emboîtèrent le pas. Parmi elles se trouvait la furie de Ouhoud, Hind bin ‘Outba, épouse d’Abou Soufyan. Elle s’était recouvert le visage, ne voulant pas être reconnue à cause de ce qu’elle avait fait à Hamza. Le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) lui dit (sans savoir qui elle était): «Fais le serment que tu n’associeras rien à Allah.» «Par Allah», répondit-elle, «tu nous as imposé une chose que tu n’as pas imposée aux hommes.» Le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) poursuivit: «Et que tu ne voleras pas.». Hind dit: «J’avais pris l’habitude de prendre de petites sommes d’argent d’Abou Soufyan à son insu parce qu’il était avare; mais j’ignore si c’était licite ou pas.» Abou Soufyan, qui l’accompagnait, intervint et dit: «Pour ce qui est du passé, il n’y a pas de blâme sur toi; c’était licite.» Le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) reconnut Hind et dit: «Ah! Tu es Hind bint ‘Outba!» Hind répondit: «Oui, c’est moi. Je te prie de me pardonner mes actions passées.» Le Messager dit encore: «Et tu ne commettras pas l’adultère.» Elle répondit: «Est-ce qu’une femme de noble descendance commet l’adultère?»[33] Ignorant sa question, il poursuivit: «Et tu ne tueras pas tes enfants.» Hind répondit: «Nous les avons élevés lorsqu’ils étaient petits et vous les avez tués lorsqu’ils étaient grands.» Le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) continua: «Et tu ne feras circuler de calomnies sur personne.» «Par Allah», répondit-elle, «la calomnie est méprisable et honteuse. Il est parfois préférable de l’ignorer.» Finalement, le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) dit: «Et tu ne me désobéiras pas.» «Oui», dit Hind; mais elle ajouta: «en ce qui concerne les choses vertueuses.»[34] INSÉPARABLE DE SES COMPAGNONS Allah avait ouvert les portes de la Mecque au Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui). C’était sa ville natale et le lieu où avaient habité tous ses ancêtres. Certains Ansars se disaient entre eux que puisque Allah avait donné au Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) la victoire sur sa patrie et sur sa ville, il allait peut-être décider d’y demeurer plutôt que de retourner à Médine. Peu de temps après, le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) les interrogea sur le sujet de leur conversation, mais nul ne voulu le lui révéler. Ils finirent tout de même par avouer leurs appréhensions et le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) les rassura en disant: «Qu’Allah m’en garde! Je vivrai et mourrai parmi vous.»[35] UN PÉCHEUR SE REPENT ET EMBRASSE L’ISLAM Fadala bin ‘Oumayr s’était promis de tuer le Messager d’Allah (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui). Il avait décidé de le tuer au moment où ce dernier tournerait autour de la Ka’bah. Donc un jour où le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) tournait autour de la Ka’bah, Fadala s’approcha de lui. L’ayant entendu venir, il l’appela: «Fadala!». Ce dernier dit: «Oui, ô Messager d’Allah.» Puis le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) lui demanda: «À quoi penses-tu?». «À rien», répondit Fadala, «je pense à Allah.» Le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) sourit et, plaçant sa main sur la poitrine de Fadala, lui dit: «Cherche le pardon auprès d’Allah». Le cœur de ce dernier fut immédiatement apaisé. Plus tard, il racontait aux gens: «Le Messager n’avait pas encore retiré sa main de sur ma poitrine qu’il était devenu plus cher à mon cœur que toute autre créature d’Allah.» Et il disait également: «Puis je retournai chez moi et croisai une femme avec qui j’avais l’habitude de converser. Elle me demanda de m’asseoir et de discuter avec elle, mais je lui répondit: «Non, Allah et l’islam ne me le permettent pas.»[36] TOUTE TRACE DE PAGANISME EST ABOLIE Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) envoya quelques groupes détruire les idoles qui se trouvaient çà et là dans la ville de la Mecque, de même que celles qui se trouvaient en périphérie, dans la vallée. Elles furent toutes réduites en pièces, y compris al-Lat et al-Ouzza, de même que Manat-ous-Thalathatal Oukhra. Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) envoya ensuite un messager dire aux gens que tout homme ayant foi en Allah et au Jour dernier devait détruire toutes les idoles se trouvant dans sa maison. Il délégua également certains de ses compagnons aux différentes tribus des environs de la Mecque pour leur transmettre le même message. Jarir a rapporté qu’il y avait, en Arabie, un temple connu sous le nom de Dhoul Khalasa. Le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) dit à Jarir: «Pourquoi ne me tranquillises-tu pas en ce qui a trait à Dhoul Khalasa?» Jarir le lui promit et partit, accompagné de cent cinquante cavaliers résolus de Ahmas[37], en direction du temple, qu’ils détruisirent entièrement. Ils tuèrent, par la même occasion, tous ceux qui s’y trouvaient. Lorsque Jarir revint et rapporta leur action au Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), ce dernier pria pour les Ahmas.[38] Suite à ces événements, le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) rassembla les musulmans et leur dit qu’Allah avait fait à jamais de la Mecque un territoire sacré. Il leur dit: «Il est interdit à quiconque croit en Allah et au Jour dernier de répandre le sang dans cette ville ou d’y couper un arbre. Cela n’était permis à personne avant moi et ce ne sera permis à personne après moi.» Puis, il retourna à Médine.[39] LES RÉPERCUSSIONS DE LA CONQUÊTE DE LA MECQUE La conquête de la Mecque eut de nombreuses répercussions sur les Arabes. Considérée comme une grande victoire, elle venait confirmer de façon claire que l’islam était une religion véridique, et elle servit, plus tard, à paver le chemin pour la propagation de l’islam dans l’Arabie tout entière. Des membres de tribus éloignées du désert commencèrent à venir en groupes à Médine ou à envoyer des délégations afin d’en savoir plus sur l’islam. Certaines tribus avaient signé, avant la conquête, des traités avec Qouraish, qui les obligeaient à garder leurs distances par rapport aux musulmans. Mais avec la nouvelle soumission de Qouraish à Allah et à Son Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), ces considérations disparurent. Il y avait également quelques tribus qui, ayant encore à la mémoire la destruction d’Abraha, croyaient fermement qu’aucun tyran ne pouvait prendre possession de la Mecque; elles préférèrent donc attendre la conclusion de la dispute entre les musulmans et Qouraish. En fait, certaines avaient même résolu de laisser le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) tranquille et de l’accepter comme messager d’Allah si jamais il parvenait à l’emporter sur sa propre tribu.[40] Lorsque Allah soutint Son Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) et lui accorda la victoire sur la Mecque – ce qui eut pour effet d’inciter Qouraish à lui rendre obéissance, de façon volontaire ou non – la quasi-totalité de l’Arabie se soumit à l’islam. Et cela se fit avec une rapidité sans précédent dans un pays qui avait depuis toujours été connu pour ses désordres et son indiscipline. Les Bédouins de tous clans et de toutes tribus affluèrent à Médine pour présenter leurs respects au Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) et pour prononcer devant lui la profession de foi. C’est durant cette période qu’Allah révéla la sourah an-Nasr[41], dont sont tirés ces versets: «Lorsque vient le secours d’Allah ainsi que la victoire, et que tu vois les gens entrer en foule dans la religion d’Allah…» (Coran, 110:1-2) LE JEUNE ADMINISTRATEUR Avant de quitter la ville, le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) désigna ‘Attab bin Ousayd pour veiller au bien-être des pèlerins et pour s’occuper d’autres affaires de la Mecque.[42] À ce moment-là, ‘Attab n’avait que vingt ans. Il y avait plusieurs autres personnes, à la Mecque, qui étaient plus expérimentées et plus connues que ‘Attab, mais ce choix démontrait que le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) ne confiait de responsabilités à une personne que sur la base de son mérite et de ses capacités. D’ailleurs, ‘Attab s’avéra être un excellent choix puisqu’il occupa les mêmes fonctions jusqu’à la fin du califat d’Abou Bakr.[43] [1] Ibn Hisham, vol. II, p. 390. [2] Zad al-Ma’ad, vol. I, p. 419 et Ibn Hisham , vol. II, p. 390. [3] Zirqari rapporte, dans Sharh al-Ladounniyah (vol. II, p. 349), que Ibn ‘Ayidh a ditque l’homme envoyé par le Prophète était Damra, et que c’est Qartah bin ‘Amr qui lui a répondu au nom de Qouraish. [4] Zad al-Ma’ad, vol. p. 420; Ibn Hisham, vol. II, pp. 395-6. [5] Ibn Hisham, vol. pp. 396-7. [6] Zad al-Ma’ad, vol. p. 421, Ibn Hisham, vol. II, p. 397. [7] Un endroit situé entre la Mecque et Médine. [8] Hatib bin Abi Balta’a appartenait à la tribu de Lakhm, installée dans la partie nord du Hijaz et en Syrie. On rapporte qu’il était un confédéré de Bani Asad bin Abdoul oul-‘Ouzza, à la Mecque. D’autres affirment qu’il était sous la protection de Zoubayr. Enfin, certains affirment qu’il était un ancien esclave libéré par Abdallah bin Hamid al-Assadi (Al-Isabah fi Tamiz is-Sahabah, vol. p. 300). On rapporte également à son sujet que c’est lui que le Prophète avait envoyé remettre sa lettre à Mouqauqis, gouverneur d’Égypte. Marzbani a ajouté son nom à la liste des poètes et cavaliers éminents de Qouraish dans M’oujam-ous-Shou’ara. Il mourut, selon Madani, en 30 de l’hégire, durant le califat de ‘Outhman. [9] Zad al-Ma’ad, vol. I, p. 421. [10] À ne pas confondre avec Abou Soufyan, le chef qouraishite, qui était le fils de Omayyah. [11] Coran, 12 : 91 [12] Coran, 12 : 92 [13] Ibn Hisham, vol. II, p. 403: Zad al-Ma’ad, vol. p. 422. [14] Ibn Hisham, vol. II, p. 409. [15] Ibid [16] Ibn Hisham, vol. I, p. 404; Zad al-Ma’ad, vol. I, p. 423. [17] Cette victoire est rapportée dans la 48e sourah du Coran, intitulée «la victoire éclatante». [18] Ibn Kathir, vol. III, p. 554. Boukhari a dit également que Mou’awiya bin Qarra a rapporté avoir vu le Prophète, au jour de la conquête de la Mecque, réciter la Fatiha à voix haute tandis qu’il était sur son chameau. [19] Boukhari, Kitab-oul-Moughazi, chapitre intitulé «le pèlerinage d’adieu». [20] Ibn Amwi a raconté cette histoire dans Mghazi (voir Fath-oul-Bari, vol. VIII, p. 7). Boukhari a aussi relaté l’incident, avec quelques variations dans le dialogue de Sa’ad et du Prophète. Le nom complet de Ibn Amwi est Yahya bin Sa’id bin Aban, qui est considéré comme un narrateur fiable et qui était connu sous le surnom de «véridique». Il mourut en 594 de l’hégire. [21] Zad al-Ma’ad, vol. p. 423. [22] Zad al-Ma’ad, vol. pp. 407-8. [23] Zad al-Ma’ad, vol. I, p. 424; Ibn Hisham, vol. II, p. 424. [24] Zad al-Ma’ad, vol. I, p. 424; Ibn Hisham, vol. II, p. 411. [25] Zad al-Ma’ad, vol. I, p. 425, et aussi dans Boukhari. [26] Zad al-Ma’ad, vol. I, p. 425, et aussi dans Boukhari et Ibn Sa’d. [27] Zad al-Ma’ad, vol. I, p. 424. [28] Le prophète Joseph. [29] Zad al-Ma’ad, vol. I, p. 424 [30] Boukhari, chapitre intitulé «le jour de la victoire»; Zad al-a’ad, vol. p. 425. [31] Boukhari et Mouslim. [32] Zad al-Ma’ad, vol. p. 25. [33] Ibn Kathir, vol. III, p. 603. [34] Ibid., vol. III, pp. 602-3. [35] Ibn Hisham, vol. II, p. 416. [36] Ibn Hisham, vol. II, p. 417; Zad al-Ma’ad, vol. I, p. 426. [37] On dit que Ahmas (qui signifie “braves”) était un nom utilisé pour désigner Qouraish, Kinana, Jadila et Qays à cause de leurs talents de cavaliers et de leur bravoure. [38] Boukhari, Ghazwah Dhoul Khalasa. [39] Zad Al-Ma’ad, vol. I, pp. 425-26. [40] Boukhari (rapporté par ‘Amr bin Salama). [41] Qui signifie «le secours». [42] Ibn Hisham, vol. II, p. 440. [43] Al Isabah et Ousad-al-Ghaba |
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