La Mecque avant la venue du Prophète | Islamopédie
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La Mecque avant la venue du Prophète
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ISMAËL À LA MECQUE

Après un long périple à travers le désert d’Arabie, le patriarche Ibrahim (Abraham) arriva dans la vallée de la Mecque, une vallée entourée de montagnes dénudées et de rochers escarpés et  déchiquetés, dépouillée de tout ce qui aurait pu assurer sa survie ; il n’y avait ni eau ni verdure, pas plus que de céréales vivrières.  L’accompagnaient sa femme Hajar (Hagar), ainsi que leur fils Isma’il (Ismaël). Ibrahim avait erré longuement après avoir fui l’idolâtrie païenne régnante, dans l’intention d’établir, quelque part, un endroit de culte pour rendre hommage au Seul et Unique Dieu, où il pourrait inviter les gens de partout à se prosterner devant le Seigneur des mondes. Il voulait poser les fondations d’une maison qui servirait de phare à l’humanité, d’un sanctuaire de paix qui deviendrait le centre du véritable monothéisme, de la foi et de la vertu. 1

Allah bénit la sincérité d’Ibrahim, ainsi que l’aride vallée de cette contrée sauvage.  Ibrahim avait laissés à eux-mêmes sa femme et son nourrisson dans ce territoire inhospitalier où, au milieu de ces montagnes escarpées, le Maître des mondes manifesta Sa grâce en faisant jaillir de l’eau de la terre ; c’est cet endroit que l’on nomme, encore aujourd’hui, le puits de Zamzam.  Lorsque Isma’il eût grandi, Ibrahim vint les visiter, lui et sa mère, à la Mecque.  Allah lui avait commandé, en songe, de sacrifier son fils et il avait décidé de Lui obéir.  Isma’il, tout aussi obéissant que son père envers son Seigneur, accepta sur-le-champ d’avoir la gorge coupée par son père.  Mais Allah le sauva et institua2, à partir de ce moment, « le jour du sacrifice », destiné à être célébré jusqu’à la fin des temps en commémoration de cet événement suite auquel Isma’il allait aider Ibrahim dans sa mission et devenir l’ancêtre du prophète Mohammed (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), ainsi que de la nation chargée de propager le message divin et de se battre pour lui.

Plus tard, Ibrahim revint à la Mecque où, aidé de son fils Isma’il, il érigea la Ka’ba (la maison d’Allah). Cependant qu’ils s’attelaient à cette tâche, le père et le fils invoquaient Allah, l’implorant de les faire vivre et de les faire mourir en état de soumission (islam) et de faire en sorte que leurs descendants restent fidèles au monothéisme non seulement en le défendant, mais aussi en devenant son porte-étendard et en le prêchant, bravant tous les dangers et sacrifiant tout pour lui jusqu’à ce que leur appel atteigne les coins les plus reculés du monde.

« Et quand Abraham et Ismaël élevaient les assises de la Maison : « Ô notre Seigneur, accepte ceci de notre part !  Car c’est Toi l’Audient, l’Omniscient.  Notre Seigneur !  Fais de nous Tes soumis, et de notre descendance une communauté soumise à Toi.  Et montre-nous nos rites et accepte de nous le repentir.  Car c’est Toi, certes, l’Accueillant au repentir, le Miséricordieux.  Notre Seigneur !  Envoie l’un des leurs comme messager parmi eux pour leur réciter Tes versets, leur enseigner le Livre et la Sagesse et les purifier.  Car c’est Toi, certes, le Puissant, le Sage ! »

(Coran, 2 :127-129)

 Dans sa prière, Ibrahim demandait également que la Maison qu’il était entrain de construire devienne un sanctuaire de paix, et qu’Allah garde sa descendance de l’adoration des idoles.  Ibrahim n’abhorrait rien autant que l’idolâtrie et ne jugeait rien de plus dangereux pour sa descendance, car il connaissait le sort qu’avaient subi les nations idolâtres du passé.  Il savait très bien à quel point les prophètes d’Allah envoyés avant lui avaient combattu et lutté contre ce mal tout au long de leur vie avec pour résultat que peu de temps après leur départ de ce monde, leurs peuples s’étaient à nouveau égarés dans le fétichisme sous l’influence de partisans du diable déguisés sous les traits de prêcheurs de la foi.

De même, Ibrahim implorait son Seigneur de doter ses descendants du même esprit de résistance et de lutte contre le panthéisme et l’iconolâtrie que le sien.  Il voulait que ses héritiers gardent à l’esprit qu’il s’était battu toute sa vie durant pour la Vérité et la Foi ; il voulait qu’ils se souviennent qu’il avait dû quitter son foyer et sa patrie, qu’ils comprennent pourquoi il avait encouru la colère de son père idolâtre, et qu’ils apprécient la sagesse derrière sa décision d’élire, comme lieu d’habitation, cette vallée incroyablement déserte, dépouillée de toute terre cultivable au relief abrupt et au terrain si inhospitalier.  Il voulait qu’ils comprennent pourquoi il avait préféré cette étendue déserte n’offrant aucune perspective de progrès et de civilisation aux terres verdoyantes et aux villes prospères, centres du commerce et des arts où il est facile aux gens de trouver le nécessaire pour satisfaire leurs besoins.

De plus, Ibrahim invoquait les bénédictions d’Allah sur ses fils afin qu’ils soient respectés et aimés de toutes les nations du monde.  Il voulait que les peuples de partout deviennent attachés à ses enfants, qu’ils viennent de tous les recoins de la terre pour rendre hommage à sa postérité et qu’ils deviennent ainsi un moyen par lequel sa descendance pourrait satisfaire à ses besoins dans ce pays désertique.

« Et rappelle-toi quand Abraham dit : « Ô mon Seigneur, fais de cette cité un lieu sûr, et préserve-moi, ainsi que mes enfants, de l’adoration des idoles.  Ô mon Seigneur, elles (les idoles) ont égaré beaucoup de gens.  Quiconque me suit est des miens.  Quant à celui qui me désobéit… c’est Toi le Pardonneur, le Très Miséricordieux !  Ô notre Seigneur, j’ai établi une partie de ma descendance dans une vallée sans agriculture, près de Ta Maison sacrée (Ka’ba) – Ô notre Seigneur – afin qu’ils accomplissent la salat.  Fais donc que se penchent vers eux les cœurs d’une partie des gens.  Et nourris-les de fruits.  Peut-être seront-ils reconnaissants ? »

(Coran, 14 :35-37)

LE PEUPLE DE QOURAISH

Allah répondit à toutes les prières d’Ibrahim et d’Isma’il.  Les descendants d’Isma’il se multiplièrent considérablement, si bien que la vallée désertique en regorgea.  Isma’il avait pris pour épouse une femme de la tribu de Jourhoum1, un clan appartenant aux Arabes ‘Aribah (de pure souche).  Dans la lignée d’Isma’il naquit ‘Adnan, dont la lignée est reconnue comme la plus digne et la plus noble. Les Arabes, étant particulièrement pointilleux en ce qui a trait à la pureté de la race et du sang, ont toujours attaché une grande importance à la généalogie de ‘Adnan dans leur mémoire.

‘Adnan eut plusieurs fils, dont Ma’add est le plus connu.  Des fils de Ma’aad, Moudar fut le plus remarqué et, dans la lignée de ce dernier, Fihr bin Malik devint éminent.  Enfin, les descendants de Fihr bin Malik bin Moudar devinrent connus sous le nom de Qouraish.  C’est ainsi que se forma le clan de Qouraish, la noblesse de la Mecque dont la lignée et le rang élevé parmi les tribus d’Arabie, ainsi que les vertus d’éloquence, de courtoisie, de courage et de bon caractère étaient, de façon générale, reconnus et acceptés de tous.  Cette reconnaissance parfaitement unanime accordée à Qouraish à travers toute la péninsule arabe devint, de génération en génération, un des éléments de la foi professé par les peuples de l’Arabie à cette époque. 1

QOUSAYY BIN KILAB

Qousayy bin Kilab faisait partie de la lignée directe de Fihr.  À son époque, l’hégémonie de la Mecque était passée entre les mains des Khouza’ites ; la tribu de Jourhoum n’était donc plus au pouvoir.  Alors Qousayy bin Kilab regagna l’administration de la Ka’ba et de la ville grâce à son sens de l’organisation, à ses grandes capacités intellectuelles et à ses remarquables qualités de cœur.  Les hommes de Qouraish lui prêtèrent main-forte pour déloger les Khouza’ites de la position de leadership qu’ils avaient usurpée.  C’est ainsi que Qousayy devint le maître de la ville, aimé et respecté de tous.  Il détenait les clefs de la Ka’ba et il avait la charge de donner à boire aux pèlerins à partir du puits de Zamzam, et de les nourrir.2  Il lui était également accordé de présider les assemblées et de distribuer les étendards en temps de guerre. Il était le dignitaire entre les mains duquel étaient placées toutes les charges et les cérémonies qui se déroulaient à la Mecque, et nul n’entrait dans la Ka’ba sans qu’il ne lui eût ouvert lui-même la porte.  Telle était la position d’autorité dont il jouissait à la Mecque ; il décidait de toutes les affaires de Qouraish et ses décisions étaient suivies, respectées et élevées au rang de règles divines qu’il était impossible d’enfreindre.

Après la mort de Qousayy, ses fils, dont ‘Abdou Mounaf est le plus connu, assumèrent ses responsabilités.  Son fils aîné, Hashim bin ‘Abdou Mounaf, pris la responsabilité de désaltérer et de nourrir les pèlerins et après sa mort, c’est ‘Abdoul Mouttalib, grand-père du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) qui en fut chargé.  Son peuple le tenait en haute estime et on raconte qu’il connut, parmi eux, une popularité dont n’avait jamais jouit aucun de ses ancêtres. 1

BANI HASHIM

Les descendants de Hashim, maintenant au pouvoir chez le peuple de Qouraish, étaient comparables à des flots de lumière dans la noirceur de l’Arabie. Les rapports sur la vie de Bani Hashim conservés par les historiens et les généalogistes décrivent de façon éloquente la noblesse de leur caractère, leur modération en toute chose, leur respect à l’égard de la Maison d’Allah, leur souverain mépris pour tout ce qu’ils considéraient injuste et inéquitable, leur attachement profond à la justice, leur empressement à aider les pauvres et les opprimés, leur magnanimité, leurs talents de cavalier, bref, toutes les vertus tenues en haute estime par les Arabes païens de l’époque.  Les gens de Bani Hashim, cependant, partageaient la foi de leurs contemporains, foi qui avait assombri la lumière de leur âme.  Mais en dépit de ce défaut, ils étaient prédestinés à avoir toute cette bonté en tant qu’ancêtres du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), qui allait hériter de leurs nobles qualités et qui allait les incarner par son remarquable exemple destiné à la race humaine tout entière.

LE PAGANISME MECQUOIS

Le peuple de Qouraish continua de glorifier le Seigneur des mondes, auteur de tous les bienfaits, tel que leurs ancêtres Ibrahim et Isma’il le leur avait appris jusqu’au jour où ‘Amr bin Louhayy devint le chef des Khouza’ites.  Il fut le premier à dévier de la religion d’Isma’il et c’est lui qui fut à l’origine de l’apparition des idoles à la Mecque.  Il ordonna au peuple de les adorer, il institua la coutume des sa’iba1, qui devaient être vénérés.  ‘Amr bin Louhayy modifia également les lois divines relatives au licite et à l’illicite.  On rapporte que l’origine de cette déviance est un voyage d’affaires en Syrie qu’il entreprit.  À destination, il vit des gens qui adoraient des idoles.  Il en fut si impressionné qu’il rapporta à la Mecque quelques idoles et enjoignit les gens de les adorer comme des dieux. 2

Il se pourrait que, sur le chemin le menant en Syrie, ‘Amr bin Louhayy soit passé par Betra, ville mieux connue par les historiens et géographes sous le nom de Pétra.  C’était une ville qui jouissait d’une importante position sur la route caravanière entre Saba et la Méditerranée, sise sur un plateau aride à trois mille pieds d’altitude, au sud de ce qu’on appelle aujourd’hui la Transjordanie, tel que mentionné par les historiens grecs et romains.  Cette ville fut fondée par les Nabatéens, une tribu de race arabe, au début du sixième siècle avant J.-C.  Ce peuple exportait beaucoup de marchandise en Égypte, en Syrie, dans la vallée de l’Euphrate et à Rome.  Il est fort probable qu’il soit parvenu à la vallée de l’Euphrate en empruntant le Hijaz.  Les Nabatéens étaient des idolâtres qui taillaient leurs idoles dans la pierre.  Certains historiens croient que al-Lat, la fameuse idole du nord du Hijaz, dans la période pré-islamique, avait été importée de Pétra et qu’on lui avait assigné une place d’honneur parmi les dieux et déesses locaux. 3

Ce point de vue est confirmé dans l’ouvrage intitulé The History of Syria, rédigé par Philip K. Hitti et qui relate, au sujet de la religion pratiquée dans les royaumes des Nabatéens :

À la tête du panthéon s’élevait Doushara (dhou-al-Shara, Dousara), une déité solaire adorée sous la forme d’un obélisque ou d’une pierre noire inconnue à quatre coins…  Associée à Doushara, Allat était la principale déesse d’Arabie.  Parmi les autres déesses dont on retrouvait le nom sur les inscriptions se trouvaient Manat et al-‘Ouzza, qui sont mentionnées dans le Coran.  On y retrouvait également le nom de Houbal. 1

Il est à noter que cette description se rapporte à une période où l’idolâtrie avait, sous différentes formes, envahi l’Arabie et les pays limitrophes.  Jésus et ses disciples n’avaient pas encore fait leur apparition, eux qui allaient plus tard s’efforcer d’en limiter l’expansion démesurée.  Le judaïsme avait déjà prouvé son incompétence en la matière, car étant une religion essentiellement fondée sur la race, il ne permettait qu’aux enfants d’Israël de joindre ses rangs et de pratiquer le monothéisme qu’il professait.

Un autre auteur, De Lacy O’Leary, reconstituant les influences responsables de l’introduction de l’idolâtrie dans la péninsule arabe, résume le fruit de ses recherches dans Arabia Before Muhammad :

Ainsi, il semble raisonnable de croire que l’utilisation des images était une pratique de la culture syro-hellénique transmise par la route commerciale ; à l’époque du Prophète, il s’agissait d’une introduction récente, à la Mecque, et qui était probablement inconnue de la communauté arabe dans son ensemble. [1]

L’adoration des idoles était donc le culte le plus répandu dans la vallée de l’Euphrate et dans les terres de l’est de l’Arabie.  Comme les Arabes, depuis des temps immémoriaux, étaient unis à ces pays par des liens commerciaux, il n’est pas improbable que l’influence culturelle de ces pays fût responsable de l’apparition de l’idolâtrie dans la péninsule arabe.  Dans son livre sur l’histoire de l’Irak antique, Georges Roux affirme qu’au cours du troisième siècle avant J.-C. et longtemps après, l’adoration des idoles était très populaire en Mésopotamie.2  Chacune de ses villes, vieille ou nouvelle, abritait de nombreux dieux étrangers en plus des déités locales. 3

Certains rapports suggèrent que l’adoration des idoles est devenue en vogue de façon graduelle parmi le peuple de Qouraish.  Autrefois, comme le relatent certains historiens, lorsqu’un Mecquois entreprenait un long voyage, il prenait quelques cailloux dans l’enceinte du sanctuaire et les gardait sur lui comme une marque de grâce tout au long de son périple.  À la longue, ils se mirent à vénérer les monolithes qu’ils admiraient le plus.  Les générations suivantes, sans connaître les raisons du respect de leurs aïeux pour ces monolithes, les adorèrent de façon aveugle, imitant du même coup les autres peuples païens des pays environnants.4  Malgré tout, le peuple de Qouraish demeura attaché à certaines traditions anciennes telles que le respect dû au sanctuaire, le Hajj5 et la ‘Oumra.6 L’évolution graduelle de différentes religions et la lente progression des suppositions aux conclusions corrobore la thèse avancée par les historiens sur les origines de l’adoration des idoles parmi le peuple de Qouraish.  Le respect et la révérence que certaines sectes égarées manifestent envers les portraits et les tombeaux des « saints » et la façon dont ils finissent par adopter ce comportement vient également soutenir cette thèse de l’évolution graduelle.  C’est pourquoi la loi islamique, la Shari’a, bloque tous les chemins et sentiers pouvant mener à la vénération excessive de personnages, de lieux ou de reliques, car au bout du compte, ils mènent tous au péché consistant à attribuer des partenaires à Allah. 1

LES ÉLÉPHANTS

C’est durant cette période que se produisit un événement des plus significatifs et sans égal dans toute l’histoire de l’Arabie, événement qui en présageait un autre, d’une importance vitale,  susceptible de survenir dans un futur proche.  Cet événement était de bon augure pour les Arabes, en général, et présageait d’un honneur unique pour la Kaaba, jamais atteint par aucun autre lieu d’adoration dans le monde.  Cet incident permettait un grand optimisme quant à l’avenir de la Ka’ba, un avenir duquel dépendait le destin des religions, ou plutôt de toute l’humanité, puisqu’il allait se manifester sous la forme d’un message éternel de droiture et de paix.

UNE CROYANCE IMPLICITE CHEZ LE PEUPLE DE QOURAISH

Le peuple de Qouraish avait toujours cru que la Bait‑oullah, ou la Maison d’Allah, occupait une place d’honneur aux yeux du Seigneur, qui en était Lui-même le protecteur et le défenseur.  Une conversation qui eut lieu entre le vice-roi Abraha et ‘Abdoul Mouttalib démontre que le peuple de Qouraish avait une confiance inébranlable dans l’inviolabilité de la Ka’ba.  Une fois, Abraha s’empara de deux cents chameaux appartenant à ‘Abdoul Mouttalib, qui se rendit ensuite chez lui et demanda à le voir. Abraha traita ‘Abdoul Mouttalib avec le plus grand respect ; il descendit même de son trône et fit asseoir son visiteur à ses côtés.  Interrogé sur le but de sa visite, ‘Abdoul Mouttalib répondit qu’il attendait du roi qu’il lui rende ses deux cents chameaux.

Surpris, Abraha répliqua : « Tu viens me voir au sujet des deux cents chameaux que je t’ai pris, mais tu ne me dis rien au sujet de la Maison dont dépend ta religion et celle de tes ancêtres et que je suis venu détruire ? »  Sans ambages, ‘Abdoul Mouttalib répondit : « Je suis le propriétaire des chameaux et la Maison a un Propriétaire qui la défendra Lui-même. »  Ce à quoi Abraha répliqua : « Comment peut-elle être sauvée de moi ? »  « C’est là une affaire entre toi et Lui », répondit ‘Abdoul Mouttalib.1  En effet, qui pouvait oser s’attaquer à la Maison d’Allah, ou même y jeter un seul regard destructeur ?  En vérité, sa protection était entre les mains d’Allah.

Voici, en peu de mots, le récit de cet épisode : Abraha al-Ashram, qui était le vice-roi de Négus, roi d’Abyssinie, avait fait construire une imposante cathédrale à Sana, au Yémen, et l’avait appelée al-Qoullays.  Son intention était de détourner les pèlerins arabes de la Mecque pour les diriger vers l’emplacement de cette cathédrale.  En tant que chrétien, Abraha trouvait intolérablement humiliant que la Ka’ba demeure, après la construction de la cathédrale, le lieu de pèlerinage national, attirant des foules de pèlerins provenant des quatre coins de l’Arabie.  Son désir profond était que sa cathédrale remplace la Ka’ba et devienne le lieu d’adoration le plus sacré d’Arabie.

Mais aux yeux des Arabes, il s’agissait là d’une proposition des plus scandaleuses.  Le caractère sacré de la Ka’ba était une chose établie et arrêtée pour les Arabes ; jamais ils n’avaient mis un autre lieu sur le même pied que la Ka’ba et jamais ils n’auraient pu l’échanger avec aucun autre lieu, quel qu’il fût.  Les intentions déclarées d’Abraha mirent le feu aux poudres. Quelques imprudents parmi les Kinanites (de la tribu des Kinana) relevèrent un défi et l’un d’eux souilla la cathédrale en déféquant à l’intérieur, ce qui causa une sérieuse agitation.  Enragé, Abraha jura qu’il n’aurait de cesse qu’il ne détruise la Ka’ba.

Il prit alors le chemin de la Mecque à la tête d’une puissante armée dans laquelle se trouvaient un grand nombre d’éléphants.  Les Arabes avaient entendu de terrifiantes histoires au sujet des éléphants ; la nouvelle de leur présence les bouleversa et les jeta dans un trouble profond.  Quelques tribus arabes tentèrent même d’entraver l’avancée de l’armée d’Abraha, mais ils se rendirent vite compte qu’ils ne faisaient pas le poids contre elle.  Alors, contre tout espoir, ils laissèrent Allah s’occuper de cette affaire, mettant en Lui toute leur confiance pour qu’Il sauve la Maison sacrée.

Les gens de Qouraish prirent la fuite à travers les montagnes et les gorges escarpées pour échapper à la cruauté des soldats d’Abraha.  Aidé de quelques compatriotes, ‘Abdoul Mouttalib s’empara de la porte de la Ka’ba, implorant Allah de leur venir en aide.  De son côté, Abraha aligna ses troupes pour entrer dans la ville et prépara son éléphant Mahmoud pour l’attaque.  Mais sur la route menant à la ville, l’éléphant s’agenouilla et refusa obstinément de se relever malgré les coups répétés de son maître.  Puis lorsqu’ils le tournèrent en direction du Yémen, il se leva immédiatement et se mit à avancer.  C’est alors qu’Allah leur envoya des volées d’oiseaux, chacun transportant une pierre entre ses serres.  Toutes les personnes atteintes par ces pierres moururent sur-le-champ.  Voyant cela, les Abyssiniens, terrifiés, rebroussèrent chemin, continuant, dans leur fuite, à recevoir les pierres et à mourir au fur et à mesure.  Abraha, quant à lui, fut terriblement châtié; et lorsque ses soldats tentèrent de le ramener chez lui, ses membres tombèrent un à un tout au long du chemin et il connut une fin misérable en arrivant à Sana1.  Le Coran fait mention de cet événement:

« N’as-tu pas vu comment ton Seigneur a agi envers les gens de l’Éléphant ?  N’a-t-Il pas rendu leur ruse complètement vaine ?  Et envoyé sur eux des oiseaux par volées qui leur lançaient des pierres d’argile ?  Et Il les a rendus semblables à de la paille mâchée. » (Coran, 105:1-5)

LES RÉPERCUSSIONS DE LA DÉFAITE D'ABRAHA

Après qu’Allah eût détourné les Abyssiniens de la Mecque, qu’Il les eût écrasés, humiliés et qu’Il leur eût infligé Son châtiment, les Arabes se mirent à avoir un grand respect pour le peuple de Qouraish.  Ils dirent : « En vérité, voilà les gens d’Allah : Allah a vaincu leurs ennemis, et ils n’ont pas même eu à se battre contre leurs assaillants. »  Le respect des gens pour la Ka’ba s’accrut également et ils furent plus convaincus que jamais de son caractère sacré.1

Il s’agissait, sans nul doute, d’un miracle, d’un signe de la venue d’un Prophète qui allait purifier la Ka’ba de la contamination des idoles.  C’était une indication que l’honneur de la Ka’ba allait encore grandir avec le dernier message qui allait être transmis par ce Prophète. On peut donc avancer que cet événement était en quelque sorte une prédiction de la venue du dernier Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui).

Les Arabes attachèrent une très grande importance, et avec raison, à cet événement.  Ils instituèrent d’ailleurs un nouveau calendrier à partir de la date où il se produisit.  C’est pourquoi nous trouvons dans leurs écrits des références à ce calendrier ; on raconte, par exemple, que tel ou tel incident s’est produit dans l’année de l’Éléphant ou que telle ou telle personne est née au cours de cette année, ou encore qu’un événement s’est produit plusieurs années après celle de l’Éléphant.  Cette année où se produisit ce miracle correspond à l’an 570 après J.-C.

1 Voir les sourates “al-Baqarah” et “Ibrahim”, dans le Coran.

2 Voir la sourate “As-Saffat” (les rangés), dans le Coran.

1 La tribu de Jourhoum est réputée la première à s’être installée dans la vallée de la Mecque à cause de la source d’eau inépuisable s’y trouvant.  Cependant, certains maintiennent que lorsque Ibrahim laissa sa femme et son fils dans la vallée, cette tribu y était déjà.

1 Pour de plus amples détails, voir Sirat Ibn Hisham et autres travaux sur la généalogie des Arabes.

2 Chaque année, un festin, connu sous le nom de Rifadah, était offert aux pèlerins, considérés comme les hôtes d’une des idoles principales appelée Rahman (Clément). Les gens de Qouraish avaient pour coutume d’y contribuer une somme prédéterminée. (Al-Khoudri, p. 36).

1 Ibn Hisham, Vol. I (Les fils de ‘Adnan)

1 Taureaux qui étaient dédiés aux idoles et qui n’étaient utilisés dans aucun autre but.

2 Ibn Hisham, Vol. I, pp. 76-77. On rapporte qu’une fois, le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) dit: “J’ai vu ‘Amr bin Louhayy traîner ses intestins derrière lui en Enfer car il fut le premier à instituer la coutume de dédier des animaux aux idoles (Sa’iba).” (Boukhari, Mouslim, Ahmad). Une autre narration rapportée par Mohammed b. Is’haq dit: “Il fut le premier à modifier la religion d’Isma’il, à dresser des idoles et à instituer la coutume de Sa’iba.”

3 L’auteur a visité Pétra le 14 août 1973 en tant que membre d’une délégation de Rabita ‘Alam-I-Islami. Il y vit un grand nombre d’idoles taillées à même les montagnes. Les détails de ce voyage se trouvent dans son ouvrage intitulé Darya’i Kaboul Se darya’i Yarouk Tak.

1 Philip K. Hitti, The History of Syria, Londres, 1951, p. 384-5.

[1] De Lacy O’Leary, p. 197.

2 George Roux, Ancient Iraq, Suffolk, 1972, pp. 383-84

3 Ibid., pp. 383-84

4 Afin de connaître les noms des déités pré-islamiques de l’Arabie et comment son peuple en vint à adorer les images gravées, voir Al-Asnam, de Kaabi, vol. II et Boulough al-Arab fi Ma’rafate Ahwal-il-‘Arab, par Syed Mahmoud Shoukri al-Alousi.

5 Le pèlerinage à la Mecque, qui s’accomplit au mois de Dhoul Hijja, le douzième mois du calendrier islamique.

6 Le « petit » pèlerinage à la Mecque, qui peut être accompli à n’importe quel moment.

1 La Shari’a, de même que d’authentiques ahadith du Prophète, contient de nombreuses injonctions contre les superstitions païennes s’apparentant au shirk ou à une pluralité de déités. Dans certains ahadith bien connus, le Prophète dit: “Ne faites pas de ma tombe un lieu de célébrations et n’y organisez pas de fêtes.”  “Les seuls voyages permis sont ceux dont le but est la visite des trois Mosquées.” “Ne me louez pas de façon excessive comme le font les chrétiens avec Jésus, fils de Marie.”  Il existe de nombreux autres ahadith condamnant le shirk.

C’est pour la même raison que les portraits des êtres vivants sont interdits.

Jadis, beaucoup de gens ont été amenés à l’idolâtrie à travers la vénération de portraits ou d’images de saints. Ibn Kathir écrit, s’appuyant sur la narration de Mohammed bin Qays, qu’il y a eu de nombreuses personnes pures et pieuses entre l’époque d’Adam et celle de Noé, et ces personnes pouvaient compter sur un grand nombre de fidèles. Après qu’elles eurent quitté ce monde, leurs fidèles eurent l’idée de faire leur portrait afin d’en conserver le souvenir et croyant que ce portrait allait les aider à mieux se concentrer durant leurs prières.  Leurs descendants furent toutefois trompés par Shaytan et crurent que leurs ancêtres vénéraient ces images comme on vénère les divinités et crurent que cela leur apportait la pluie lorsqu’ils en avaient besoin.  C’est ainsi que, petit à petit, ils tombèrent dans le piège de l’idolâtrie.

1 Ibn Hisham, Vol. I, pp. 49-50.

1 Ibn Hisham, Vol. 1, pp. 43-57

1 Ibn Hisham, Vol. I, p. 57.




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