|
Ibn 'Achoûr - ابن عاشور
Son nom et sa généalogie Muhammad At-Tâhir Ibn Muhammad Ibn Muhammad At-Tâhir Ibn 'Achoûr, plus connu sous le nom d’At-Tâhir Ibn 'Achoûr Son fils qui mourut de son vivant : Al-Fâdl Ibn 'Achoûr. Sa naissance Il naquit à La Marsa, dans la banlieue tunisoise, en septembre 1879, au sein d’une vieille famille d’intellectuels, d’origine andalouse. Son apprentissage Après avoir appris le Noble Coran et le français, At-Tâhir rejoignit la Mosquée Az-Zaytûnah à l’âge de 14 ans. Il étudia avec brio les sciences dispensées dans cette prestigieuse Université. Il fit montre d’un grand intérêt pour le savoir qu’il assimilait, aidé par un esprit vif, un environnement intellectuel et religieux propice et d’éminents professeurs qui assuraient indéniablement le renouveau scientifique et intellectuel de la Tunisie. Les plus éminents de ces professeurs étaient le Sheikh Muhammad An-Najjâr, le Sheikh Sâlim Bûhâjib, le Sheikh Muhammad An-Nakhlî, le Sheikh Muhammad Ibn Yûsuf, le Sheikh `Umar Ibn 'Achoûr et le Sheikh Sâlih Ash-Sharîf, que Dieu leur fasse miséricorde. Pour tous ces Sheikhs, l’Islam était une religion de l’intellect, de la civilisation, de la science et de la modernité. Son enseignement At-Tâhir obtint son diplôme de la Zaytûnah en 1896, et rejoignit le corps enseignant de la Mosquée millénaire. À peine quelques années plus tard, devint-il un professeur de première catégorie, après un examen passé avec succès en 1903. At-Tâhir avait déjà été choisi en 1900 pour enseigner à l’Université Sâdiqiyyah. Cette expérience précoce dans l’enseignement à la Zaytûnah - aux méthodes traditionnelles - et à la Sâdiqiyyah - aux méthodes modernes - marqua la vie du jeune Sheikh, dans la mesure où il saisit la nécessité de combler le fossé entre deux courants de pensée encore en formation, mais qui menaçaient de provoquer un schisme culturel et intellectuel en Tunisie : il s’agissait du courant traditionnel représenté par la Zaytûnah et du courant moderne représenté par la Sâdiqiyyah. Sheikh Ibn 'Achoûr, à peine âgé de 25 ans, consigna ses réflexions dans son précieux ouvrage A-Laysa As-Subh Bi-Qarîb ? (L’Aube n’est-elle pas proche ?), où il porta un regard historique et civilisationnel global permettant de comprendre les mutations profondes que traversait la société islamique en particulier, et la société internationale en général. Sa rencontre avec Mouhammad 'Abdouh En 1903, l’Imâm Muhammad `Abduh, Muftî d’Égypte, se rendit pour la deuxième fois en Tunisie. Cette visite constitua un grand événement culturel et religieux dans les milieux tunisiens. At-Tâhir Ibn 'Achoûr rencontra l’Imâm et une relation chaleureuse s’établit entre les deux hommes. Muhammad `Abduh gratifia Ibn 'Achoûr à cette occasion du titre d’ « ambassadeur du message islamique », lors d’une visite à la Mosquée Az-Zaytûnah. Les deux Sheikhs avaient des qualités communes, notamment leur tendance à la réforme éducative et sociale dont Ibn 'Achoûr allait dessiner par la suite les principaux traits dans son livre Usûl An-Nidhâm Al-Ijtimâ`î fî Al-Islâm (Des Fondements du système social en Islam). Une relation chaleureuse s’établit également entre Rashîd Ridâ et Ibn 'Achoûr. Ce dernier écrivit d’ailleurs des articles pour la revue d’Al-Manâr dirigée par le Sheikh Ridâ. Il rédigea également des articles pour d’autres grandes revues islamiques de l’époque, avant de fonder avec son ami, Sheikh Muhammad Al-Khidr Husayn, la revue As-Sa`âdah Al-`Udhmâ en 1952. Sa pensée et ses fonctions Sheikh Ibn 'Achoûr prônait la tolérance, la modération et la reconnaissance des opinions divergentes. Sa pensée religieuse éclairée rejetait toute forme de fanatisme, d’obscurantisme ou de repli sur soi. Il dit en 1904 : « L’un des principaux préalables qui permettront à la Communauté de progresser sur le terrain des sciences, de l’acceptation de l’illumination des esprits et de la capacité à produire de la connaissance, est d’assimiler le respect des opinions. Les Musulmans avaient, dans le passé, un esprit de tolérance et de reconnaissance des idées tel qu’il ne fut jamais égalé par leurs contemporains. L’Histoire et les historiens en sont témoins. Mis à part quelques fanatiques, et malgré les débats et les polémiques existant entre les différents courants d’opinion, on ne rencontrait pas de fanatisme à proprement parler. L’entrave des opinions est un précurseur de malheurs pour l’avenir de la Communauté. Il signifierait que cette dernière a désormais peur de débattre et de polémiquer avec ses opposants. » En 1907, At-Tâhir Ibn 'Achoûr fut désigné premier directeur adjoint de la section scientifique de la Mosquée Az-Zaytûnah. Il entreprit alors de mettre en application son plan de réforme intellectuelle et éducative. Il apporta ainsi un certain nombre de changements dans l’enseignement, et rédigea un rapport sur la réforme de l’enseignement qu’il présenta au gouvernement. Une partie de ses propositions furent acceptées et adoptées. Il travailla également à relancer le domaine des lettres arabes. Pour ce faire, il ajouta au programme scolaire de nombreux cours de grammaire et de littérature, et enseigna lui-même son ouvrage intitulé Sharh Dîwân Al-Hamâsah Li-Abî Tammâm (Commentaire du recueil poétique Al-Hamâsah de Abû Tammâm). Sheikh Ibn 'Achoûr comprit par ailleurs que la réforme de l’enseignement passait avant tout par une réforme des sciences qui étaient enseignées. Il pensait en outre que la modificiation d’un système social quelconque de la planète exigeait une mutation profonde des idées et des valeurs intellectuelles. Cela ne pouvait donc avoir lieu qu’à travers une mutation de l’enseignement administré aux générations futures. Pour cette raison, il travailla à susciter dans les grandes villes tunisiennes un enseignement primaire semblable à ce que faisait déjà Al-Azhar en Égypte. Mais on opposa de nombreux obstacles à cette démarche qui fut la sienne. Selon Sheikh Ibn 'Achoûr, la faille corruptrice de l’enseignement islamique provient avant tout de la corruption de l’enseignant, de la corruption des livres étudiés et de la corruption du système public. Aussi donna-t-il la priorité à la réforme des sciences et des ouvrages du programme scolaire. En 1910, Ibn 'Achoûr fut choisi dans le cadre de la première commission de réforme de l’enseignement de la Zaytûnah. Il fut à nouveau choisi en 1924 dans le cadre de la seconde commission. Il fut enfin désigné Sheikh de la Mosquée Az-Zaytûnah en 1932, en sus de la position de Sheikh de l’Islâm mâlikite qu’il occupait déjà. Il devint ainsi de fait le premier Sheikh de la Zaytûnah à accumuler ces deux fonctions. Mais très vite, après un an et demi seulement, il démissionna de son nouveau poste en raison des obstacles qu’on lui opposait dans sa volonté de réformer la Zaytûnah, et de sa confrontation avec un certain nombre de Sheikhs qui désapprouvaient ses objectifs. On le nomma néanmoins à nouveau à la même fonction en 1945. Des foules en liesse descendirent dans les rues des villes tunisiennes pour acclamer le retour de leur Sheikh. De Tunis à Sfax en passant par Sousse et Kairouan, les Tunisiens exprimèrent leur bonheur de retrouver un être cher. Après ce retour en grande pompe à la Zaytûnah, Ibn 'Achoûr put concrétiser ses idées et mener de profondes mutations dans le système universitaire zaytûnite. Sheikh Ibn 'Achoûr avec ses étudiants Les étudiants de la Zaytûnah augmentèrent de manière remarquable et les instituts scolaires rattachés à la Mosquée furent plus nombreux que jamais. En effet, alors que le nombre d’antennes zaytûnites s’élevait à huit en 1949, il passa à vingt-cinq en 1956, dont deux pour les filles, un à Tunis et un à Sfax. Le nombre d’étudiants inscrits à la Zaytûnah en 1956 s’élevait quant à lui à vingt mille étudiants ! Le réseau des antennes de la Zaytûnah s’étendit également à l’extérieur de la Tunisie : deux antennes furent ainsi fondées dans la ville de Constantine en Algérie. Sheikh At-Tâhir Ibn 'Achoûr concentra également ses efforts sur la refonte des livres scolaires, des méthodes d’enseignement et des instituts rattachés à la Zaytûnah. Il remplaça de nombreux vieux ouvrages qui avaient été pour ainsi dire sanctifiés au cours du temps, se préoccupa de l’enseignement des sciences physiques et des mathématiques et assura le bon déroulement de la spécialisation des étudiants de niveau supérieur. Il pensait par ailleurs introduire de nouvelles méthodes d’apprentissage diverses et variées. Il veilla en outre à ce que l’enseignement zaytûnite garde sa spécificité religieuse et arabe. Pour Sheikh Ibn 'Achoûr, un étudiant de la Zaytûnah devait étudier des livres qui développeraient ses capacités intellectuelles et qui lui permettraient d’approfondir le sens des mots. Pour cette raison, il appela à diminuer la charge des cours magistraux pour les remplacer par des activités pratiques de réflexion. L’étudiant pourrait ainsi développer sa propre compréhension et se prendre en charge tout seul, plus tard, dans l’acquisition de la connaissance. En 1956, à l’indépendance de la Tunisie, le Sheikh se vit affecté à la fonction de doyen de l’Université Az-Zaytûnah. La Libération et l’Illumination Sheikh At-Tâhir Ibn 'Achoûr était un érudit réformateur, dont l’œuvre, constituée d’une quarantaine de livres savants, et la personnalité ne sauraient être abordées sous un seul jour. Néanmoins, son aspect le plus saillant demeure sa volonté de réforme et de renouveau dans un cadre purement islamique, loin des idéologies étrangères. Sa pensée et ses écrits constituèrent une révolution aussi bien contre le mimétisme et la cristallisation des esprits que contre la négligence et la perte intellectuelle et civilisationnelle. Sheikh At-Tâhir Ibn 'Achoûr est l’un des plus grands commentateurs et exégètes du Noble Coran de l’ère contemporaine. Son exégèse intitulée Tafsîr At-Tahrîr Wat-Tanwîr (Exégèse de la Libération et de l’Illumination) contient la forme achevée et accomplie de ses opinions juridiques et rénovatrices. Cette exégèse encyclopédique en trente volumes fut progressivement écrite sur une période de 50 ans. L’érudition de Sheikh Ibn 'Achoûr se manifesta dans toute sa splendeur dans cette œuvre colossale, au point qu’il se fit un devoir de rédiger dix introductions, chacune traitant des différentes sciences qu’il mettrait à profit dans son exégèse : l’histoire, la linguistique, la théologie, la jurisprudence, etc. Le Sheikh expliqua par ailleurs dans cette vaste entrée en matière que sa méthodologie consistait à se poser en arbitre et en juge pour critiquer de manière constructive divers exégètes et commentateurs qui l’avaient précédés. Selon lui, « se contenter de répéter des propos déjà tenus antérieurement au niveau de l’exégèse constitue un obstacle devant le flot intarissable du Noble Coran ». Il veilla donc à extraire la meilleure substance des exégèses passées en y insufflant la quintessence de sa pensée et un regard nouveau au service du Noble Coran. L’Exégèse de la Libération et de l’Illumination est en réalité une exégèse linguistique, dans laquelle l’auteur s’intéressa tout particulièrement aux détails linguistiques et rhétoriques de chacun des versets du Coran. Sheikh Ibn 'Achoûr mentionna également dans son œuvre un certain nombre de vérités scientifiques, mais avec modération, sans se lancer dans des approfondissements pointus. Ibn 'Achoûr formula des critiques à l’égard d’un certain nombre d’exégèses et d’exégètes, tout comme il critiqua la conception que nombreux se faisaient habituellement de l’exégèse. Il critiqua en particulier la pratique de certains exégètes qui consistait à s’arrêter aux narrations traditionnelles, même si elles sont faibles ou controuvées, et d’éviter soigneusement de donner une interprétation personnelle, même si elle est plausible et sensée. Le Sheikh dit : « On a cru, en effet, que ce qui diverge des récits traditionnels antérieurs sort nécessairement de la signification voulue par Dieu. » Les livres d’exégèse devinrent ainsi entièrement dépendants des interprétations des anciens. L’exégète ne se voyait d’autre travail que de collecter ces interprétations. Par ce regard, la discipline de l’exégèse coranique était devenue « une consignation de propos par laquelle on entravait la compréhension du Coran et on confinait sa signification ». Cette approche exégétique s’accordait ainsi avec l’école réformatrice menée par l’Imâm Muhammad `Abduh et qui estimait que le meilleur commentateur du Noble Coran était le temps. Car c’est avec le temps que les esprits peuvent appréhender de nouvelles significations, démontrant la profondeur intrinsèque du Coran. L’interaction positive qu’avait Sheikh Ibn 'Achoûr avec le Noble Livre fut d’une infuence considérable sur la maturation de son esprit. Ses horizons s’élargirent et il parvint à saisir les finalités, les objectifs et les desseins du Coran. Cette compréhension percutante était une base essentielle pour appréhender les finalités de la Législation islamique, auxquelles il consacra le plus important de ses ouvrages après At-Tahrîr Wat-Tanwîr : Maqâsid Ash-Sharî`at Al-Islâmiyyah (Les Finalités de la Législation islamique). Les Finalités de la Législation islamique At-Tâhir Ibn 'Achoûr rejeta l’idée selon laquelle la porte du ijtihâd aurait été fermée à la fin du Ve siècle de l’ère musulmane, et qu’il serait impossible de la rouvrir. Il opinait que l’enfermement des Musulmans dans une vision cristallisée et imitatrice était de nature à cultiver la paresse et à entraver le recours à la raison pour trouver des solutions aux questions nouvelles qui se posaient à eux dans leur vie quotidienne. Dans cette perspective, il exprima le besoin d’enrichir, en permanence, la jurisprudence islamique tout en donnant une place prépondérante à l’esprit et aux visées de la Législation. Aussi, le livre du Sheikh Ibn 'Achoûr, Maqâsid Ash-Sharî`ah Al-Islâmiyyah, constitue-t-il l’un des meilleurs écrits dans ce domaine, de par la clarté de sa pensée, la précision de son exposé, sa méthodologie saine et son analyse exhaustive. La place de la femme dans l'apprentissage At-Tâhir Ibn 'Achoûr aouvrit pour la première fois, en 1949, les portes de la Zaytûnah à des étudiantes. Il inaugura une section réservée aux femmes, afin de former des promotions féminines connaissant leur religion sur des bases solides qui leur permettraient de remplir parfaitement leur rôle dans la société. L’épreuve de la naturalisation At-Tâhir Ibn 'Achoûr n’était pas à l’abri des flèches de la colonisation, ni de ses ennemis, ni même des opposants à son programme rénovateur et réformateur. Le Sheikh fut la cible d’une rude épreuve qui dura environ trois décennies et qui fut connue sous le nom de « l’épreuve de la naturalisation ». En bref, le colon français décréta une loi en 1910, dite décret de naturalisation, permettant aux Tunisiens qui le désiraient d’obtenir la nationalité française. Les patriotes tunisiens réagirent fermement contre ce décret en interdisant aux Tunisiens naturalisés d’être inhumés, à leur mort, dans les cimetières musulmans. La naturalisation française ne signifiait alors rien de plus qu’une abjuration de l’Islam. Cette réaction déstabilisa les autorités françaises qui recoururent à une ruse pour faire émettre une fatwâ promettant aux Tunisiens naturalisés la possibilité de se repentir, et ce, à travers une question apparemment d’ordre général, ne concernant pas directement le cas tunisien, et qui serait soumise au Conseil religieux. Ibn 'Achoûr occupait alors, en 1933, la présidence du Conseil religieux des savants malékites. Le Conseil prononça alors le verdict suivant : Si un naturalisé venait à se présenter devant le juge, il serait tenu de prononcer l’attestion de foi musulmane, et d’abandonner sa nouvelle nationalité, sans quoi il serait considéré comme un renégat de l’Islam. Mais le colonialisme annula cette fatwâ et une campagne de diffamation et de calomnies fut lancée contre le noble savant. Cette campagne pécheresse se reproduisit de nombreuses fois contre le Sheikh, cependant qu’il demeura ferme et endurant, ne plaçant sa confiance qu’en Dieu. Véridique est la Parole de Dieu et mensongère est celle de Bourguiba Parmi les plus célèbres prises de position de Sheikh At-Tâhir Ibn 'Achoûr, fut son refus catégorique d’émettre une fatwâ rendant licite la non-observance du jeûne du Ramadân. Cette prise de position lui valut d’être démis de ses fonctions de Sheikh de la Zaytûnah. C’était en 1961, alors que feu le Président tunisien Al-Habîb Bûruqayba demandait aux ouvriers de ne plus jeûner le mois de Ramadân, sous prétexte d’augmenter la productivité. Le Président demanda au Sheikh Ibn 'Achoûr d’émettre, dans une allocution radiodiffusée, une fatwâ allant dans ce sens. Le Sheikh, écouté par des milliers d’auditeurs, ne se laissa pas intimider et récita les versets coraniques prescrivant le jeûne du Ramadân, après quoi il conclut : « Véridique est la Parole de Dieu et mensongère est celle de Bourguiba ! » L’offense présidentielle et laïque contre les sentiments du peuple musulman de Tunisie s’évanouit, en laissant la place à la parole de vérité défendue par Sheikh Ibn 'Achoûr. L’héritage d’Ibn 'Achoûr Bien que le rôle joué par le Sheikh Ibn 'Achoûr en Tunisie ait été de la première importance dans la construction d’une Tunisie moderne, éduquée et alphabétisée, sa contribution a été largement occultée au fil des années par des courants de pensée intrus et destructeurs qui se sont attribués à eux-mêmes les acquis enregistrés par cet homme sur près d’un siècle. Ces courants de pensée, restes de la colonisation occidentale des contrées musulmanes, veulent répandre des idées destructrices se résumant au fait que l’Islam, la pensée musulmane et la Législation islamique sont les causes du retard musulman, et que, avant d’envisager tout progrès du monde musulman en général, et de la Tunisie en particulier, il est nécessaire d’exclure l’Islam de la scène publique. On aura bien sûr reconnu le courant de pensée laïque, qui manifesta par exemple son projet de désislamisation de la Tunisie à travers la demande du Président Bûruqaybah de ne plus jeûner le mois de Ramadân. Ibn 'Achoûr, conscient de ce défi, tenta, avec ses amis réformateurs comme son compatriote Sheikh Muhammad Al-Khidr Husayn en Égypte, de repousser l’invasion culturelle occidentale des territoires musulmans, invasion qui venait poursuivre le travail non achevé par l’invasion militaire et coloniale. Sheikh Ibn 'Achoûr démontra par sa pensée que la renaissance des pays musulmans était possible dans le cadre de l’Islam, et non en dehors, comme le voulaient les laïques. Malheureusement, la relancée inaugurée par le Sheikh Ibn 'Achoûr ne se poursuivit pas après lui, en raison de plusieurs facteurs qu’il serait trop long de développer ici. On dira seulement que l’enseignement zaytûnite, pour lequel le Sheikh a dépensé maints efforts, a été sérieusement mis à mal depuis 1960, par des années de dictature laïque. Le niveau des diplômés aujourd’hui est très loin d’atteindre ce qu’on pourrait espérer d’un étudiant issu de cette prestigieuse Université. Alors qu’elle brillait dans le passé sur tout le continent africain, la Zaytûnah a vu son éclat ternir et a perdu progressivement son rôle de gardienne et de citadelle de l’Islam en Afrique. Les courants intrus en sont venus à bout. La situation est d’autant plus inquiétante que le peuple musulman de Tunisie risque d’oublier son histoire islamique rayonnante de savoir et de savants comme Sheikh Ibn 'Achoûr, et de perdre ses croyances devant la remise au goût du jour de symboles d’un autre âge comme Hannibal ou la Princesse Alyssa, et ce, pendant que les mosquées sont fermées et que les programmes scolaires sont édulcorés de tout ce qui rattache sérieusement aux valeurs islamiques de ce pays. Sa mort Après une vie remplie de savoir et d’efforts, tant sur la scène tunisienne que sur la scène islamique, Sheikh Muhammad At-Tâhir Ibn 'Achoûr décéda le 12 août 1973, à l’âge de 94 ans. Il est enterré à Tunis, dans le cimetière d’Az-Zallâj. |
|