Des hommes autour du Prophète (Mouhammad Khalid) - رجال حول الرسول
Abdallah Ibn OmarCe valeureux compagnon avait dit à la fin de sa longue vie: «J'ai prêté allégeance au Messager (ç) et depuis je n'ai pas trahi, je n'ai pas prêté allégéance à un partisan de sédition et je n'ai pas réveillé un croyant de son sommeil.» Ce témoignage résume la vie de cet homme de bien qui avait vécu
85 ans. La relation avec l'Islam et le Prophète (ç) commença le jour où les
musulmans allaient sortir pour Badr. Il accompagna son père Omar ben al-Khattab
au regroupement, avec l'intention de prendre part à l'expédition. Mais le
Prophète (ç) ne l'accepta pas, en raison de son très jeune âge. Abdallah n'avait
que 13 ans. Depuis ce jour-là, ou plutôt depuis le jour où il fit l'exode à
Médine avec son père, ses liens se tissèrent avec l'Islam. Il apprit de son père une partie du bien; avec son père
il·apprit du Prophète (ç) tout le bien. Comme son père, il sut être un bon
croyant. Il voyait comment le Prophète (ç) procédait puis il l'imitait. Il
suivait le Prophète (ç) en tout, si bien que cela étonnait. Là, le Prophète (ç) avait fait une prière. Eh bien! Ibn Omar y
faisait une prière. Là-bas, le Prophète (ç) faisait des invocations debout. Eh
bien! Ibn Omar y invoquait debout. En cet endroit-là, lors d'un voyage, le
Prophète (ç) descendit de sa chamelle et fit deux rak'a. Eh bien! Ibn Omar
appliquait le même chose quand il passait par le même endroit. Bien plus, quand il allait à la Mecque, il faisait tourner sa
chamelle deux fois à telle place, puis descendait et priait deux rak'a, parce
qu'il avait vu le Prophète (ç) agir ainsi. Durant sa longue vie, il était si dévoué et attaché aux
traditions du Prophète (ç) que le musulman disait: En plus de ce respect scrupuleux des faits et gestes du
Prophète (ç), Ibn Omar était très attentif quant à rapporter les hadiths. Ses
contemporains avaient laissé ce témoignage: «Parmi les compagnons du Messager de
Dieu, personne n'était plus prudent qu'Ibn Omar à rapporter fidèlement les
hadiths du Messager.» Il l'était aussi dans le domains des fatwa. Une fois, un
musulman lui ayant demandé un avis religieux sur une question, Ibn Omar avait
dit: «Je n'ai pas de connaissance sur ce que tu m'interroges.» Puis, tout
content, il avait dit: «J'ai été interrogé sur ce que je ne sais pas et j'ai dit
que je ne savais pas!» Ainsi, il craignait beaucoup de prendre l'initiative
d'une fatwa, bien qu'il menât une vie conforme aux préceptes de la religion
musulmane. Sa crainte de Dieu lui dictait aussi de ne pas accepter la
fonction de cadi. Il refusa cette fonction en dépit des demandes répétées du
khalife Othman (r). Quand ce dernier lui dit: «Est-ce que tu me désobéis?» Ibn
Omar dit: «Pas du tout. Mais je sais qu'il y a trois types de cadis. Il y a le
cadi qui juge par ignorance: celui-là ira au Feu. Il y a aussi le cadi qui juge
par Sur ce, Othman le dispensa de cette tâche si ingrate. C'est que
Abdallah ben Omar preférait s'occuper de lui-même. Il recherchait toujours la
chasteté, la purification permanente de son âme. Il était le compagnon de la
nuit: il la passait en prières et en invocations pieuses. Etant jeune, il avait vu un rêve, que le Prophète (ç) le lui avait interprété de la façon suivante: La prière de nuit serait la joie d'Ibn Omar. Celui-ci avait raconté son rêve ainsi: «Du vivant du Messager (ç), je me suis vu en rêve tenant un morceau de brocard. Chaque fois que je voulais un endroit du Jardin, il m'y emmenait après m'avoir pris en vol. J'ai vu aussi deux (anges) venir à moi. Ils voulaient m'emmener au Feu. mais un autre ange s'est interposé et a dit: «N'aie pas peur.» Puis, tous deux m'ont laissé. Hafsa (ma soeur) a raconté le rêve au Prophète (ç) qui a dit: «Quel excellent homme est Abdallah! s'il faisait des prières la nuit et en multipliait.» Depuis ce jour-là, Ibn Omar ne râta aucune prière nocturne, qu'il fût chez lui ou en voyage. Il priait, récitait le Coran, invoquant beaucoup. Obayda ben Omayr avait dit: «Un jour, j'ai récité devant Abdallah ben Omar. "Comment en serait-il autrement quand Nous ferons surgir de toute nation son témoin, et te produisons toi-même en témoin de tous ceux-là? * Ils voudront bien ce jour-là, les dénégateurs, les rebelles à l'Envoyé, que la terre sur eux se nivelle: mais ils ne pourront à Dieu celer nul propos (s. 4, v. 41-42). Alors, il s'est mis à pleurer si bien que ses larmes ont mouillé sa barbe.» Une autre fois, alors qu'il était assis avec des musulmans, il récita *Malheur aux escamoteurs *qui lorsqu'ils achètent aux gens leur prennent large mesure * et lorsqu'ils leur vendent, à la mesure ou au poids, leur font perdre * n'appréhendent-ils pas, ceux-là, d'être ressuscités * en un Jour solennel *un Jour où les hommes comparaîtront devant le Maître des univers (s. 83, v. 1-2-3-4-5-6). Puis, il se mit à répéter un Jour où les hommes comparaîtront devant le Maître des univers (s. 83, v. 6). pendant qu'il pleurait à chaudes larmes. * * * Sa générosité, son ascétisme, sa piété agissaient en lui en une grande harmonie pour former les qualités de l'homme vertueux. En effet, Ibn Omar donnait sans compter parce qu'il était un généreux; il donnait la chose bonne, licite parce qu'il était un pieux, et il ne se souciait pas que sa générosité le laisserait pauvre, parce qu'il était un ascète. Certes, Ibn Omar avait des revenus appréciables - il était un
commerçant - et aussi une pension que lui versait le Trésor public (Bayt
al-Mal). Mais il ne réservait pas tout cela à lui seul. Au contraire, il en
donnait aux pauvres, aux démunis, etc... Ayoub ben Wail racontait qu'Ibn Omar avait un jour reçu 4000
dirhams et une pièce de velours. Le jour suivant, il le vit au souk en train
d'acheter à crédit une quantité de fourrage pour sa monture. Alors, Ayoub alla
interroger la femme d'Ibn Omar: «N'a-t-il pas reçu 4000 dirhams ainsi qu'une
pièce de velours? - Oui, répondit-elle. - Je l'ai vu aujourd'hui au souk en
train d'acheter du fourrage pour sa monture, sans en avoir le prix... - Il n'est
rentré hier soir qu'après avoir distribué la somme. Puis il a pris la pièce de
velours sur son épaule et il est sorti. A son retour, elle n'était plus avec
lui. Nous lui avons posé la question et il a répondu qu'il en avait fait don à
un pauvre.» C'est vrai, Ibn Omar n'était pas un avare. Les biens matériels ne faisaient que passer par ses mains. Il en donnait toujours aux nécessiteux et aux pauvres. Et puis, il ne mangeait jamais seul. Il invitait régulièrement des orphelins ou des misérables. C'est pourquoi les pauvres se mettaient sur son chemin, pour être invités. Le bien matériel était au service d'Ibn Omar, non un maître; un
moyen de vie, non de faste. Sa fortune n'était pas à lui seul mais aussi aux
pauvres. C'était sa piété qui l'avait aidé à être généreux. Il ne se passionnait
pas pour les biens de ce monde comme il ne les recherchait pas. Il se suffisait
du simple vêtement pour s'habiller et de la nourriture pour dominer sa
faim. Une fois, un ami venant de Khorasan lui offrit un vêtement
doux. Ibn Omar dit, en le touchant: «Est-ce de la soie?» - Non, dit l'autre,
c'est du coton. - Non, dit Ibn Omar en repoussant l'habit de sa main, je crains
qu'il ne me transforme en un vaniteux. Alors que Dieu n'aime pas le
vaniteux.» Une autre fois, un ami à lui apporta un bol rempli et le lui
offrit: «Qu'est-ce que c'est? demanda Ibn Omar. - C'est un médicament très
efficace, dit son ami. je te l'apporte d'Irak. - Et que guérit ce médicament? -
Il aide à digérer les aliments. - Digérer les aliments? dit Ibn Omar en
souriant, mais je ne me suis jamais rassassié depuis 40 ans.» Ainsi, depuis une quarantaine d'années, il ne mangeait que pour tromper la faim. Il menait sa vie ainsi par piété et ascétisme. Il avait pour modèle le Messager (ç) et il craignait qu'on lui dît au Jour de la résurrection: Vous avez épuisé vos bonnes actions durant votre vie d'ici-bas, à loisir vous en avez joui (s. 46, v.20). Il savait bien qu'il n'était que de passage dans cet ici-bas. Maymoun ben Mahran: «Je suis entré chez Ibn Omar et j'ai évalué
ce qu'il y avait comme couche, couverture, tapis, etc. Tout cela n'équivalait
pas les cent dirhams.» Cela n'était pas dû à la pauvreté, puisqu'Ibn Omar était
riche, et cela n'était pas dû à l'avarice puisqu'Ibn Omar était généreux. Au
contraire, cela était le résultat de l'ascétisme. Quand on lui parlait des
plaisirs de ce monde, il disait: «Mes compagnons et moi, nous nous sommes unis
pour une cause, et je crains, si je les contredis, de ne pas les
rejoindre.» * * * Par ailleurs, Ibn Omar avait dit: «Ô Dieu! Tu sais bien que si
ce n'est le fait que nous te craignons, sûr que nous ferons concurrence contre
les nôtres que sont les Qoraychites.» En effet, si ce n'était la crainte de
Dieu, il aurait disputé le pouvoir. Mais il n'avait pas besoin de se jeter dans
la bataille pour cette vie d'ici-bas. On lui avait proposé le khalifat plusieurs fois, on avait bien voulu lui forcer la main par des menaces de mort au cas où il refusait le poste de khalife. Mais lui refusait. Al-Hasan (r): «Après l'assassinat de Othman ben Affan, ils ont dit à Abdallah ben Omar: "Tu es le seigneur des gens, ainsi que le fils de leur seigneur. Alors, sors pour que nous t'assurons l'allégeance des gens." il a refusé. Sur ce, ils ont dit: "Ou tu sors ou nous te tuons sur ta couche!" Il leur a dit la même chose. Ils l'ont appâté, ils lui ont fait peur, mais ils n'ont rien eu de lui.» Plus tard, quand les troubles devinrent plus graves, un homme alla le trouver et lui dit: «Il n'y a pas pire que toi pour la communauté de Mohammad. - Mais pourquoi? Par Dieu! Je n'ai pas fait couler leur sang, je n'ai pas divisé leurs rangs et je n'ai pas brisé leur union. - Si tu décides d'accepter le khalifat, il n'y aura même pas deux pour diverger à cause de toi. Je n'aime pas, quand j'obtiendrai le pouvoir, que quelqu'un dise: "Oui" et qu'un autre dise: "Non". Plus tard encore, quand Mouawiya ben Yazid démissionna de son
poste de khalife, Marouan alla proposer à Ibn Omar d'être le nouveau
khalife. * * * Ibn Omar avait toujours condamné l'usage de la force entre les musulmans. C'est pourquoi il avait adopté une position de retrait, de neutralité quant au conflit sanglant entre les partisans de Mouawiya et les partisans d'Ali. Mais son non-alignement ne signifiait pas qu'il se taisait devant les injustices. Il avait maintes fois exprimé son opposition ou son désaccord contre Mouawiya alors que celui-ci était au sommet de sa puissance. Un jour, al-Hajjaj avait dit dans un discours: «Ibn az-Zoubayr a procédé à des falsifications dans le Livre de Dieu.» Ibn Omar avait alors dit immédiatement, à voix haute: «Tu mens! tu mens! tu mens!» Malgré son franc parler, il était très soucieux de ne pas avoir
le moindre rôle sans le conflit armé qui secouait les musulmans. D'autre part,
il était très peiné de voir les musulmans qui s'entretuaient. Toutefois, son coeur était avec Ali (r). A la fin de sa vie, il avait dit: «J'ai de la peine pour une chose que j'ai laissé passer dans cet ici-bas. C'est que je n'ai pas combattu avec Ali la troupe tyrannique.» Quand il avait refusé de combattre avec l'imam Ali (r) qui avait le droit de son côté, il l'avait fait par refus des troubles dans la communauté musulmane. Lorsque'il fut interrogé sur sa réserve à soutenir l'imam Ali, il avait dit: «Ce qui m'en empêche c'est que Dieu a interdit de faire couler le sang du musulman. Dieu a dit Combattez-les jusqu'à ce qu'il ny ait plus trouble, et que la religion soit rendue à Dieu (s. 2, v. 193). Nous avons agi en conséquence. Nous avons combattu les polythéistes jusqu'au jour où la religion a été rendue à Dieu. Mais, aujourd'hui, pourquoi combattrions-nous? J'ai combattu alors que les idoles remplissaient le Sanctuaire du coin jusqu'à la porte... Est-ce que je combattrai aujourd'hui celui qui dit il n'est de dieu que Dieu» Ainsi raisonnait-il, ainsi argumentait-il. Il refusait tout simplement la guerre civile dans la communauté musulmane. Il détestait qu'un musulman dégainât son sabre contre un autre musulman. |
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