Des hommes autour du Prophète (Mouhammad Khalid) - رجال حول الرسول
Salman al-FarisyCette fois, le héros vient de Perse. Plus tard, dans ce pays, l'Islam sera embrassé par de nombreux hommes. Il en fit des croyants à la foi incomparable, au savoir immense tant en religion qu'en les choses de l'ici-bas. C'est là une des merveilles de l'Islam. Dès qu'il investit un pays, il y déclenche dans un grand mouvement les énergies et la créativité des habitants, si bien qu'apparaissent des philosophes, des médecins, des savants en religion, des astronomes, des inventeurs... En ces temps-là, ces érudits de savoir surgissaient de partout, de chaque pays, si bien que les premières époques du règne de l'Islam assistaient à une profusion de génies extraordinaires dans tous les domaines. Leurs pays étaient multiples mais leur religion était une. L'Envoyé (ç) avait déjà annoncé cette extension bénie de sa religion. Bien plutôt, il en reçut promesse de véracité de la part de Dieu le Connaissant. Un jour, Dieu lui fit voir l'avenir de l'Islam. L'Envoyé (ç) vit alors de ses yeux l'étendard de l'Islam flotter sur les cités et les palais des monarques de la terre. Salman al-Farisy était présent. Il avait un lien très certain avec ce qui se passa. Cela eu lieu durant le siège des Coalisés. En l'an 5 ap. I'Hég., les notables des juifs se dirigèrent vers la Mecque, pour convaincre les associants d'éradiquer cette nouvelle religion. Leur mission fut un succès, puisqu'ils réussirent à mettre sur pied une coalition impressionnante. Le plan proposé par les juifs fut vite adopté. Les Quraych et les Ghatafan attaqueraient Médine de l'extérieur, tandis que les juifs des Banou Quraydha la prendraient de l'intérieur, par derrière les rangs des musulmans. Ainsi l'Envoyé (ç) et ses compagnons seraient broyés comme par une meule. Quand cette armée d'associants se présentera devant Médine, les musulmans seront surpris, malgré les préparatifs faits. Dieu décrit bien la situation d'alors: lors elles surgirent pour vous de dessus et de dessous, et que fléchirent les regards, et que les coeurs montèrent dans les gorges et que vous conjecturiez force conjectures sur Dieu... Les troupes ennemies seront composées de 24.000 guerriers, sous le commandement d'Abou Sufyan et Oyayna b. Hiçn. Cette armée ne représentait pas les tribus de Quraych ou Ghatafan mais toutes les tribus associantes et leurs intérêts. Ce sera là la dernière tentative entreprise par tous les ennemis de l'Envoyé (ç), Quand Médine fut informée des intentions belliqueuses des Coalisés, les musulmans jugèrent la situation très critique. L'Envoyé (ç) réunit ses compagnons pour des consultations. Tous convinrent évidemment, de combattre, de défendre la cité. Mais, comment organiser la défense devant une armée si nombreuse? Là, s'avança l'homme aux grandes jambes et aux cheveux fournis, l'homme à qui l'Envoyé (ç) portait un grand sentiment de respect. Salman s'avança vers une hauteur, d'où il jeta sur la cité un regard examinateur. Il remarqua qu'elle était, d'un côté, bien protégée par une montagne rocailleuse mais vulnérable par cette grande brèche-là. Une issue bien faite qui n'attendait que les troupes ennemies. Salman, qui connaissait les tactiques et les ruses de guerre de son pays, suggéra à l'Envoyé (ç) une proposition inconnue jusque-là des Arabes. C'était le creusage d'un fossé le long de la zone découverte. Dieu seul sait quelle serait le sort de l'Islam, si les musulmans n'avaient pas creusé ce fossé. Quand les associants virent cette grande tranchée, ils en eurent le vertige. Ils restèrent impuissants dans leurs tentes, durant un mois, jusqu'à cette nuit-là où Dieu envoya sur eux une tornade furieuse et mugissante qui les obligea à lever leur camp. * * * Durant le creusement du fossé, Salman tenait sa place avec son équipe, car chaque équipe avait une surface déterminée à creuser. L'Envoyé (ç) creusait aussi avec son pic. Dans la surface où Salman et ses compagnons travaillaient, un énorme rocher ne voulait pas céder le passage devant les coups répétés de leurs pICS. Salman, dont la constitution était solide, ne put pourtant pas avoir raison de ce rocher-là. Lui et ses compagnons aussi ne purent le faire remuer. Ils restèrent impuissants. Alors, Salman s'en alla demander à l'Envoyé (ç) la permission de changer le tracé du fossé, pour éviter le rocher qui leur tenait tête. L'Envoyé (ç) vint examiner l'endroit et le rocher. Quand il le vit, il demanda un pic puis il les invita à se retirer un peu plus loin. Après quoi, il cita le nom de Dieu, et de toutes ses mains il frappa le rocher avec force et détermination. Celui-ci dégagea une brillance pleine d'étincelles. Salman dira: «Je l'ai vu illuminer les alentours.» C.-à-d. les alentours de Médine. Au premier coup, l'Envoyé (ç) dit à haute voix: «Dieu est Grand! On m'a donné les clefs de la Perse. Il m'a illuminé d'elle les palais rouges d'al-Hira et les cités de Cosroès. Ma communauté l'emportera sur elle.» Il leva haut le pic et frappa une seconde fois. Le roc étincela vivement et se fissura. L'Envoyé (ç) dit à haute voix: «Dieu est Grand! On m'a donné les clefs de Byzance. Il m'a illuminé d'elle ses palais rouge. Ma communauté l'emportera sur elle.» Au troisième coup, le rocher céda complètement, après avoir brillé intensément. L'Envoyé (ç) lança le tekbîr, ainsi que les musulmans. Il les informa qu'il voyait à ce moment-là l'étendard de l'Islam flotter sur les palais de Syrie, de Çanâ et d'autres cités du monde. Alors, les musulmans dirent à haute voix: «Voilà ce que Dieu, ainsi que son Envoyé, nous a promis! Dieu dit vrai, ainsi que son Envoyé!» Salman avait eu donc l'idée du fossé, et c'est lui qui buta sur le rocher et assista à la prédiction envoyée par Dieu. Il était tout près de l'Envoyé (ç) à voir la lumière qui se dégageait du rocher et à entendre la bonne nouvelle. Il vivra et verra cette bonne nouvelle se réaliser dans les cités de Perse et de Byzance ; il verra les palais de Çanâ, de Syrie, d'Irak ; il verra tant de pays entendre l'appel du muezzin fuser du haut des mosquées. * * * Bien plus tard, le voilà assis à l'ombre de l'arbre qui se trouvait près de sa maison, à al-Madaïn. Il racontait aux présents ses pérégrinations pour atteindre la vérité. Comment avait-il abandonné la religion de son peuple persan pour embrasser d'abord le Christianisme et ensuite l'Islam? Comment avait-il laissé la richesse de son père, pour se jeter dans la misère à seule fin de libérer son âme? Comment avait-il été vendu comme esclave, lors de son voyage pour la vérité? Comment avait-il rencontré l'Envoyé (ç) et comment avait-il cru en lui? Venez, allons ensemble écouter son récit, dans cette réunion-là. «Je suis originaire d'Ispahan, d'un village appelé Jay, et mon père était une personnalité importante ayant des terres. J'étais, pour lui, le plus aimé des hommes. Je m'étais attaché au Mazdéisme de sorte que je demeurais près du feu que nous allumions, et nous ne le laissions jamais s'éteindre. Mon père, qui avait une ferme, m'envoya un jour pour elle. Je sortis donc. (Sur le chemin), je passai près d'une église appartenant à des Chrétiens. Je les entendis prier. J'entrai pour voir ce qu'ils faisaient. Ce que je vis de leur prière me plut et je me dis alors: "Cela est mieux que notre religion que nous suivons." Je ne les quittai qu'au coucher du soleil. Alors, je ne regagnai pas la ferme de mon père et je ne retournai pas auprès de lui qu'après qu'il eut envoyé (des gens) me chercher. Leur affaire m'ayant plu, ainsi que leur prière, j'avais interrogé les Chrétiens sur l'origine de leur religion. Ils m'avaient dit: "C'est en Syrie..." Puis, à mon retour, je dis à mon père: "Je suis passé près de gens qui prient dans une église à eux. Leur prière m'a plu et j'ai vu que leur religion est mieux que la nôtre." Il discuta avec moi et je discutai avec lui.; Puis, il me mit aux fers et me fit prisonnier. Après quoi, j'envoyai quelqu'un aux Chrétiens pour leur dire que j'avais embrassé leur religion. Je leur demandai aussi, si un cortège venait de Syrie, de m'en informer avant son retour. Je comptai partir avec eux en Syrie. Les gens de l'église firent cela. Je brisai mes fers et je sortis. Puis, je partis avec eux en Syrie. Là-bas, je demandai après leur savant. On me dit: "C'est l'évêque, la patron de l'église." Je le contactai et je lui racontai mon histoire. Puis, je m'installai avec lui à servir, à prier et à apprendre. Cet évêque était un homme de mal en sa religion, puisqu'il collectait les aumônes des gens, en vue de les distribuer, puis les accumulait pour lui. A sa mort, ils le remplacèrent par un autre. Je n'avais pas vu d'homme (plus impliqué) que lui dans leur religion: plus que tout autre, il désirait la vie dernière, était continent de l'icibas, assidu dans les adorations. J'eus pour lui un amour, lequel je n'avais pas eu de pareil pour un autre avant lui. Quand la fatalité (de la mort) se présenta à lui, je lui dis: "Voilà que se présente à toi ce que tu vois du décret de Dieu. Qu'est-ce que tu m'ordonnes? Pour qui me recommandes-tu?" Il me dit: "C'est vrai, mon fils. Je ne connais personne qui suit ce que je suis, sauf un homme se trouvant à al-Mawçil..." Quand il mourut, j'allai trouver celui d'al-Mawçil. Je le mis au courant. Après quoi, je m'installai avec lui le temps que Dieu voulut. Donc, quand la mort se présenta à lui, je l'interrogeai et il me montra un adorateur installé à Naçibin... J'allai le trouver et je lui racontai mon histoire. Après quoi, je m'installai avec lui le temps que Dieu voulut. Quand la mort se présenta à lui, je l'interrogeai. Il m'ordonna alors de rejoindre un homme installé à Âmuriya, dans le pays de Byzance. Je fis donc le déplacement et je m'installai avec lui. Et pour vivre, je pris des vaches et des moutons... Par la suite, la mort se présentant à lui, je lui dis: "Pour qui me recommandes-tu?" Il me dit: "0 mon fils, je ne connais aucun qui suit ce que nous suivions, pour t'ordonner de le rejoindre. Mais, tu es dans l'époque d'un prophète qui sera envoyé avec la religion d'Abraham, le croyant originel. Il émigrera en une terre contenant des palmiers situés entre deux zones pierreuses. Si tu peux l'atteindre, agis en conséquence. Il a des signes qui ne se cachent pas: il ne mange pas l'aumône, il accepte le présent, et il a entre les épaules le sceau de la prophétie. Si tu le vois, tu le reconnais.» Puis, un certain jour, une caravane vint à passer près de moi. Les ayant interrogés sur leur pays, je sus qu'ils étaient de la presqu'île arabique. Je leur dis alors: "Je vous donne mes vaches et mes moutons et vous me prenez avec vous pour votre pays?" Ils dirent: "Oui." Ils m'emmenèrent donc avec eux jusqu'à Wadî-alQoura. Là, ils me nuisirent: ils me vendirent à un juif. Après quoi, je vis beaucoup de palmiers. J'eus la convoitise que l'endroit fût le pays qui m'avait été décrit et qui serait l'asile du prophète attendu. Mais, le pays ne l'était pas. Je restai chez l'homme qui m'avait acheté jusqu'au jour où un juif des Banou Quraydha vint à lui. Il m'acheta et m'emmena avec lui à Médine. Par Dieu! dès que je la vis, j'eus la certitude que c'était bien le pays qu'on m'avait décrit. Puis, je m'installai à travailler pour lui, dans sa palmeraie située dans le territoire des Banou Quraydha, jusqu'au jour où Dieu envoya son Envoyé, et que ce dernier vint à Médine, s'installa à Qubâ', chez les Banou Amrû b. Aouf. Un jour, alors que j'étais sur le haut d'un palmier et que mon propriétaire était assis à son pied, un cousin à lui vint et lui dit: "Dieu combatte les Banou Qila! ils sont à Quba en train de se bousculer autour d'un homme arrivé de la Mecque; ils prétendent que c'est un prophète." Par Dieu! je fus pris de frissons dès qu'il eut dit cela, si bien que le palmier frémit et que je faillis tomber sur mon propriétaire. Je descendis rapidement, en disant: "Qu'est-ce que tu dis? Quelle est la nouvelle?" Mon maître leva alors la main et me donna un coup fort, puis dit: "Qu'est-ce que tu as avec celui-là? Va à ton travail!" Je m'en allai alors à mon travail. Puis, le soir venu, je rassemblai ce que j'avais et je sortis jusqu'à arriver auprès de l'Envoyé (Ç), à Quba. J'entrai et je le trouvai avec un groupe de compagnons. Je lui dis: "Vous êtes des gens se trouvant dans le besoin et en exil, et j'ai une nourriture que j'avais consacrée à l'aumône. Quand on m'a montré votre endroit, j'ai vu que vous y avez plus de droit que d'autres gens. C'est pourquoi je suis venu à vous." Sur ce, je déposais la nourriture. L'Envoyé (ç) dit à ses compagnons: "Mangez au nom de Dieu." Quant à lui, il s'abstint de tendre même la main. Je me dis alors: "Par Dieu! voilà la première chose. Il ne mange pas l'aumône." Après quoi, je retournai. Le lendemain, je revins à l'Envoyé (ç), avec une nourriture. Je lui dis: "Je t'ai vu que tu ne mangeais pas l'aumône. J'ai quelque chose, un présent, et je veux t'honorer." Puis, je le déposai devant lui. Il dit à ses compagnons: "Mangez au nom de Dieu." (Cette fois.) il mangea avec eux. Je me dis alors: "Par Dieu! voilà la deuxième chose. Il mange le présent." Sur ce, je me retirai. Je restai le temps que Dieu voulut puis je revins pour le voir. Je le trouvai à alBaqï. Il était à un enterrement. Il était entouré de ses compagnons. Il portait deux capes, dont l'une était sur son dos. Je le salua puis je m'écartai pour voir le haut de son dos. Il sut que je voulais cela. Il dégagea le vêtement, pour laisser voir sa nuque, et voilà le signe entre ses épaules! le sceau de la prophétie comme il avait été décrit par mon compagnon. Je me penchai sur lui, pour l'embrasser et pleurer. Puis, l'Envoyé (ç) m'invita. Je m'assis devant lui et je lui racontai mon histoire comme je la raconte maintenant. Après quoi, je me soumis à Dieu. L'asservissement m'empêcha de prendre part à la bataille de Badr et celle de Uhud. Puis, un certain jour, l'Envoyé (ç) me dit: "Fais un écrit avec ton maître, en vue de ta libération." Je fis avec lui cet écrit. Puis, l'Envoyé (ç) ordonna aux compagnons de m'aider. Alors, Dieu libéra ma nuque, si bien que je vis maintenant libre et musulman. En outre, j'ai pris part avec l'Envoyé (ç) au siège du Fossé, et aussi à toutes les batailles.» * * * Avec de telles paroles limpides, Salman al-Farisy a parlé de ses pérégrinations à la recherche de la vérité qui le mettra en rapport avec Dieu et lui définira son rôle dans cette vie. Quel grand homme était cet homme! Quelle supériorité avait acquise son âme, pour imposer sa volonté à toutes les difficultés! Quelle ferveur permanente pour la vérité! si bien qu'il a quitté librement le luxe et l'opulence de son père, pour se jeter dans l'inconnu et ses imprévus, pour aller d'un pays à un autre, en quête de la vérité. Sa pugnacité, ses sacrifices en vue de la guidance ont désarmé tous les obstacles, même celui de l'asservissement. C'est pourquoi Dieu l'a rétribué d'une large rétribution: il a rencontré le Vrai, son chemin a croisé celui de l'Envoyé (ç), il a vécu longtemps pour voir l'étendard de Dieu flotter sur nombre de pays. * * * Cet homme de cette trempe, possédant une telle sincérité, à quoi s'attend-on de lui? Son islam était l'islam des dévoués qui se prémunissent. Dans sa continence, sa perspicacité, sa tempérance, il ressemblait à Omar b. al-Khattab. Une fois, il est resté des jours avec Abou ad-Darda dans une seule demeure. Remarquant qu'Abou ad-Darda faisait des prières de nuit et un jeûne surérogatoire le jour sans discontinuer, Salman a jugé que c'était là des actions d'adoration exagérées. Il a essayé de le convaincre. Abou ad-Darda a dit: «M'empêcherais-tu de jeûner pour mon Maître, de prier pour lui?» Salman lui a alors rétorqué: «Tes yeux ont un droit sur toi, et ta famille a aussi un droit ; jeûne et déjeune, prie et dors.» L'Envoyé (ç), quand cela est parvenu à lui, a dit: «Salman a été comblé de science.» En outre, lors du siège du Fossé, quand les Ançar et les Muhajir se sont dit les uns aux autres: «Salman fait partie de nous!», l'Envoyé (ç) leur a dit: «Salman fait partie de nous, nous la Maisonnée.» Salman est effectivement méritant de cet honneur. Quant à Ali b. Abou Talib, il le surnommait Luqmân le sage. A la mort de Salman, Ali b. Abou Talib a dit: «Celui-là est un homme Qui fait partie de nous Et il est pour nous Nous la Maisonnée Qui avez-vous Qui soit comme Luqmân le sage? Il a été doté de la science première et de la science dernière. Il a récité le Livre premier et le Livre dernier. Il était un océan (de savoir) qui ne tarissait pas.» Salman avait une place très particulière dans le coeur des compagnons de l'Envoyé (ç). Sous le khalifat de Omar, il est venu à Médine en visite. Omar l'a accueilli avec tous les égards. Il avait réuni ses compagnons et leur avait dit: «Sortons accueillir Salman!» Et tous allèrent l'accueillir à l'entrée de Médine. Depuis qu'il a rencontré l'Envoyé (ç) Salman mena une vie de musulman libre, de combattant. Il traversa le khalifat d'Abou Bakr, de Omar. Mais dans celui de Othman, il fut rappelé à Dieu. Durant toutes ces années, l'Islam se répandait, ses étendards flottaient dans les divers horizons, et les biens affluaient à Médine, où on les distribuait régulièrement aux gens. Les postes de responsabilité se démultipliaient. Et Salman, où était-il dans tout cela? De quoi s'occupait-il en cette époque de richesses? * * * Regardez là! regardez bien! Voyez-vous là-bas, à l'ombre, ce noble vieillard en train de tresser les feuilles de palmier, pour en faire des ustensiles? C'est Salman. Regardez-le bien. Vous le voyez habillé d'un vêtement court, si court qu'il lui arrivait aux genoux. Pourtant, le don qu'il touchait était considérable. Entre 4000 et 6000 dirhams par an. Il distribuait tout, sans garder le moindre sou, en disant: «J'achète avec un dirham des feuilles de palmier et je les travaille, puis je les vends à 3 dirhams. Je garde un dirham pour d'autres feuilles, je dépense un autre pour ma famille, et je donne le troisième en aumône.» * * * Certains d'entre nous, quand ils entendent parler de la continence des compagnons, disent que cela était en rapport avec les conditions naturelles de la presqu'île arabique, où l'Arabe trouve son plaisir dans la simplicité. Mais, là, nous sommes devant un homme originaire de Perse, qui était un pays de richesses et de faste, un homme qui n'était pas un pauvre. Pourquoi Salman refusait-il alors la fortune et la vie raffinée? Pourquoi insistait-il à se suffire d'un seul dirham quotidien qu'il gagnait à la sueur de son front? Pourquoi refusait-il le poste d'émir? Il disait: «Si tu peux manger de la poussière, pour ne pas être un émir de deux personnes, fais-le!» Pourquoi rejetait-il les postes de responsabilité, sauf celui d'être chef d'une colonne partant au combat sur le chemin de Dieu? Et pourquoi n'acceptait-il pas sa part de don qui lui était pourtant licite? Hichâm b. Hassan rapporte d'al-Hassan: «Le don à Salman était de 5000. Et puis, il était à la tête de 30000 hommes, il faisait son discours couvert d'une (simple) cape, dont la moitié lui servait de couche et l'autre. de vêtement. Quand sa part de don lui parvenait, il la donnait. Il mangeait du travail de ses mains.» Pourquoi Salman agissait-il ainsi? Qu'on écoute sa réponse qu'il avait donnée avant de mourir. Sur son lit de mort, il avait pleuré devant Saâd b. Waqaç qui lui rendait visite. «Qu'est-ce qui te fait pleurer, ô Abou Abdallah? Pourtant, l'Envoyé mourut en étant satisfait de toi, lui dit Saâd. - Par Dieu! dit Salman, je ne suis pas affligé par la mort et je ne suis pas attaché à l'ici-bas. Mais l'Envoyé nous a confié une charge, quand il a dit: "Que l'un de vous ait dans l'ici-bas une part semblable aux victuailles du voyageur." Alors que moi je suis entouré de tant de choses. - Ô Abou Abdallah! dit Saâd, en ne remarquant autour de lui qu'une écuelle et un petit récipient, recommande-nous quelque chose que nous garderons de toi. - Ô Saâd, rappelle Dieu quand, dans ton souci, tu t'apprêtes (à agir), quand tu t'apprêtes à prendre une décision et quand tu t'apprêtes à distribuer avec ta main." Voilà l'homme. Il a respecté scrupuleusement la recommandation de l'Envoyé (ç), en ayant une simple écuelle dans laquelle il mangeait, ainsi qu'un récipient avec lequel il buvait et faisait ses ablutions. Et pourtant, il avait eu les larmes aux yeux. * * * A l'époque où il était émir d'al-Madaïn, rien n'avait changé dans sa personnalité. Il avait continué à vivre de la confection des feuilles de palmier. Un jour, alors qu'il était dans la rue, il vit un homme arriver de Damas avec une charge de figues et de dattes. Ce dernier, étant fatigué par le poids, cherchait un pauvre porteur. Dès que ses yeux tombèrent sur Sa1man, il l'appela. Salman prit la charge et s'en alla avec l'étranger. Sur le chemin, quand tous deux passèrent près d'un groupe d'hommes, Salman leur lança le salut et eux lui répondirent debout: «Salut sur l'émir.» L'homme se dit aussitôt: «Quel émir désignent ils? » Son étonnement s'accrut encore quand il vit quelques-uns accourir et dire à Salman: «Ô Emir, laisse! on va porter cela.» L'homme sut alors qu'il avait eu affaire à l'émir de la ville. Il essaya de ne pas laisser la charge sur les épaules de Salman. Mais Salman refusa de la tête, en disant: «Non, jusqu'à te faire parvenir à ta destination.» * * * Un jour, on lui posa la question: «Qu'est-ce qui te fait répugner le poste d'émir.» Il répondit: «C'est la saveur de son sein quand on le prend et l'aigreur de son sevrage.» Un autre jour, son compagnon entra et le trouva en train de pétrir la pâte. Il lui dit: «Où est la servante?» Salman lui répondit: «Nous l'avons envoyée pour une affaire. Alors, nous avons détesté de lui réunir deux travaux à la fois.» * * * Le jour de sa mort, au matin, Salman appela sa femme, et lui dit: «Apporte-moi la chose que je t'avais donnée à cacher,» Elle alla vite l'apporter. C'était une bourse contenant du musc qu'il avait eu le jour de la conquête de Jalwala. Il l'avait gardée pour s'en parfumer à sa mort. Il demanda encore à sa femme de lui apporter un récipient d'eau, où il éparpilla le musc. Il le fit fondre avec sa main puis dit à son épouse: «Arrose avec cela mon pourtour. Des créés de Dieu sont maintenant présents. Ils ne mangent pas la nourriture, ils aiment plutôt le bon parfum.» Quand elle termina d'arroser, Salman lui demanda une dernière fois de le laisser seul après avoir fermé la porte. Elle fit cela. Et quand elle revint après un moment, elle le trouva sans âme. Son âme avait quitté son corps et cet ici-bas, pour aller rejoindre le sublime synode. Salman al-Fârisy était allé là-bas rejoindre l'Envoyé (ç) et ses compagnons. |
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