Le jardin des gnostiques dans l'ascétisme et le soufisme (An-Nawawi)
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Ach-Chafi'i (que Dieu lui fasse miséricorde) dit : "Seul le sincère (moukhlis) connait ce qu'est l'hypocrisie (riya)."
Ceci signifie qu'il est impossible de connaitre la réalité de l'hypocrisie et voir ses aspects cachés sauf pour celui qui cherche de manière résolue la sincérité (arada). Celui-ci, lutte pendant une longue période, cherchant, méditant et examinant profondément en lui-même jusqu'à ce qu'il sache ou connaisse quelque chose au sujet de ce qu'est l'hypocrisie. Cela n'arrive pas à tout le monde. En vérité, ceci arrive seulement aux élites (al-khawass). Mais pour un individu donné, affirmer qu'il connait ce qu'est l'hypocrisie est signe d'ignorance de sa part.
Je mentionnerai, dans ce livre, un chapitre par la volonté de Dieu, dans lequel tu verras un type de merveille qui rafraîchira tes yeux. Pour illustrer l'étendue de la dissimulation de l'hypocrisie, nous avons seulement besoin de rapporter le récit suivant de la part du Professeur et Imam Abou al-Qassim al-Qouchayri, que Dieu répande Sa miséricorde sur lui, extrait de sa Rissala avec notre isnad mentionné auparavant.
Il dit : "j'entendis Mouhammad Ibn al-Houssayn dire : J'entendis Ahmad Ibn 'Ali Jafar dire : J'entendis al-Hassan Ibn Alawiyya dire : Abou Yazid [al-Bistami], que Dieu soit satisfait de lui, dit : J'étais pendant douze années le forgeron de mon égo (haddadou nafsi), puis pendant cinq années je devint le miroir de mon cœur (mir_atou qalbi), puis pendant une année je regardai ce qui reposa entre les deux, et je vis autour de moi une ceinture visible [koufr]. Alors, j'ai luttai pendant douze années pour la couper et je la vis encore, et je la vis cachée autour de moi. Ensuite, je m'attelai pendant cinq années à voir comment la couper. Alors, je fus dévoilé (kouchifa li) et lorsque je regardai la création, je vis qu'ils étaient tous morts. Je récitai alors la prière funèbre sur eux."
Je dis : Cette hypocrisie étant aussi énigmatique que les maîtres de cette voie qui n'ont pas d'égal montre combien de fois il reste dissimulé. Sa phrase : "Je les vis tous morts" est le sommet de la valeur, de la beauté et la rareté autre que les mots du Prophète, la Paix et la Bénédiction de Dieu sur lui, regorge d'une telle richesse en significations. Je toucherai brièvement à ces significations. Le sens est qu'après qu'il ait lutté longtemps et difficilement et que son égo ait été discipliné et son cœur illuminé, et lorsqu'il eu conquis son égo et soumis et achevé une complète maîtrise sur lui et qu'il l'a totalement assujeti à lui, à ce moment, il regarda toutes les créatures et trouva qu'elles étaient toutes mortes et sans pouvoir :
elles ne peuvent faire du tort ni être bénéfiques
elles ne peuvent donner ni retirer
elles ne peuvent donner ni la vie ni la mort
elles ne peuvent communiquer ni trancher
elles ne peuvent transmettre ni oter
elles ne peuvent rendre heureux ni rendre triste
elles ne peuvent accorder ni dépriver
elles ne possèdent pour elle-même ni bénéfice, ni tort, ni mort, ni vie, ni résurrection.
Ceci, donne les caractéristiques de la mort aux êtres humains : ils sont considérés morts dans toutes les conditions ci-dessus mentionnées, ils ne sont ni craints ni suppliés, ce qu'ils possèdent n'est pas convoité, ils ne sont ni attrayants ni flatteurs, personne ne leur donne une attention, ils ne sont pas enviés ni dénigrés, leurs défauts ne sont pas mentionnés ni leurs fautes poursuivies et exposées, personne n'est jaloux d'eux ni ne pense aux faveurs qu'ils ont reï¿¥s de Dieu, et ils sont pardonnés pour leurs erreurs, quoique les punitions légales leur sont appliquées selon la Loi. Mais, l'application d'une telle punition n'exclue pas ce que nous avons mentionné auparavant, ni elle exclue notre effort de couvrir leurs erreurs sans au moins les dissuader.
Voici comment les morts sont vus. Et si quelqu'un mentionne les êtres humains de manière déshonorable nous lui interdisons de sonder ce sujet de la même manière que nous l'aurions fait s'il devait examiner un mort. Nous ne faisons rien pour leur intérêt nous les Lui laissons. Et, nous ne nous arrêtons plus à exécuter un acte d'obéissance envers Dieu à leur sujet que nous le faisons au sujet d'un mort, et nous ne les louons pas. Et, nous n'aimons pas non plus leurs louanges à notre égard ni haïssons leurs insultes, et nous ne leur rendons pas la pareille.
En résumé, ils sont comme s'ils n'existaient pas. Ils sont sous la complète attention et juridiction de Dieu. Quiconque a des rapports avec eux de cette manière, a combiné le bien de l'autre monde et celui d'ici-bas. Puisse Dieu Le Généreux nous donner le succès dans cet l'achèvement. Ces quelques mots sont suffisants pour expliquer les dires d'Abou Yazid al-Bistami, que Dieu soit satisfait avec lui. (p.53-54)

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