9 - La conscience
Mon ami me dit : - Vous parlez de la conscience avec une telle vénération qu'elle semble être pour vous un absolu, alors qu'elle est en fait un produit de la société, une monnaie - rien de plus ! - frappée et fondue dans le creuset des relations sociales.Pour nous, cette conscience est quelque chose de fluctuant. Ses jugements et ses préceptes varient au gré des intérêts. D'une valeur utile, nous disons qu'elle est un « bien ». Par contre, nous appelons « mal » toute valeur causant un préjudice, s'agirait-il même de cette intégrité à laquelle vous tenez comme à la prunelle de vos yeux ! Je répondis calmement : - Oui ! Si j'ai bien entendu, c'est là la point de vue d'un philosophe matérialiste. La conscience aurait pour fonction d'imposer des restrictions et des limites. Elle serait née des contraintes sociales. Elle serait le fruit d'une expérience qui diffère selon les personnes, les époques et les pays. C'est ce que vous affirmez. Mais la réalité est autre, car la conscience est une lumière déposée par Dieu dans notre nature. Elle est un indicateur, un guide, une boussole que nous possédons dès notre naissance et qui nous conduit vers la vérité. L'acquis social n'a pas d'autre rôle que de nettoyer et polir le verre de cette boussole. Nous possédons des arguments pour appuyer nos dires et réduire à néant les vôtres. Observe le monde animal où n'existe aucune vie en société ! Regarde le chat par exemple ! Lorsqu'il fait ses besoins, il se retourne pour recouvrir de terre ses excréments. Le chat vit-il en société pour avoir appris à se plier à une telle contrainte ? Et comment a-t-il appris à faire la distinction entre saleté et propreté ? Lorsqu'il dérobe un poisson et que tu l'attrapes pour lui donner une tape sur la tête, tu le vois baisser le nez, tout honteux. Il est clair qu'il ressent sa culpabilité... Lorsqu'il joue avec les enfants à la maison et qu'au cours du jeu, il casse un vase, que se passe-t-il ? Il se met à courir avec frayeur pour aller se cacher sous les chaises. Il sait très bien qu'il a commis une faute. Tous ces comportements sont des traits révélateurs d'une conscience. Or il n'existe pas, dans le monde des chats, de raisons à l'apparition d'une telle sensibilité. Et rappelons qu'au point de départ, nous n'observons pas de vie en société parmi les chats. Voici d'autres exemples : les traditions de fidélité au couple chez les pigeons ; la noblesse du cheval dans l'attachement à son maître, jusqu'à la mort ; l'orgueil du lion qui ne condescend pas à attaquer sa proie par l'arrière ; le honte du chameau qui interrompt l'accouplement avec sa femelle lorsqu'il remarque qu'on l'observe. On se souvient aussi du grave accident que tous les spectateurs ont pu voir au cirque al-Hélou, au Caire, lorsqu'un lion sauta par l'arrière sur le dompteur Muhammad al-Hélou et qu'il lui planta ses griffes dans les épaules, le blessant à mort. Les responsables du cirque nous racontent les suites de l'accident : le lion refusa toute nourriture et il se confina dans sa cage, sans la quitter un instant. On le transporta ensuite au zoo où on lui présenta une lionne pour le distraire ; mais il la frappa et la rejeta. Il demeura ainsi, refusant de manger, jusqu'au jour où, rageur, il déchiqueta sa patte criminelle, provoquant une hémorragie dont il mourut. Un animal qui se suicide de remords en repensant au crime qu'il a commis ! De quelle société, dans le monde des fauves, le lion a-t-il appris un tel réflexe ? Dans la société des fauves, le meurtre d'un homme est-il un crime qui appelle le suicide ? Nous sommes ici en présence d'une noblesse, d'une morale et d'une conscience que nous ne rencontrons pas chez certains humains ! La représentation et l'interprétation matérialistes de la réalité sont vouées ici à l'échec. La religion nous apporte la seule explication possible : la conscience est une Lumière déposée par Dieu dans notre nature. Tout le rôle de l'acquis social est de nettoyer la rouille de l'âme pour que transparaisse cette Lumière divine. C'est ce qui s'est passé entre le lion et son dompteur. L'amour et l'intimité des rapports ont affiné le psychisme de l'animal, ranimant en lui la flamme de la pitié. Et voici que le lion, sous le coup de la tristesse et du remords, se suicide comme le feraient les hommes. « Le permis et le défendu, affirme notre Prophète, sont manifestes. » « Consulte ton coeur, même si l'on t'a donné une sentence légale ! » Nous n'avons besoin d'aucune faculté de la Loi religieuse pour distinguer la faute de ce qui est juste, la vérité de l'erreur, le défendu du permis. Dieu a en effet déposé cette "faculté" dans le coeur de chacun d'entre nous. Il nous a fait don d'un critère infaillible. Il nous est demandé uniquement de libérer notre coeur de la gangue qui l'enveloppe et des passions qui l'obscurcissent. Nous pourrons alors percevoir, regarder, connaître et discerner, sans que soit nécessaire l'aiguillon de l'acquis social. Il suffit de la Lumière divine qui a pour nom la conscience. « Ô vous qui croyez ! Si vous craignez Dieu, Il vous accordera la possibilité de distinguer le bien du mal. » (Coran : 8, 29) Dieu dit de Lui-même, en s'adressant au mystique Muhammad Ibn Abd al-Jabbâr : « Comment désespères-tu de moi, alors que j'ai mis en ton coeur celui qui me représente et parle en mon nom ? » À l'instar de la réalité de la conscience, les principes moraux fondamentaux sont immuables. Tuer un innocent ne deviendra jamais un acte vertueux. De même le vol, le mensonge, l'offense faite à autrui, la fornication, la débauche, l'indécence, la grossièreté, la cruauté, l'hypocrisie et la traîtrise, tous ces défauts le resteront jusqu'à la fin des temps, lorsque Dieu « héritera de la terre et de tous ceux qui s'y trouvent ». Par contre, l'amour, la miséricorde, la sincérité, la mansuétude, le pardon et la bonté resteront toujours des vertus et ne deviendront jamais des crimes... à moins que tout ne se corrompe dans les cieux et sur la terre. Ce serait alors le triomphe de la folie et la fin de la raison. |
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