3-7 : La dépréciation de l'orgueil et de la fatuité
Introduction S’agissant de l’orgueil, Allah - تعالى - a dit : { J’écarterai bientôt de Mes signes ceux qui, sur la terre, s’enorgueillissaient sans raison }. (Qurân : 7-146) Il est rapporté, dans le Hadîth authentique recensé par Muslim, que l’Envoyé d'Allah - صلى الله عليه وآله وسلم - a dit : « Un homme qui possède l’équivalent d’un grain de moutarde d’orgueil dans son cœur n’entrera pas au Paradis. » De même, il est rapporté dans les deux recueils Authentiques que le Prophète - صلى الله عليه وآله وسلم - a dit : « L’Enfer a dit : on m’a accordé le privilège de recevoir les orgueilleux ». L’Envoyé d'Allah - صلى الله عليه وآله وسلم - a dit également : « Au jour de la Résurrection les tyrans et les orgueilleux seront ressuscités comme des petites fourmis que les gens fouleront, ils seront tellement méprisables pour Allah - عز و جل - ». De son coté, Sufyân ibn ‘Uyayna disait : « J’espère la repentance pour celui qui a péché sous la pression du désir, car Adam – عليه السلام - a désobéi par désir et on lui a pardonné. Si son péché est du à l’orgueil, je crains pour lui la malédiction, car Iblîs a désobéi par orgueil et il fut maudit. » De même, il est rapporté dans les deux Recueils Authentiques, que l’Envoyé d'Allah - صلى الله عليه وآله وسلم - a dit : « A celui qui traîne son habit par orgueil, Allah ne le regardera pas au jour de la Résurrection ». Abû Bakr - رضي الله عنه - lui dit : « Ô Envoyé de Dieu ! L’un des deux cotés de mon manteau s’amollit sauf su je m’en rends compte. » L’Envoyé d'Allah - صلى الله عليه وآله وسلم - lui dit : « Tu n’es pas de ceux qui le font par orgueil ». Sache que l’orgueil est une attitude intérieure, qui produit des actes à travers les membres. Cette attitude reflète la vision qu’on a d’autrui. Car l’homme orgueilleux se considère comme supérieur aux autres pour ce qui est de ses qualités parfaites. Voila comment on devient orgueilleux. C’est en ce sens que l’orgueil diffère de la fatuité. Car la fatuité n’implique que la présence de celui qui est imbu de lui-même, au point que s’il n’y avait qu’un seul homme, on imaginerait qu’il soit imbu de lui-même mais on n’imaginerait pas qu’il soit orgueilleux, sauf s’il y en a d’autres avec lui pour qu’il se sente supérieur à eux. C’est que lorsque l’homme se voit avec l’œil de la grandeur, il dédaigne les autre et les méprise. Ainsi, cet homme orgueilleux regarde les gens du commun comme si c’était du bétail, il les ignore et les méprise. Cela dit, le vice de l’orgueil est très grave. Les gens de l’élite y succombent souvent mais rarement les dévots ; les ascètes et les savants n’y échappent pas. Comment, du reste, son vice ne serait pas grand alors que le Prophète - صلى الله عليه وآله وسلم - nous a informé que celui qui possède dans son cœur l’équivalent d’un grain de moutard d’orgueil n’entrera pas au Paradis ? A vrai dire l’orgueil est devenu un obstacle pour accéder au paradis parce qu’il s’interpose entre le serviteur et le bon caractère des croyants. En effet, l’homme orgueilleux est incapable d’aimer pour les croyants ce qu’il aime pour lui-même. Ainsi, il ne peut ni être humble et modeste, ni abandonner le ressentiment, l’envie et la colère, ni maîtriser sa colère et accepter les conseils, ni cesser de dédaigner les gens et de les calomnier. Autrement dit, il est obligé de recourir à l’ensemble des mauvais caractères. D’ailleurs, il y a parmi les formes d’orgueil celles qui empêchent de tirer profit de la science, d’accepter la vérité et de s’y soumettre. Ainsi, il arrive à l’homme orgueilleux de posséder la connaissance, mais il répugne intérieurement à suivre la vérité, conformément à ces Paroles divines : { Ils les ont niés avec injustice et orgueil }. (Qurân : 27-14) { Ils dirent Allons-nous croire deux mortels comme nous ! } (Qurân : 23-47) { Vous n’êtes que des mortels comme nous }» (Qurân : 19-10) Il existe d’ailleurs de nombreux versets dans ce sens. Il s’agit là d’un orgueil à l’égard d'Allah et de Son Messager. Il a été déjà indiqué que l’orgueil à l’égard des hommes consiste à les mépriser et à se sentir supérieur à eux. Or celui-ci aussi conduit à l’orgueil vis-à-vis de l’ordre d'Allah - عز و جل -, à l’instar d’Iblîs dont l’orgueil contre Adam - عليه السلام - l’a amené à refuser de se conformer à l’ordre de son Seigneur en matière de prosternation. Du reste, l’Envoyé de Dieu - صلى الله عليه وآله وسلم -. a bien expliqué l’orgueil en disant : « L’orgueil, c’est de nier la vérité et de dédaigner les gens. ». La répartition des vices de l'orgueil (al-kibr) Sache qu'au regard des vices de l'orgueil, les savants et les dévots se répartissent en trois catégories. La première : c'est que l'orgueil soit enraciné dans le cœur de l'un d'eux. Il se voit meilleur que les autres, mais il fait des efforts et devient modeste. Chez un tel homme, l'arbre de l'orgueil est planté dans son cœur, mais il est parvenu à couper ses branches. La deuxième catégorie : il s'agit de l'homme qui manifeste, à travers ses gestes, de l'élévation dans les rencontres publiques, de la supériorité par rapport à ses collègues et de la réfutation pour celui qui nie ses droits. Ainsi, tu vois le savant qui se montre hautain à l'égard des gens comme s'il se détournait d'eux, et le dévot qui a un visage dédaigneux pour eux. Or, ces deux sortes d'hommes ont ignoré les règles de bienséance qu'Allah a imposées à Son Prophète — que Dieu lui accorde la grâce et la paix - notamment lorsqu'Il lui a dit : « Abaisse ton aile vers ceux des croyants qui te suivent ». [Qur'ân Suratu chu-Chu'arâ (26) - 215]. La troisième catégorie : il s'agit de l'homme qui manifeste de l'orgueil par son langage sous forme de prétentions, de propos fiers, d'éloge de soi-même, de récits personnels en évoquant des états édifiants chez autrui, ainsi que l'orgueil au moyen de la descendance : celui qui a une descendance noble méprise celui qui n'en a pas, même s'il lui est supérieur par son action. Ibn Abbâs disait : « L'homme dit à l'homme : je suis plus noble et plus généreux que toi. Or, personne n'est plus noble par rapport à quelqu'un d'autre que par la piété et la crainte révérencielle. Allah - تعالى - n'a-t-Il pas dit : { Le plus noble d'entre vous, auprès d'Allah, est le plus pieux d'entre vous } [Qur'ân Suratu al-hajarât (49) - 13]. » Il en va de même de l'orgueil par l'argent (al-mâlu), par la beauté (al-jamâlu), par les troupeaux, par la puissance (al-quwwatu), par le nombre élevé de disciples. Ainsi, l'orgueil par l'argent court souvent entre les rois, les commerçants et leurs semblables ; l'orgueil par la beauté court souvent entre les femmes et implique le dénigrement, la médisance et la mention des défauts ; Quant à l'orgueil par le nombre élevé de disciples et de partisans, il court souvent entre les rois qui se montrent fiers du nombre élevé de leurs soldats, et entre les savants qui se montrent fiers du nombre élevé de leurs disciples. En un mot, tout homme qui croit être parfait alors que ce n'est pas le cas, peut s'enorgueillir de ses prétendues qualités au point que le libertin (al-fâsiq) peut s'enorgueillir de la consommation d'alcool et de son libertinage, croyant qu'il s'agit d'une marque de perfection. Sache également que l'orgueil peut transparaître à travers les attitudes de l'homme, comme le fait de détourner le visage devant les hommes, ou le regard hautain, ou le fait de baisser la tête, ou le fait de s'asseoir les jambes croisés, ou de s'accouder, ou à travers ses paroles comme le son de sa voix et sa façon d'articuler les phrases, ou à travers sa manière de marcher, de se mettre debout, de s'asseoir, de bouger, de rester immobile, etc... Il faut dire que, parmi les manies de l'homme orgueilleux, il y a celle qui consiste à aimer que les gens se lèvent pour lui. Or, le fait de se lever pour quelqu'un est de deux sortes. - Se lever pour quelqu'un qui est déjà assis. C'est là une attitude interdite par l'Envoyé d'Allah - صلى الله عليه وآله وسلم - qui a dit : « Que celui qui aime que les hommes se lèvent pour lui prenne sa place en Enfer . » Car il s'agit d'une habitude chez les non arabes et les gens pleins d'orgueils. - Se lever à l'arrivée d'un homme : les anciens pieux (As-Salafu) ne le faisaient presque jamais. Anas disait : « Aucune personne ne nous était plus chère que l'Envoyé d'Allah - صلى الله عليه وآله وسلم -. Pourtant, lorsqu'ils le voyaient, ils ne se levaient pas, car ils savaient qu'il n'aimait pas cela. ». Les savants disent qu'il est bon de se lever pour les parents, l'Imâm juste et les gens de grand mérite. Cela est devenu une sorte de marque entre gens de mérite, de sorte que si un homme le néglige à l'égard de celui qui mérite qu'on observe cette pratique, il risque d'être accusé de mépris et de négligence et de s'exposer ainsi au ressentiment. Mais le fait que cela soit recommandé pour celui qui se lève ne doit pas empêcher celui pour qui on se lève de le détester et d'estimer qu'il ne le mérite pas. Parmi les autres manies de l'homme orgueilleux, il y a le fait qu'il marche toujours avec quelqu'un derrière lui, ou celui de ne rendre visite à personne par simple orgueil, ou de répugner à ce qu'un autre s'assoit ou marche à ses côtés. Or, Anas rapporte ceci : Il arrivait à la servante parmi les habitants de Médine, de tenir la main de l'Envoyé d'Allah - que Dieu lui accorde la grâce et la paix - et de partir en sa compagnie pour résoudre son problème. De même Ibn Wahb rapporte ceci : j'étais assis à côté de 'Abd al-'Azîz ibn Abî Rawwâd et ma cuisse touchait la sienne. Je me suis donc écarté un peu. Il m'a pris par les vêtements et m'a tiré vers lui en disant : « Pourquoi faites-vous avec moi ce que vous faites avec les tyrans. Or, je sais qu'il y a pas parmi vous un seul homme qui soit plus mauvais que moi. » Il y a également le fait que l'homme orgueilleux n'aime pas porter ses affaires depuis le marché jusqu'à sa maison. Pourtant, l'Envoyé d'Allah - صلى الله عليه وآله وسلم -. a acheté quelque chose qu'il porta chez lui. De même, Abû Bakr - رضى الله عنه - portait des vêtements au marché pour les vendre. De son côté, 'Umar - رضى الله عنه - acheta de la viande qu'il pris dans la main pour l'amener chez lui. Pour sa part Alî - رضى الله عنه - acheta des dattes qu'il mis dans un morceau d'étoffe. Quelqu'un lui dit : veux-tu que je les porte ! Il lui dit : non. Le père d'une famille se doit de les porter. De même, Abû Hurayra - رضى الله عنه - arriva un jour au marché transportant du bois alors qu'il était gouverneur de Marwân. Il dit à un passant : écarte-toi pour al-amîr. Du reste celui qui veut repousser l'orgueil et pratiquer la modestie doit se conformer à l'attitude de l'Envoyé d'Allah - صلى الله عليه وآله وسلم -. . Il s'agit d'un point qui a été développé dans notre Livre sur les règles de la bonne vie. Comment soigner l'orgueil et acquérir la modestie Sache que l'orgueil relève de ce qui est destructeur. Le soigner constitue une obligation individuelle (fardun ayn). Pour y remédier, il convient d'adopter deux attitudes : La première attitude consiste à extirper ses racines et à couper son arbre. Pour cela, l'homme doit se connaître lui-même et connaître son Seigneur. En effet, lorsqu'il se connaît parfaitement, il sait qu'il est le plus vil des vils. Il lui suffit de regarder l'origine de son existence après le néant, à partir de la terre puis à partir d'une goutte de sperme sortie du conduit urinaire, puis à partir d'un grumeau de sang, puis à partir d'un embryon pour devenir quelque chose qu'on mentionne, alors qu'auparavant, c'était un objet inerte qui n'entend pas, ne voit pas, ne sent pas et ne se meut pas. Ainsi, il a débuté par sa mort avant sa vie, par sa faiblesse avant sa force et par son indigence avant sa richesse. Allah - تعالى - a fait allusion à cela en disant : { Comment Allah l'a-t-Il créé ? D'une goutte de sperme } [Qur'ân Sûratu 'Abassa (80) - 18-19] Ensuite, Il lui a accordé Sa faveur en disant : { Puis Il a rendu son chemin facile } [Qur'ân Sûratu 'Abassa (80) - 20] { Nous lui avons donné l'ouïe et la vue } [Qur'ân Sûratu Ad-Dahru / al-insân (76) - 2] Ainsi, c'est Allah qui lui a donné la vie après la mort, a parfaitement façonné sa forme, l'a fait venir au monde, l'a rassasié et abreuvé, l'a vêtu, guidé et raffermi. Quelqu'un qui a de tels débuts, comment peut-il s'enorgueillir ou s'en glorifier ? Si son existence se poursuivait selon son propre choix, on pourrait admettre que sa domination puisse se frayer un chemin. Mais il n'en est rien, puisqu'on lui a imposé des humeurs opposées et des maux terribles. Puis, au moment où sa constitution parvient à sa plénitude, il commence à décliner et s'autodétruire, sans posséder en lui-même le pouvoir de nuire ou d'être bénéfique, et il passe sa vie à se rappeler d'une chose pour l'oublier, à apprécier une chose qui le conduit à sa perte, à viser une chose sans l'obtenir, sans avoir la moindre assurance de ne pas être privé de sa vie à chaque instant. Tel est son état intermédiaire par rapport à son état de débutant. Quant à son état final, il se résume dans la mort qui le réduit à l'état inerte tel qu'il était avant d'exister. Puis, on le dépose sous terre où il devient un cadavre immonde : ses membres s'usent, ses os se dégradent, les vers de terre mangent ses restes et il se transforme en une terre qui sert pour les constructions. Ensuite, au terme d'une longue usure, ses membres seront rassemblés après leur dispersion et il assistera à la scène de la Résurrection où il verra une terre transformée, des montagnes déplacées, un ciel décroché, des étoiles disséminées, un soleil retourné, des états ténébreux, un Enfer grondant et des livrets déployés. On lui dira alors : { Lis ton livre ! Il suffit aujourd'hui pour rendre compte de toi-même } [Qur'ân Sûratu al-isrâ (17) - 14]. Il dira : C'est quoi mon livre ? On lui répondra : au cours de ta vie, dont tu t'étais réjouis en t'enorgueillissant de ses délices, on t'a préposé deux anges qui comptabilisaient tout ce que tu prononçais ou faisais, que ce soit beaucoup ou peu, tous tes gestes debout ou assis, tout ce que tu mangeais ou buvais, mais tu as tout oublié. Allah - تعالى - l'a comptabilisé. Viens maintenant pour rendre des comptes et prépare tes réponses. Autrement on te conduira en Enfer. Quelqu'un qui connaît une telle situation peut-il s'enorgueillir ? S'il va en Enfer, les animaux auront meilleur sort que lui parce qu'ils réintègrent la terre. Celui qui connaît cette situation et qui est incertain pour ce qui est du pardon de ses péchés, peut-il s'enorgueillir ? Qui peut, du reste, se soustraire à un péché qui mérite d'être sanctionné ? En fait son état est comparable à celui d'un homme qui a commis à l'encontre de son roi un crime et qui mérite qu'on lui administre mille coups de fouet. On le met en prison en attendant de le faire sortir et de le punir ; il passe son temps à attendre qu'on l'appelle pour subir son châtiment. Un tel homme peut-il s'enorgueillir contre les gens de la prison (sijn) ? Or, le bas monde n'est-il pas une prison ? Et les péchés n'impliquent-ils pas des sanctions ? Le remède pratique consiste à être vraiment humble devant Allah - تعالى - et Ses serviteurs. Ceci, en s'attachant régulièrement aux vertus des humbles. A ce propos, nous avons déjà évoqué la conduite (tarîq) de l'Envoyé d'Allah - صلى الله عليه وآله وسلم -, son attitude humble et son caractère sublime. La deuxième attitude se rapporte à l'orgueil fondé sur la descendance et de la lignée. Que celui qui est gagné par l'orgueil du fait de sa descendance sache que c'est une glorification fondée sur la perfection d'autrui. Qu'il sache ensuite qu'il descend d'une goutte immonde et d'une poignée de terre. De même, que celui qui est gagné par l'orgueil, du fait de sa beauté, regarde son intérieur avec un regard sensé et ne regarde pas son extérieur comme le font les bêtes. Que celui qui est gagné de l'orgueil du fait de sa puissance, sache que si un nerf lui fait mal, il sera plus impuissant que tout impuissant, qu'une fièvre d'un jour réduit sa force, ce qu'une longue convalescence ne parvient pas à rétablir, qu'une épine qui s'enfonce dans son pied l'immobilise et qu'une puce qui s'introduit dans son oreille le gêne sérieusement ! De même, celui qui s'enorgueillit à cause de l'argent, regarde attentivement certains juifs, il verra qu'ils sont plus riches que lui. Que pour une gloire où les juifs viennent en tête et que le voleur peut subtiliser à tout instant, ce qui réduit son propriétaire au degré le plus bas. Quant à celui qui s'enorgueillit à cause de la science, qu'il sache que la preuve d'Allah contre le savant est plus exigeante par rapport à l'ignorant. Qu'il réfléchisse au grand danger qui le menace, car l'orgueil est plus dangereux pour lui que pour autrui, au même titre que sa valeur est plus grande que celle d'autrui. Qu'il sache également que l'orgueil ne convient pas devant Allah - تعالى - et que s'il s'enorgueillit, il sera méprisé et dédaigné auprès d'Allah - تعالى - car allah aime la modestie et l'attitude humble. Ainsi, à chaque cause de l'orgueil, le fidèle lui oppose son contraire et use pour ce faire de la modestie. Sache également que, comme toute valeur, cette vertu comporte deux extrémités : son extrémité qui tend vers l'accroissement s'appelle « orgueil ». Son extrémité qui tend vers la réduction s'appelle « avilissement » et « abaissement ». Le juste milieu s'appelle « modestie ». C'est cette attitude qui est louable. Ce juste milieu consiste à se montrer modeste et humble sans abaissement et humiliation. Car la meilleure des choses, c'est celle qui est médiane. Ainsi, celui qui devance ses pairs est un orgueilleux et celui s'attarde par rapport à eux, est un humble, parce qu'il a cédé une part de sa valeur. En revanche, lorsqu'un cordonnier ou quelqu'un de semblable rentre chez un savant et que celui-ci lui cède sa place pour s'asseoir ou l'accompagne jusqu'à la porte, ce savant fait preuve d'avilissement et d'abaissement, et c'est une attitude qui n'est pas louable, car ce qui est louable, c'est l'équité qui consiste à donner à chacun selon son droit. Sa modestie envers les gens du commun consiste à être bienveillant lorsqu'on l'interroge, à être doux en leur parlant, à répondre à leur invitation, à résoudre leurs problèmes, à ne pas les dédaigner et les mépriser. La fatuité (al-'ujb) On rapporte d'après Abû Hurayra - رضي الله عنه - que le Prophète - صلى الله عليه وآله وسلم - a dit : « Pendant qu'un homme se pavanait dans deux manteaux et qu'il était plein d'admiration pour lui-même, Allah l'a englouti sous terre où il ne cessera de s'enfonce jusqu'au Jour de la Résurrection ». Le Prophète - صلى الله عليه وآله وسلم - a dit également : « Il y a trois choses qui sont destructives : une avarice à laquelle on cède, une passion qu'on suit et le fait que l'individu soit imbu de lui-même ». On rapporte qu'Ibn Mus'ûd - رضي الله عنه - a dit : « La perdition réside en deux choses : la fatuité (al-'ujb) et le désespoir (al-qunût) ». S'il les a réunis, c'est parce que le bonheur (as-sa'âda) ne s'obtient qu'au moyen de la recherche (at-talb) et du labeur (at-tashmîr), tandis que le désespéré ne recherche pas et l'homme imbu de lui même croit qu'il a déjà obtenu ce qu'il veut, c'est pourquoi il ne s'active pas. Mutrif - رحمه الله - disait : « Je préfère passer la nuit en dormant et me lever avec des regrets, plutôt que de passer la nuit debout en prière et de me lever imbu de moi même. » Sache aussi, que la fatuité conduit à l'orgueil, parce qu'elle est l'une de ses causes, car la fatuité génère de l'orgueil et l'orgueil génère beaucoup de vices. Ceci dans les rapports avec les créatures. Envers Allah, la fatuité se rapporte aux actes de dévotion, parce qu'on les trouve grands. C'est comme si le fidèle rappellait à Allah - تعالى - que c'était lui qui les accomplissait en oubliant les bienfaits d'Allah en sa faveur et le fait qu'il a accordé la réussite pour les accomplir, et en s'aveuglant devant les vices qui affectent ces actes. A vrai dire, ne scrute les défauts des œuvres que celui qui craint qu'on ne les accepte pas, parce qu'il les agrée et les admire. Le remède contre la fatuité ('ilâju l-'ujbi) Sache que c'est Allah - سبحانه - qui est ton Bienfaiteur, car c'est Lui qui t'a donné l'existence et a rendu possible tes oeuvres. Aussi, il n'y a aucun sens à la fatuité de l'homme pour son œuvre, du savant pour sa science, de celui qui est beau pour sa beauté, du riche pour sa richesse, car tout cela provient de la faveur (fadl) d'Allah - تعالى -. L'être humain n'est qu'un support pour le débordement des bienfaits en sa faveur. D'ailleurs, le fait qu'il soit un support, constitue un autre bienfait en sa faveur. Si tu dis que l'œuvre se réalise grâce à ta puissance, et on n'imagine l'œuvre que par ton existence et l'actualisation de ton action, de ta volonté et de ta puissance, d'où vient donc ta puissance ? Sache que tout provient d'Allah - تعالى - et non pas de toi. Et si l'œuvre s'actualise grâce à la puissance, c'est que la puissance est sa clé. Or, cette clé est dans les mains d'Allah - تعالى -. Et tant que tu ne reçois pas la clé, tu ne peux pas réaliser l'œuvre. C'est comme si tu te mettaiss devant une armoire fermée que tu ne peux pas ouvrir, sauf si on te donne la clé. En effet, il est rapporté dans les deux Recueils Authentiques, d'après le Hadîth transmis par Abû Hurayra - رضي الله عنه -, que le Prophète - صلى الله عليه وآله وسلم - a dit : « Pour aucun de vous, son œuvre ne le fera entrer au Paradis. » Les gens présents lui ont demandé : Même pas toi ô Envoyé d'Allah ? Il a dit : « Même pas moi, sauf si Allah me comble de Sa miséricorde et de Sa faveur ». Sache également que la fatuité est générée par les mêmes causes qui favorisent l'orgueil. Nous avons déjà évoqué ces causes et leurs remèdes. C'est le cas notamment de la fatuité due à la descendance. Ainsi, le noble croit parfois que la noblesse de ses parents lui assure son salut. Le remède contre cela, c'est de savoir que, s'il diverge par rapport à ses parents et croit qu'il aura le même sort qu'eux, il fait preuve d'ignorance, et s'il se conforme à eux, ce qui importe ce n'est pas le fait d'admirer leurs vertus, mais de craindre pour le sort de son âme. A vrai dire, la noblesse est conférée par l'obéissance louable (at-tâ'atu l-mahmûda) et non pas par la descendance et la filiation. Allah - تعالى - a dit : { Le plus noble d'entre vous, auprès d'Allah, est le plus pieux d'entre vous } [Qur'ân Sûratu l-hajarât (44) - 13]. De même le Prophète - صلى الله عليه وآله وسلم - a dit à sa fille : « Ô Fâtima ! Je ne peux en rien t'être utile devant Allah ». Si tu dis : Mais le noble espère que ses proches intercèdent en sa faveur ? La réponse est la suivante : tous les musulmans espèrent l'intercession (ach-chafâ'at); il arrive qu'on intercède en faveur d'une personne après qu'elle soit brûlée par le feu et il arrive que les péchés soient si grands que l'intercession ne permette plus de la sauver. Il est rapporté dans les deux Recueils Authentiques, d'après le Hadîth transmis par Abû Hurayra - رضي الله عنه - que le prophète - صلى الله عليه وآله وسلم - a dit : « Je verrai l'un de vous qui viendra au jour de la Résurrection portant sur le cou un chameau qui mugissait. Il me dira : ô Envoyé d'Allah ! Secours-moi ! Je lui répondrai : je ne peux rien pour toi. Je t'ai déjà averti ». Celui qui s'adonne ardemment aux péchés en comptant sur l'espoir de l'intercession s'apparente au malade qui se laisse aller aux plaisirs comptant sur l'habileté et la compétence de son médecin bienveillant. C'est là une attitude pleine d'ignorance, car l'effort du médecin peut servir contre certaines maladies, non pas contre tous les maux. Ceci s'éclaire davantage lorsqu'on sait que les compagnons craignaient beaucoup la vie future. Comment, dans ces conditions, celui qui n'a pas atteint leurs rangs peut-il compter sur l'intercession ou sur autre chose ? La fatuité peut être générée également par la fausse opinion, conformément à la Parole divine : { Qu'adviendra-t-il de celui pour qui la laideur de son action aura été revêtue d'apparences trompeuses et qui considérera comme un bien ? } [Qur'ân Sûratu l-Fâtir (35) - 8] Le remède contre cela est plus difficile que les remèdes contre d'autres maux. En effet, l'homme qui est imbu de lui-même et de ses opinions personnelles, n'écoute point les conseils. D'ailleurs, comment peut-il abandonner ce qu'il considère comme une planche de salut ? En général, le seul remède qui lui convient, consiste à ne pas se fier constamment à ses propres opinions, et à éviter qu'il n'en soit dupé, sauf s'il bénéficie du témoignage favorable et irréfutable du Livre Saint, ou de la Sunna, ou d'une preuve rationnelle qui réunit toutes conditions requises. Mais on ne parvient à le connaître qu'en fréquentant les savants et en pratiquant le Livre Saint et la Sunna. Il convient également, pour celui qui ne consacre pas sa vie à la science (al-'ilm), de ne pas s'engager dans le débat autour des rites et doctrines et de s'en tenir au dogme général en croyant qu'Allah - سبحانه - est Un, qu'il n'a pas d'associé, que « Rien ne ressemble. Il est Celui qui entend et voit », que Son Messager est véridique (as-Sâdiq) dans ce qu'il a rapporté. Il doit aussi croire à ce qui est mentionné dans le Qur'ân sans chercher ni creuser, en consacrant plutôt son temps à la crainte révérencielle (at-taqwâ) et à l'accomplissement des œuvres d'obéissance. Car s'il se lance dans les débats doctrinaux et aspire à acquérir la connaissance, il périra. |
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