Lettres aux monarques
Le climat de paix découlant du Traité de Houdaybiyah donna un grand essor aux activités missionnaires des musulmans; elles se multiplièrent jour après jour. L’islam se répandit très rapidement et plusieurs signes laissaient déjà entrevoir qu’il allait occuper une place des plus importantes dans le monde. Le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) envoya plusieurs lettres à différents monarques à l’extérieur d’Arabie, ainsi qu’à des chefs tribaux[1] du pays, les invitant tous à embrasser l’islam. Non seulement les lettres furent-elles rédigées de façon très judicieuse par le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), mais ce dernier mit également un soin particulier à choisir ses envoyés, prenant en considération la position et la personnalité des différents potentats. Les envoyés connaissaient bien les langues parlées dans les pays où on les déléguait, de même que la situation politique de ces derniers.[2] Lorsque le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) exprima son désir d’envoyer des lettres aux rois des Arabes et des non-Arabes, ses compagnons lui conseillèrent d’apposer son sceau sur les lettres, car à l’époque, les lettres ne portant pas de sceau n’étaient pas reconnues par les rois. Le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) suivit leur conseil et fit frapper un sceau en argent sur lequel était gravé : « Mohammed, le Messager d’Allah. ».[3] LES LETTRES DU PROPHÈTE Parmi les nombreuses lettres envoyées par le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), celles qu’il écrivit à Héraclius, empereur de Byzance, à Chosroes II, empereur d’Iran, à Négus, roi d’Abyssinie, et à Muqauqis, gouverneur d’Égypte furent d’une portée remarquable. Dihya bin Khalifa al-Kalbi, qui avait été chargé de remettre la lettre à Héraclius, la fit parvenir à l’empereur par l’intermédiaire du gouverneur de Bousra. Dans cette lettre, le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) avait écrit ce qui suit: Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux. Cette lettre a été écrite par Mohammed, le serviteur et Messager de Dieu, à Héraclius, roi de Rome. Bénis soient ceux qui suivent la voie de la révélation. Après ce préambule, je vous invite à l’islam. Embrassez l’islam afin de trouver la paix et Dieu vous donnera une double récompense. Si vous le rejetez, vous porterez sur vos épaules le fardeau des péchés de vos sujets et de vos fidèles. Ô gens du Livre ! Venez à une parole commune entre nous et vous, c’est-à-dire de ne servir nul autre qu’Allah, de ne point lui attribuer d’associés et de ne prendre personne d’autre comme seigneur en dehors de Lui. Mais si vous vous détournez, nous disons : « Soyez témoins que nous, nous sommes soumis ».[4] La lettre envoyée à Chosroes II se lisait comme suit : Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux. De Mohammed, Messager de Dieu, à Kisra, grand roi de Perse. Que la paix soit sur ceux qui suivent la voie de la révélation, qui croient en Allah et en Son Messager, qui attestent qu’il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah et que je suis le Messager d’Allah, envoyé à l’humanité tout entière afin que chaque homme vivant soit averti qu’il doit respect et adoration à Allah. Embrassez l’islam afin de trouver la paix; sinon, vous porterez le fardeau des péchés des Mages.[5] Dans sa lettre[6] adressée à Négus, le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) avait écrit : Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux. De Mohammed, le Messager d’Allah, à Négus, grand roi d’Abyssinie. Que la paix soit sur ceux qui suivent la voie de la révélation. Gloire à Allah en dehors de qui il n’y a pas d’autre dieu, le Souverain, le Pur, l’Apaisant, le Rassurant, le Prédominant. J’atteste que Jésus, fils de Marie, est l’Esprit de Dieu et Son Verbe, qu’Il a envoyé à Marie, la Vierge, la bonne, la pure, de façon à ce qu’elle donne naissance à Jésus. Dieu l’a créé de Son Esprit et de Son souffle comme Il a créé Adam de Sa main et de Son souffle. Je vous invite à adorer Dieu, l’Unique qui n’a point d’associés et à Lui obéir, ainsi qu’à suivre ma voie et à croire en ce qui m’a été révélé, car je suis le Messager de Dieu. Je vous invite, ainsi que vos hommes, à adorer le Seigneur. J’ai accompli ma tâche: je vous ai averti. Suivez donc mon conseil. Que la paix soit sur ceux qui suivent la voie de la révélation.[7] La lettre[8] envoyée à Muqauqis, gouverneur des Coptes d’Égypte, se lisait comme suit : Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux. De Mohammed, le Messager d’Allah, à Muqauqis, gouverneur des Coptes. Que la paix soit sur celui qui suit la voie de la révélation. Je vous invite à l’islam afin que vous trouviez la paix. Si vous répondez à cette invitation, Dieu vous accordera double récompense. Si vous la rejetez, alors vous porterez le fardeau des péchés de vos sujets. Ô gens du Livre ! Venez à une parole commune entre nous et vous, c’est-à-dire de ne servir nul autre qu’Allah, de ne point lui attribuer d’associés et de ne prendre personne d’autre comme seigneur en dehors de Lui. Mais si vous vous détournez, nous disons : « Soyez témoins que nous, nous sommes soumis ».[9] QUI ÉTAIENT CES ROIS? Nous ne pouvons estimer à leur juste valeur la signification et la portée du pas mémorable franchi par le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) à moins de savoir qui étaient Héraclius, Chosroes II, Négus et Muqauqis, ainsi que l’étendue de leur royaume, de leur prestige et de leur pouvoir dans le monde du septième siècle de notre ère. Quiconque n’est pas familier avec l’histoire politique de cette époque pourrait les prendre pour de simples suzerains locaux, comme on en trouve communément dans chaque pays. Mais celui qui connaît bien la carte politique du septième siècle, ainsi que le pouvoir et la magnificence des ambitieux monarques qui se partageaient le monde à cette époque ne pourra parvenir qu’à une seule conclusion : que seul un homme chargé d’une mission par Allah Lui-même pouvait oser mander à ces autocrates de croire en sa mission. Un tel homme devait être dépourvu de tout doute quant au caractère véridique de sa tâche sacrée, et dépourvu du moindre atome de crainte dans son cœur. Il devait posséder une conviction si inébranlable en la gloire et la majesté d’Allah que le plus fier des souverains ne pouvait guère représenter, pour lui, qu’une insignifiante marionnette. C’est pour ces raisons qu’il vaudrait la peine, ici, de donner un aperçu de la personnalité et de la vie de ces monarques à qui le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) avait envoyé ses lettres. Héraclius : L’empire byzantin, qui s’était donné le titre de « Nouvelle Rome », jouissait, depuis plusieurs siècles et en parallèle avec son équivalent iranien, d’un contrôle quasi total sur le monde civilisé. Ses empereurs gouvernaient en succession directe sur de vastes et populeux territoires d’Europe, d’Asie et d’Afrique.[10] L’empire était immensément riche, tandis que ses armées et sa marine militaire pouvaient s’enorgueillir d’exploits hors du commun. Issu d’une famille grecque, Héraclius était né à Cappadoce mais avait grandi à Carthage, où son père était gouverneur d’Afrique. Au cours de sa jeunesse, rien ne laissait présager le génie, chez lui, ni la soif de pouvoir ni les qualités de leadership. Lorsque Phocus assassina l’empereur byzantin Maurice, en 602, et prit possession du trône, cela fournit un bon prétexte aux Chosroes de Perse pour « venger » l’empereur, qui avait été leur bienfaiteur; ils attaquèrent donc Byzance. L’empire byzantin essuya de lourdes pertes lorsque les Perses prirent Antioche, Damas et Jérusalem. Et ces derniers, pour marquer leur triomphe, s’enfuirent avec la Vraie Croix. Peu de temps après, ils envahirent Alexandrie, et l’Égypte tomba à son tour sous leur emprise. Aux témoins de l’époque, toutes ces victoires perses semblaient indiquer la fin du grand empire romain d’orient.[11] C’est à ce moment que les ministres byzantins demandèrent au gouverneur d’Afrique d’envoyer son fils à Constantinople. Héraclius fut couronné en 610, au moment où la population de l’empire, affligée par la famine et la peste, ne trouvait plus la force de résister et désespérait de jamais arriver à repousser l’ennemi qui assiégeait la capitale. Héraclius passa les premières années de son règne à implorer la clémence des Perses et à solliciter la paix. Mais en 621, il fut soudainement tiré de son inertie; c’était l’année au cours de laquelle le Coran prédisait la victoire romaine, une victoire jugée inimaginable[12] compte tenu de la situation qui prévalait alors. Du jour au lendemain, déployant le courage d’un véritable héros, Héraclius délaissa sa tenue d’apparat pour des vêtements plus humbles de guerrier; il venait de décider qu’il allait devenir le libérateur de la chrétienté et qu’il allait redonner à l’empire romain d’orient sa splendeur d’autrefois. Il lança une puissante contre-offensive et, défaisant les Perses sur leur propre territoire, il saisit la capitale de l’empire iranien. Triomphant lors de ses campagnes suivantes, Héraclius vengea l’honneur de Byzance, défit les armées et ternit la gloire de l’empire iranien au point où ce dernier sembla presque toucher à sa fin. Héraclius retourna à Constantinople en 625 et, en 629, il entra, victorieux, à Jérusalem afin de ramener la Vraie Croix au saint sépulcre. Sous un tonnerre d’applaudissements et les larmes aux yeux, le peuple vint l’accueillir, lui le vainqueur, étalant des tapis sous ses pieds et parsemant son chemin d’herbes aromatiques. Le glorieux événement fut célébré bruyamment par la foule en liesse.[13] C’est au cours de ces heures de triomphe, à Jérusalem, que Héraclius reçut la lettre du Messager d’Allah (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui).[14] À ce moment-là, il semblait avoir déjà épuisé toute son énergie. Il était rapidement redevenu « esclave de la paresse, des plaisirs et des superstitions, le spectateur passif des calamités frappant le peuple »[15], comme il l’avait été au départ. Il demeura dans cet état jusqu’au moment où la « nouvelle religion », l’islam, se mette à gagner rapidement du terrain, jusqu’à ces mêmes provinces qu’il venait de reprendre aux Perses. Les frontières de l’empire byzantin se rétrécirent à nouveau, allant de l’Asie Mineure aux régions côtières de Méditerranée en Europe. L’œuvre d’Héraclius resta inachevée. Il laissa cependant sa marque en tant qu’empereur extraordinaire, mais aussi comme l’un des empereurs les plus inconsistants qu’eût connu l’empire byzantin. Ses exploits et ses audacieuses campagnes furent grandioses. Dans la grandeur de ses royaumes, l’importance de ses richesses et ses exploits militaires, il ne se comparait qu’à Chosroes II, empereur de Perse. Héraclius mourut à Constantinople en 641, et y fut enterré. Chosroes II : Connu sous le nom de Kisra Parvez chez les Arabes, il était le quatrième fils de Hormouz et le petit-fils de Chosroes I, Anoushirvan le Juste. Le meurtre de Hormouz, en 590, fut suivi du couronnement de Chosroes II. Mais ce dernier, après avoir subi une défaite aux mains d’un chef rebelle nommé Bahram fut forcé de solliciter la protection de Maurice, qui était alors empereur de Byzance. Maurice assista le prince fugitif d’une puissante armée, qui lui rendit son royaume après deux batailles acharnées sur les rives de la rivière Zab et aux frontières de Mada’in. Tandis que la majesté de l’empereur persan était rétablie, Maurice était assassiné par Phocas, son fils adoptif, qui aspirait au trône. Chosroes II décida de venger sa mort et envahi les royaumes de Byzance en 604. Il poursuivit son invasion jusqu’à Constantinople et ce, même après la mort de Phocas. Enivré par son succès, il s’empara de toutes les provinces byzantines, de la Syrie, de l’Égypte et de l’Asie Mineure. En 616, Chosroes II avait atteint le sommet de sa victorieuse campagne; c’est alors qu’il annonça la dissolution imminente de l’empire byzantin. Mais ses exigences insolentes finirent par faire sortir Héraclius de sa torpeur; il mit les Iraniens en déroute et pénétra au cœur même de la Perse. Chosroes II se vit dans l’obligation de quitter son pays et de chercher refuge dans une contrée éloignée. C’est ainsi que la guerre entre les deux empires prit fin en 628. Chosroes II fut, de l’avis unanime des historiens, le plus grand empereur d’Iran. Du côté est, son royaume s’étendait jusqu’à la partie nord-ouest de l’Inde.[16] Durant son règne, la splendeur et la magnificence de sa cour dépassaient les limites de l’imaginaire. L’Iran, à cette époque, surpassait tous les autres pays du monde en matière de luxe, et l’habileté extraordinaire de ses artisans était sans pareille. Sur les réalisations de Chosroes II, l’illustre historien arabe Tabari écrit : D’une étoffe plus sévère, il fut le plus prudent et le plus prévoyant empereur de Perse. Les actes de bravoure, les exploits, les victoires, l’abondance de richesses, les circonstances favorables et les coups de chance se sont accumulés comme jamais au cours de son règne. C’est pour ces raisons qu’il devint connu sous le nom de Parvez, qui signifie « victorieux » en arabe.[17] Dans les domaines des arts et de la gastronomie, l’Iran occupait une place d’avant-garde.[18] Dans la parfumerie, cette nation avait atteint la perfection. Le peuple avait développé un goût pour la bonne chère, les spiritueux et les parfums raffinés, et leur amour de la musique avait pris des proportions démesurées. Chosroes II aimait tellement amasser les richesses et collectionner les objets d’art que lorsque ses trésors furent transférés dans un nouveau bâtiment à Ctésiphon, en 607-8, il consistait en 468 Mithqals d’or évalués à 375 millions souverains (anciennes pièces d’or qui valaient 20 shillings). Au cours de la treizième année de son règne, Chosroes II possédait 830 millions de Mithqals d’or. Le règne de Chosroes II dura 37 ans, après quoi son fils Sherveh prit la relève. Muqauqis: Il était le Préfet, de même que le Patriarche d’Alexandrie, et tenait le rôle de gouverneur d’Égypte au nom de l’empereur byzantin. Lorsqu’ils parlent de lui, les historiens arabes le nomment habituellement par son titre, « Muqauqis », mais ils n’arrivent pas à s’entendre sur sa véritable identité. Au douzième siècle, Abou Hijrah avait établi son identité comme étant Jouraid bin Mina al-Muqauqis (George, fils de Mina). Ibn Khaldoun, quant à lui, affirme que ce Muqauqis était un copte, tandis que pour al-Maqrizi, c’était plutôt un Romain. Lorsque les Perses conquirent l’Égypte, en 616, le préfet et patriarche byzantin était Jean l’Aumônier, qui avait fui l’Égypte pour l’île de Chypre, où il mourut. George fut nommé à sa place en tant qu’archevêque de l’Église merkite, poste qu’il occupa de 621 jusqu’à sa mort, en 630. Les historiens arabes le connaissent sous le nom de Jouraij et confirment sa nomination en 621. Alfred J. Butler croit que les historiens arabes parlent tous, en fait, d’une personne dont le titre est Muqauqis, nommée par l’empereur byzantin Héraclius après qu’il eût reprit l’Égypte aux Perses, et qui était à la fois son patriarche et son gouverneur. Ils sont donc arrivés à la conclusion que George était bel et bien Muqauqis. Mais il ajoute que Muqauqis n’était qu’un titre que l’on avait donné au patriarche, car il était également attribué au gouverneur dans les anciens manuscrits coptes.[19] Il est aussi possible que des patriarches coptes se soient approprié les pouvoirs ecclésiastique et politique après la conquête de l’Égypte par les Perses. Cependant, comme le traité de paix entre les Romains et les Perses fut signé en 628, la lettre du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) fut fort probablement reçue par le Patriarche d’Égypte au moment où celui-ci était plutôt indépendant. C’est pour cette raison, semble-t-il, que le Messager d’Allah (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) s’est adressé à lui en tant que chef des Coptes. À cette époque, l’Égypte était le royaume le plus fertile de l’empire byzantin, surpassant de loin les autres provinces quant à sa population et à ses ressources. C’était également le grenier de la capitale byzantine. Lorsque, quatorze ans après que le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) eût envoyé sa lettre à Muqauqis, ‘Amr bin al-‘As entra en Égypte à la tête de l’armée musulmane victorieuse, il écrivit ce qui suit au calife d’alors, ‘Omar bin al-Khattab : « Ce pays est incroyablement fertile et verdoyant. Sa longueur correspond à un voyage d’un mois et sa largeur, à un voyage d’environ dix jours. »[20] Un recensement d’Égypte fait par ‘Amr bin al-‘As en l’an 640 établit le nombre d’habitants à plus de six millions[21], dont cent mille étaient Romains. ‘Amr bin al-‘As écrivit également au calife : « J’ai conquis une ville qui contient 4000 palais, 4000 bains, 40000 juifs et 400 théâtres destinés à distraire les nobles. »[22] Négus: L’Éthiopie est un très ancien pays situé à l’est de l’Afrique et qui longe la Mer Rouge. On le nommait autrefois Abyssinie et ses frontières, telles qu’elles existaient au septième siècle, sont difficiles à définir aujourd’hui. Le royaume d’Abyssinie était l’un des plus vieux au monde. Des sources juives indiquent que la reine Sheba était abyssinienne et que sa progéniture, qu’elle eut de Salomon, gouverna le pays. Les juifs commencèrent à émigrer en Abyssinie à partir du sixième siècle avant J.-C., après la destruction du temple de Salomon. Mais à partir du quatrième siècle, la chrétienté y devint la principale religion. Lorsque le monarque juif du Yémen se mit à persécuter les chrétiens de son pays, l’empereur Justin 1er écrivit à Négus d’Abyssinie pour solliciter son aide.[23] Négus accepta et envoya une armée qui s’empara du Yémen en 525, lequel demeura sous la domination de l’Abyssinie environ cinquante années durant. Abraha était le vice-roi d’Abyssinie au Yémen; c’est lui qui, avec son armée, avait tenté de détruire la Maison d’Allah, à la Mecque, et avait laissé dans les mémoires la fameuse « année de l’éléphant ». La capitale d’Abyssinie se trouvait à Axoum. Étant un état souverain, l’Abyssinie n’était ni dépendante ni tributaire d’aucune puissance étrangère. Bien sûr, en tant que pays chrétien, elle entretenait des relations cordiales avec Byzance, qui était considérée, à cette époque, comme la protectrice de la chrétienté. Le fait que l’empereur Justin ait envoyé son ambassadeur, nommé Julien, à Axoum démontre qu’il respectait l’indépendance de l’Abyssinie.[24] De Lacy O’Leary écrit, dans Arabia before Muhammad, que « de 522 jusqu’à la montée de l’islam, les Abyssiniens contrôlaient le côté sud de la Mer Rouge, tout comme le commerce avec l’Afrique, et peut-être aussi celui avec l’Inde. »[25] Le titre officiel du roi d’Abyssinie était Nagousa Nagasht (ou « Roi des Rois d’Éthiopie »).[26] Mais le nom du roi à qui le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) envoya sa lettre l’invitant à l’islam a été mentionné de diverses façons par différentes sources. Ce qui fait que nous avons finalement affaire à deux rois d’Abyssinie, ici. L’un d’eux est le roi au cours du règne duquel certains musulmans émigrèrent de la Mecque en Abyssinie sous le leadership de Ja’afar bin Abi Talib, pendant la cinquième année de la mission de Mohammed (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui). Mais il est très improbable que le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) ait écrit à Négus à ce moment-là. La situation dans laquelle il se trouvait à la Mecque ne lui était pas assez favorable pour qu’il décidât d’écrire une telle lettre à quelque roi que ce fût. Et de toute façon, non seulement le moment n’était point approprié pour inviter un roi d’une contrée étrangère à embrasser l’islam, mais selon les sources de la Sounnah, il n’a jamais envoyé une telle lettre à cette époque de sa mission. Tout ce que nous rapportent les ahadith, c’est que le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) a demandé à un certain Négus de protéger les musulmans qui allaient se réfugier dans son pays parce qu’ils étaient sévèrement persécutés et torturés par Qouraish. Quant au Négus à qui le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) a envoyé sa lettre d’invitation à l’islam, il s’agissait, selon Ibn Kathir, du roi qui avait succédé à celui qui avait offert l’asile à Ja’afar bin Abi Talib. Ibn Kathir maintient que la lettre d’invitation à l’islam a été écrite à ce deuxième Négus avant la conquête de la Mecque par les musulmans. Il semble qu’il ait raison, car ce Négus avait en effet accepté l’islam et lorsque le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) apprit sa mort, il en informa les musulmans et ils prièrent tous pour son salut. Waqidi et d’autres biographes du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) affirment que ce dernier a prié pour Négus après son retour de Tabouk, au mois de Rajab de l’an 9 de l’hégire.[27] Les circonstances de l’événement suggèrent que Waqidi a raison sur ce point, ainsi que sur la date mentionnée. LA RÉACTION DES MONARQUES Héraclius, Négus et Muqauqis reçurent les lettres du Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) et y répondirent avec beaucoup de respect. Négus et Muqauqis traitèrent les envoyés avec une grande considération et Muqauqis fit même parvenir des présents au Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), dont deux femmes esclaves; l’une d’elles était Maria, qui donna au Messager son fils Ibrahim. Chosroes II, de son côté, fut rempli d’indignation : il déchira la lettre en disant : « Mon esclave ose m’écrire, maintenant! ». Lorsque l’on rapporta ces paroles au Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), il répondit : « Malgré tout, Allah réduira son royaume en pièces. »[28] Chosroes II écrivit à Badhan, son gouverneur au Yémen, afin que ce dernier lui envoie le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) à Ctesiphon. Badhan envoya au Prophète un délégué, Babwayh, afin de lui dire que Chosroes II lui avait écrit et qu’il était venu le prendre pour l’amener devant le roi. Mais lorsqu’il arriva à Médine, le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) lui dit : « Allah a donné à Sherveh autorité sur son père et il vient de tuer Chosroes II. ». La prophétie du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) était véridique. Le fils de Chosroes, Qoubaz, venait en effet de détrôner son père et de prendre sa place sous le nom de Sherveh. Chosroes II fut assassiné en mars 628 et avec sa mort prit fin la gloire des Sassanides, qui avait duré quatre siècles. Sherveh ne jouit que six mois des fruits de son crime puis, dans les quatre années suivantes, le titre de royauté fut transféré à plus de dix souverains, les uns après les autres, jusqu’à ce que la monarchie, épuisée, soit assumée par Yazdagird III. Il fut le dernier empereur perse, car il dut bientôt fuir pour sa vie devant la progression des forces musulmanes. Et c’est ainsi que se réalisa la prophétie du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), huit ans après qu’il l’eût prononcée.[29] Il avait également dit : « Il n’y aura plus de Chosroes après la mort de celui-ci. ». [30] En l’espace de quelques années à peine, l’Iran tout entier tomba aux mains des musulmans. La majorité de la population adopta l’islam et bientôt naquirent en Iran des hommes possédant une intelligence si vive, qu’ils confirmèrent une remarque que le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) avait déjà faite : « Si la religion se trouvait dans la Pléiade, certains des fils de la Perse l’auraient certainement trouvée".[31] HÉRACLIUS ET ABOU SOUFYAN Héraclius décida de s’assurer par lui-même du contenu de la lettre du Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui). Il ordonna que l’on trouve un homme d’Arabie qui pût le renseigner sur ce prophète. Abou Soufyan, qui se trouvait là en voyage d’affaires, fut convoqué devant l’empereur. À ce moment-là, il n’avait pas encore embrassé l’islam. Les questions que lui posa Héraclius démontraient une connaissance approfondie des écritures et des enseignements des prophètes du passé; il savait comment et quand Allah les envoyait et la façon dont ils étaient habituellement traités par leur peuple. Abou Soufyan se comporta comme un véritable Arabe : il considérait indigne de dire à l’empereur autre chose que la vérité. La conversation entre Héraclius et Abou Soufyan est suffisamment intéressante pour que nous prenions la peine de la reproduire ici. Héraclius : Parle-moi de sa descendance. Abou Soufyan : Il provient de la meilleure lignée. Héraclius : Est-ce qu’un autre homme de sa famille, avant lui, a fait les mêmes déclarations que lui? Abou Soufyan : Non. Héraclius : Y a-t-il eu des rois dans sa famille? Abou Soufyan : Non. Héraclius : Qui a décidé de le suivre? Est-ce que ce sont les pauvres et les faibles, ou alors les nobles? Abou Soufyan : Ce ne sont que les pauvres et les faibles. Héraclius : Est-ce que le nombre de ses fidèles augmente ou diminue? Abou Soufyan : Le nombre de ses fidèles augmente. Héraclius : Est-ce que ceux qui embrassent sa religion finissent par le mépriser et le quitter? Abou Soufyan : Non. Héraclius : L’avez-vous jamais entendu mentir avant qu’il se déclare prophète? Abou Soufyan : Non. Héraclius : A-t-il jamais manqué à sa parole? Abou Soufyan : Jamais jusqu’ici, mais nous verrons ce qu’il en sera dans le futur. Héraclius : L’avez-vous jamais combattu? Abou Soufyan : Oui. Héraclius : Quel a été le résultat? Abou Soufyan : Ils ont été variables; nous avons parfois gagné et d’autres fois, c’était lui. Héraclius : Quels sont ses enseignements? Abou Soufyan : Il dit aux gens de n’adorer qu’un seul dieu et de ne rien Lui associer. Il leur demande de prier, d’être vertueux, de ne jamais dire que la vérité et d’être bon envers les gens de leur famille. Héraclius demanda alors à l’interprète de dire à Abou Soufyan : « Je t’ai interrogé sur sa descendance et tu m’as répondu que sa lignée était la plus noble de toutes. Les prophètes descendent toujours des meilleures lignées. Je t’ai demandé si un autre homme avant lui avait fait les mêmes déclarations et tu m’as répondu par la négative. Si une autre personne de sa famille avait prétendu être prophète avant lui, j’aurais pensé qu’il l’imitait, tout simplement. Je t’ai ensuite demandé s’il y avait eu un roi dans sa famille et encore, tu m’as répondu par la négative. Si ça avait été le cas, j’aurais supposé qu’il tentait de récupérer son royaume perdu. Et je t’ai demandé s’il avait déjà été pris à mentir avant sa mission et tu m’as répondu que non. Je sais qu’il est impossible à un homme d’être véridique avec les gens, mais de mentir au sujet de Dieu. Je t’ai ensuite demandé si ses fidèles étaient surtout pauvres et faibles, ou plutôt riches et nobles; tu m’as répondu qu’ils étaient tous pauvres et humbles. Ce sont toujours les humbles et les pauvres qui suivent les prophètes au début de leur révélation. Puis je t’ai demandé si le nombre de ses fidèles augmentait ou diminuait, et tu m’as dit qu’il augmentait. La foi va toujours ainsi, augmentant de façon régulière jusqu’à ce qu’elle soit triomphante. Je t’ai demandé si des gens ayant embrassé sa religion se sont ensuite détournés de cette voie pour finir par la rejeter entièrement, et tu m’as de nouveau répondu par la négative. La foi véritable, lorsqu’elle entre dans le cœur n’en ressort jamais. Puis je t’ai demandé s’il avait jamais manqué à sa parole et tu m’as dit que non. Les prophètes ne manquent jamais à leurs promesses. Enfin, je t’ai interrogé au sujet de ses enseignements et tu m’as dit qu’il ordonne aux gens de n’adorer qu’un dieu, de ne rien Lui associer, de laisser tomber les idoles, de ne dire que la vérité, d’être vertueux et de prier leur Seigneur. Si tu m’as dit la vérité à son sujet, il va conquérir la terre qui se trouve sous mes pieds. Je savais qu’un prophète était sur le point de nous être envoyé, mais jamais je n’aurais cru qu’il viendrait d’Arabie. Si cela m’était possible, j’irais lui rendre visite; et si j’étais près de lui, je lui laverais les pieds. » Héraclius convoqua tous ses chefs et courtisans et lorsqu’ils furent tous là, fit fermer toutes les portes de la pièce où ils se trouvaient. Se tournant vers eux, il dit : « Chefs de Rome! Si vous voulez être guidés et en sécurité afin que votre royaume demeure fermement établi, alors suivez le prophète d’Arabie. » En entendant cela, ils se ruèrent tous vers les portes pour se sauver, mais les trouvèrent fermées. Lorsque Héraclius les vit se fâcher et protester, il désespéra de leur conversion. Il leur dit alors : « Je ne vous ai dit cela que pour tester votre fidélité et votre foi; je suis maintenant satisfait de votre détermination et de votre dévotion. » Les courtisans baissèrent la tête, enchantés de l’entendre parler ainsi. Héraclius perdit cette occasion en or, car il préféra son royaume à la vérité et à la félicité éternelle. Et comme conséquence, il perdit même son royaume quelques années plus tard, au cours du califat de ‘Omar. QUI ÉTAIENT LES ARISSINES? Qui étaient les Arissines? Araisiyanes ou Arissines est un terme utilisé par le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) dans sa lettre à Héraclius. Aucune autre lettre écrite à aucun autre roi Arabe ou non-Arabe ne contenait ce mot dont la signification est contestée par les savants du hadith et les lexicographes. Selon certains, il s’agit du pluriel de Arissi, qui signifie « serviteurs » et « paysans ».[32] Ibn Manzoor, dans Lisan-ul-Arab, croit qu’il s’agit plutôt d’un synonyme de « cultivateur » et cite Th’alab comme source. Il mentionne également une citation de Abou ‘Oubayda pour démontrer que le mot signifie aussi « le chef ou l’aîné à qui l’on obéit et dont les ordres sont exécutés ».[33] Mais si le terme signifie « paysan », il aurait dû être employé pour désigner les sujets de Chosroes plutôt que ceux de l’empire byzantin. Les cultivateurs étaient bien plus nombreux dans l’empire persan, où l’agriculture était la première source de revenus. Ibn Manzoor cite Azhari, qui dit : « Les gens d’Irak qui suivaient la religion de Chosroes étaient des paysans et des campagnards. Les Romains étaient des artisans et c’est pourquoi ils avaient donné aux Perses le surnom de « Arissines », ce qui signifiait « paysans ». Les Arabes appelaient aussi les Perses « fallahines », ou « paysans ».[34] Le terme Arissines a également été utilisé pour désigner les Ariens (ou fidèles d’Arius – 280-336). Arius était le fondateur d’une secte chrétienne bien connue. La doctrine d’Arius, qui faillit à plusieurs reprises être retenue comme le credo officiel de l’empire, mais qui fut finalement écartée, soutenait l’Unité de Dieu et rejetait l’idée que le Fils et le Père partagent la même substance. En d’autres termes, l’arianisme maintenait une distinction totale entre le Créateur et Sa création, insistant sur le caractère inférieur de cette dernière. Arius soutenait que les caractéristiques du Seul et Unique Dieu étaient la solitude et l’éternité, ainsi que le fait qu’Il n’apporte rien, sur la terre, qui provienne de Sa propre substance. Dieu a créé une substance indépendante, à partir de laquelle Il crée toute chose. Et le Fils n’est pas vraiment Dieu, mais seulement le soi-disant Verbe et la Sagesse. Comme tous les êtres rationnels, le Fils jouit du libre arbitre. Il n’est pas absolu, mais seulement relatif ; il est la connaissance du père.[35] Dans son ouvrage intitulé From Christ to Constantine, James MacKinon écrit : Arius insistait sur son idée que Dieu est primordial, éternel et infini et que nul ne partage Sa substance. C’est Lui qui a créé le Fils et par conséquent, le Fils n’est pas éternel. Dieu n’a pas toujours été père; il y eut un temps où le Fils n’existait pas. Le Fils est donc fait d’une substance indépendante, que ne partage pas Dieu, car le Fils est susceptible de changer et de subir des modifications. Il ne peut donc être appelé « dieu », bien que son être jouisse d’une certaine perfection. De toute façon, c’est un être parfait.[36] L’Église d’Alexandrie avait, dès le quatrième siècle, adopté l’opinion voulant que le Père et le Fils soient de natures identiques et que le Fils soit égal au Père tout en étant indépendant de Lui et contemporain à Lui. Arius, le prêtre du district de Baucalis, contesta cette façon de voir et fut condamné, par un synode local, qui s’était rassemblé à Alexandrie en 321. Arius quitta Alexandrie, mais la dispute se poursuivit entre lui et l’évêque Alexandre. Après s’être abstenu d’intervenir et avoir exhorté les évêques à cesser d’en discuter, Constantin comprit qu’il devait lui-même régler le problème; mais malgré toutes ses tentatives, il échoua. Il convoqua, en 325, le premier conseil de l’Église, un conseil oecuménique, qui eut lieu à Nicaea et qui accueillit 2030 évêques. Constantin croyait personnellement en la divinité du Christ, Fils de Dieu, et il prononça sa décision en ce sens en dépit du fait qu’une grande majorité des évêques présents préféraient la doctrine d’Arius. Seuls 326 évêques votèrent en faveur de la proposition du roi. Arius fut exilé à Illyricum (actuels Balkans), ses écrits furent brûlés et les posséder devint un crime. [37] Dans son ouvrage intitulé History of the Conflict between Religion and Science, John William Draper affirme qu’au quatrième siècle seulement, il y eut treize conseils opposés à Arius, quinze en sa faveur, et dix-sept indécis – quarante-cinq en tout.[38] En fait, la croyance en la trinité n’est pas apparue dans la chrétienté et dans sa profession de foi avant la fin du quatrième siècle. Le « mystère » de la trinité fut réellement éclairci au cours de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, lorsque des théologiens finirent par reconnaître que « c’est seulement dans le dernier quart du quatrième siècle que ce que l’on peut appeler le dogme définitif de la trinité (un Dieu composé de trois personnes ), est devenu partie intégrante de la vie chrétienne. »[39] Le dogme trinitaire de Nicene a violé les enseignements de Jésus. Pendant longtemps, les deux croyances se sont opposées, chacune rivalisant pour gagner le cœur et l’esprit des fidèles. Un grand nombre de chrétiens, surtout dans les régions orientales de l’empire byzantin, continuèrent de croire à la doctrine d’Arius et ce, jusqu’à ce que Théosode le Grand (346-395) convoque un autre conseil d’évêques à Constantinople, qui finit par adopter définitivement le dogme de la trinité. Dès lors, l’arianisme devint un crime capital et fut aboli sans pitié. Ceux qui y adhéraient encore devinrent clandestins, mais on retrouve des traces d’arianisme dans la chrétienté jusqu’à deux siècles après le Conseil de Nicaea. On peut donc raisonnablement conclure que le mot « Arissines », utilisé par le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) dans sa lettre à Héraclius, désignait les disciples d’Arius puisque Héraclius en faisait lui-même partie. Certains savants du passé ont également préféré cette interprétation du terme en question. Par exemple, Imam Tahawi (mort en 321 de l’hégire) a écrit, dans Moushkil al-Athar : Certains érudits affirment qu’une secte, présente parmi les courtisans d’Héraclius et dont les membres étaient connus sous le nom de Arissines, croyait au monothéisme et dans la nature créée de Jésus. Ils n’acceptaient pas ce que les chrétiens disent au sujet de la divinité du Christ. Ils se fiaient à l’Évangile et suivaient ses commandements à la lettre. Les autres chrétiens, cependant, mirent en doute leur foi. Nous pourrions nommer cette secte Araisiyan ou Arissine, tel que la nomment les savants du hadith.[40] An-Nawawi (mort en 676 de l’hégire), commentateur, entre autres, du Sahih Mouslim, était également du même avis. Et il ajoute : « Mais d’autres ont affirmé qu’il s’agissait des juifs et des chrétiens qui suivaient ‘Abdallah bin Aris. »[41] LETTRES AUX SOUVERAINS ARABES Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) a également envoyé des lettres à Moundhir bin Sawa, dirigeant de Bahrain[42], Jayfar bin al-Joulanda et ‘Abd bin al-Joulanda Azdi[43], de ‘Oman, Hawdah bin ‘Ali, de al-Yamama[44] et Harith bin Shammar al-Ghassan. Moundhir bin Sawa et les deux fils de al-Joulanda, Jayfar et ‘Abd, embrassèrent l’islam. Hawdah bin ‘Ali répondit à sa lettre; il lui écrivit qu’il accepterait l’islam à la condition qu’il lui soit permis de partager les territoires avec les musulmans. Le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) rejeta sa demande et il mourut peu de temps après. [1] Comme le rapporte Waqidi, les lettres furent envoyées durant le mois de Dhul Hijjah de la sixième année de l’hégire (i.e. l’an 627). L’une de ces lettres fut envoyée à Chosroes, empereur d’Iran, qui fut tué en mars 628. La lettre à Héraclius fut également envoyée en 627, mais ce dernier étant parti en Arménie, il dut la recevoir à son retour, en 628, au moment où il s’apprêtait à partir en pèlerinage en Palestine. (Voir Alfred J. Butler, The Arab Conquest of Egypt, p. 140). [2] Selon Ibn S’ad (Tabaqat, vol. II, p. 23) et Siyouti (Al-Khasa’is al-Koubra, vol. II, p. 11), les envoyés du Messager étaient capables de communiquer dans la langue des pays où ils étaient délégués. Ils furent envoyés dans quatre pays étrangers, i.e. Byzance, l’Égypte, l’Iran et l’Abyssinie, qui entretenaient des relations commerciales très étroites avec l’Arabie. Des caravanes commerciales circulaient régulièrement entre l’Arabie et ces pays et on rapporte même que certains citoyens de ces pays avaient décidé de s’établir en Arabie. Il n’était donc pas si difficile, pour le Prophète, de trouver des hommes parlant couramment la langue de ces peuples. [3] Boukhari, Kitab oul Jihad et Shama’il Tirmidhi. [4] Boukhari, chapitre intitulé « Comment débuta la révélation au Prophète ». [5] At-Tabari, vol. III, p. 90 [6] La lettre originale se trouve à Damas, en Syrie. (Mohammed Hamidoullah, Mohammad Rasouloullah, p. 216) [7] Tabaqat Ibn Sa’d, vol. III, p. 15. [8] La lettre originale à Muqauqis se trouve au Musée Topkapi, à Istanboul. (Mohammed Hamidoullah, Mohammad Rasouloullah, p. 216) [9] Mouwahib Ladounniyah, vol. III, pp. 247-48. [10] L’étendue de ses frontières a été décrite dans le chapitre 1, sous le sous-titre « L’empire byzantin». [11] E. Gibbon, The Decline and fall of the Roman Empire, Londres 1908, vol. V, pp. 70-72 , et Iran Ba ‘Ahd Sasanian. [12] E. Gibbon, The Decline and fall of the Roman Empire, Londres 1908, vol. V, pp. 74. Voir aussi la sourah “Les Romains”, dans le Coran. [13] Fath oul-Bari, vol.I, p. 21. [14] La lettre du Messager fut envoyée au gouverneur de Bousra, afin que ce dernier la fasse parvenir à Héraclius. Mais comme celui-ci était occupé à son retour de guerre et que Constantinople était loin du lieu où il se trouvait, la lettre ne put lui parvenir plus tôt. Il la reçut donc à Jérusalem en 629. [15] E. Gibbon, The Decline and fall of the Roman Empire, vol. V. p. 76. [16] Iran ba ‘Ahd Sasanian. [17] Tarikh Tabri, vol. II (Égypte), p. 137. [18] Ibid. p. 995 [19] A.J. Butler: The Arab Conquest of Egypt, Appendix-C, pp. 508-26. [20] Al-Najoum al-Zahira, par Ibn Tahgri Bardi, vol. I, p. 32. [21] Voir l’article intitulé “Egypt” dans l’ouvrage de Mohammad Farid Wajadi, Da’iratoul M’arif al-Qarn al-‘Ashrin. L’auteur, cependant, doute que la population fut vraiment de six millions compte tenu du nombre actuel d’habitants en Égypte et de son taux de croissance. [22] Housn-oul-Mouhadra, par Siyouti. [23] De Lacy O ‘Leary, Arabia before Muhammad, Londres, 1927, p. 119. [24] A.H M. Jones et Elizabeth Monroe, A History of Abyssinia, (Oxford, 1935), p. 32. [25] Ibid., p. 120 [26] Ibid., p. 63 [27] Sahih Mouslim, vol. V. p. 166. [28] Tabari, vol. III, pp. 90-91. [29] Voir chapitre. X, « les derniers jours de l’empire sassanide » dans le Iran ba ‘Ahd Sasainan. [30] Ibn Kathir, vol. III, p. 513 et Mouslim. [31] Mousnad Imam Ahmad, vol. II, p. 399. [32] Voir le commentaire de Nawawi sur Mouslim et Majm’a Bahar-oul Anwar, par Mohammad Tahir Patni. [33] Lisan-oul-Arab, voir “Ars”. [34] Lisan-oul-Arab, voir “Ars”. [35] Encyclopedia of Religions and Ethics, vol. I, Art. ‘Arianism’ p. 777. [36] James MacKinon, From to Constantine, Londres, 1936. [37] Encyclopedia of Religions and Ethics, art. Arianism. [38] J.W. Draper, History of Conflict between Religion and Science, Londres (1910), p. 205. [39] The New Catholic Encyclopedia (1967) art. “The Holy Trinity’, vol. 14, p. 295. [40] Moushkit-wal-Athar, vol. p. 399. [41] Nawawi, Sharah Mouslim, vol. II, p. 98. [42] Bahrain fait partie du Najd et est connu sous le nom de al-Ahsa. Le groupe qui y avait été envoyé avec Abou ‘Oubayda pour faire une incursion sur la côte y trouva une baleine échouée. La tradition désigne cet endroit sous le nom de Bahrain, mais ce nom appartient aujourd’hui à un autre endroit sur la côte du Golf Persique. Les tribus qui habitaient cette région appartenaient à Bani ‘Abd al-Qyas, Bakr bin Wall et Bani Tamim. Lorsque la lettre fut écrite, le dirigeant de cette région était Moundhir bin Sawa, chef de Bani Tamim. [43] Al-Joulanda n’était pas le nom d’une personne, mais un titre qui signifiait « chef » ou « chef religieux » dans le dialecte de ‘Oman. Jayfar, qui était le frère aîné, était alors chef de ‘Oman. [44] Hawdha bin ‘Ali était le roi de Yamama et il était chrétien. Salih bin ‘Amr reçut la mission de lui apporter la lettre du Prophète. Yamama était alors une vaste région située entre Bahrain, à l’est, et le Hijaz, à l’ouest. Banu Hanifa habitait cette région. Mousaylima appartenait à cette tribu; il fut surnommé Kadhab (« le menteur ») après avoir prétendu être prophète. |
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